CUNICULTURE
Magazine Volume 36 (année 2009) pages 1 à 4

Chez Pascal et Myriam ORAIN
Un atelier cunicole biologique qui fonctionne !
par

Joannie LEROYER et Aude COULOMBEL
Institut Tecnique de l'Agriculture Biologique

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  Le présent article a été publié fin 2008 dans la revue Alter Agri N°92 (Novembre - Décembre) , pages 30 - 31. Pour les lecteurs de Cuniculture Magazine nous le reprenons ci-dessous, avec quelques illustrations photographiques supplémentaires.  
     
   
 

Repartition des élevages en France
 

Il n’existe qu’une cinquantaine de producteurs de lapins biologiques en France. Pour la plupart d'entre eux, cette activité est secondaire.

Pascal et Myriam Orain sont parmi les rares producteurs biologiques pour lesquels cette production est prépondérante. Bien que certains aspects de conduite de leur élevage soient perfectibles, leur atelier cunicole prouve que le lapin biologique et durable, c’est possible !

Depuis 2000 dans l'est de la Mayenne



Vues générales de l'élevage


Pascal Orain


C'est à la sortie d'un petit village à l'Est de la Mayenne, dans un paysage vallonné que Pascal et Myriam Orain se sont installés en 2000 avec un CTE, suite à une reconversion professionnelle. Pendant huit ans, la surface exploitée est restée à 15 hectares pour enfin doubler en 2008 grâce à l'acquisition de terres. L'atelier principal est cunicole. Mais outre ses 70 lapines, la ferme compte également quinze brebis allaitantes et dix vaches allaitantes. L'augmentation de surface permet désormais à Pascal et Myriam d'être 100 % autonomes en alimentation animale.

Les lapins disposent de tous leurs aliments à volonté : paille, foin, mélange céréalier et luzerne. Le mélange est composé de triticale, pois, orge et avoine produits sur la ferme et agrémenté de vesce spontanée. Les lapins ont une fâcheuse tendance à "trier" les grains les plus appétants. Les refus bénéficient à l'engraissement des ovins. Les lapins reçoivent en plus de la luzerne déshydratée en petits bouchons et un complément de granulés.

L'alimentation de base est composée de grains récoltés sur l'exploitation, mais aussi de granulés de luzerne et d'un aliment granulé bio
Cette alimentation est complétée par du foin et de la paille placés dans un râtelier dans la partie "abri" de la cage (ici ouverte pour la photo)
De la paille placée sur les cages sert à la fois d'aliment et d'abri contre le soleil
Enfin les lapins consomment sous leur cage, le fourrage de la prairie composé de légumineuses et de graminées cultivées.

Pour 1100 lapins produits par an, Pascal Orain utilise entre 16 et 17 tonnes d'aliment : 12 à 13 tonnes de mélange céréalier, 4,2 tonnes d'aliment à base de luzerne, 3 à 3,5 tonnes de foin et 0,8 à 1 tonne de paille pour les nids, la protection contre le soleil et l'alimentation. Ce poste correspond à 25 % des charges de l'exploitation. Pascal Orain préfère le système de distribution " à volonté " plutôt que le rationnement quotidien, inenvisageable en charge de travail.
Actuellement, l'indice de consommation global de l'élevage serait un peu supérieur à 6 avec 23 tonnes d'aliment pour 3,7 tonnes de lapins vendus vifs, sans compter la part d'herbe fraîche consommée sur la prairie. Cet indice semble élevé comparé à celui obtenu en élevage conventionnel (moins de 4), mais en AB, l'animal doit assurer sa thermorégulation, il est plus actif et surtout el est engraissé plus longtemps (vente entre 110 et 130 jours d'âge en général contre 70-75 jours en élevage intensif)

 

   
Le cheptel de base de l'élevage a été constitué à l'origine avec des lapins Fauve de Bourgogne et Papillon Français. Mais à la suite des croisements multiples et de l'introduction de quelques mâles d'autres races comme des Géants des Flandres ou des Normands désormais P.Orain considère qu'il a sa propre population de lapins adaptés à ses conditions d'élevage.

 

Des cages mobiles

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Sur prairie les cages doivent être solides, car il ya toujours des prédateurs qui rôdent. Certain sont même très astucieux (photo prise dans un élevage autre que celui de P & M Orain)

 

Les 110 cages mobiles - 60 pour la maternité et les 50 autres pour l'engraissement (capacité : neuf lapins maximum) et les mâles - tournent sur trois hectares de prairie. Elles sont en principe situées en haut de la pente du terrain en hiver et en bas l'été. Les prairies sont multi-espèces, composées de trèfle blanc, trèfle violet, minette et lotier pour les légumineuses, et de fétuque, dactyle, fléole, ray-grass anglais et ray-grass italien, pour les graminées. Le trèfle incarnat est très intéressant pour l'élevage des lapins car il est très fibreux mais doit être ressemé chaque année.
Au sein des rotations, la prairie est semée sous couvert de céréales. La luzerne n'a jamais bien poussé sur la ferme. Il semblerait intéressant de réessayer le semi de luzerne (avec inoculation) et de tester le sainfoin. La qualité de la prairie joue en effet un rôle important pour la réussite de l'élevage.

Les mères font entre trois et quatre portées par an. Le sevrage a lieu en moyenne à 75 jours, après un changement de cage (mère + portée) effectué 2 semaines plus tôt afin de limiter l'accumulation des stress. Comme l'explique Pascal Orain, " le déplacement des cages mobiles n'est pas une contrainte : elles ne sont pas très lourdes et ce travail ne demande que trois quarts d'heure par jour. Par contre, l'approvisionnement de 80 litres d'eau par jour avec des bouteilles d'un litre et demi est un peu pénible ".
"Je réfléchis actuellement à la conception d'un nouveau type de cage à usage mixte : maternité et engraissement, grâce à la fabrication d'une cloison amovible ", poursuit-il. Les nouvelles cages (d'une valeur de 100 €) sont fabriquées en pin douglas. Ce bois d'une meilleure longévité que le bois utilisé auparavant est plus facile à travailler que le fer. Les montants verticaux sont les points sensibles des cages car l'humidité du sol et l'eau de pluie peuvent y pénétrer. L'extrémité de la cage où est distribuée la nourriture est rehaussée et isolée du sol grâce au rouleau qui permet son déplacement. Pascal Orain aimerait trouver un chien de garde habitué aux lapins pour éloigner les chiens errants, principaux prédateurs.

Dans les cages d'engraissement, la partie abritée contient la trémie à grains et un râtelier pour les fourrages secs
Dans les cages de maternité, une cloison sépare la partie boîte à nid. dans cette ancienne cage, la cloison fixe a été rongée et une planche ajoutée
Les lapines aménagent leur nid avec leurs poils, le foin et la paille mis à leur disposition
Dans cages de construction plus récente la cloison de la boite à nid est mobile et peut être ainsi facilement remplacée. En outre un râtelier à fourrages a été ajouté
Approvisionner régulièrement les abreuvoirs est une charge de travail importante pour l'éleveur
Un rouleau placé sous la partie abri de la cage facilite son déplacement quotidien
Le mélange lithothamne, sel de Gérande et argile est placé en angle à côté de la trémie à grains
Les cages neuves ont un prix de revient de l'ordre de 100 € pièce.


Vers le maintien
d’un équilibre sanitaire
 

Depuis son installation en 2000, l'éleveur a donné une seule fois un antibiotique en janvier 2004 uniquement sur les mères dans l'eau de boisson suite à un problème de perte importante de mères à la mise bas (vingt en une semaine) : Escherichia coli a été révélée à l'autopsie. Selon P. Orain, le déséquilibre alimentaire avait favorisé l'apparition des désordres sanitaires : en effet de l'orge était alors distribuée comme seule céréale et la prairie était nouvelle (très peu fibreuse et très azotée car composée principalement de légumineuses), avec la conjonction d'un vaccin préventif contre la maladie hémorragique. " J'ai mis ensuite une année à rattraper l'équilibre sanitaire de mon élevage ! ", se souvient l'éleveur.

Pascal Orain utilise une teinture mère d'ail comme vermifuge. Contre la coccidiose, il ajoute du vinaigre de cidre presqu'en permanence dans l'eau de boisson (de 3 à 5 ml/litre d'eau) [ndlr : l'efficacité réelle de ce traitement contre les coccidies n'a à ce jour été ni confirmée ni infirmée en laboratoire]. Il donne du chlorure de magnésium en prévention pour renforcer l'immunité des animaux et a fait beaucoup d'analyses coprologiques au début de son élevage pour connaître le parasitisme présent sur son exploitation. Un mélange de lithothamne, sel de Guérande et argile est disponible en permanence dans les cages en complément minéral et pour assécher le milieu. Il n'a jamais eu recours à un traitement antiparasitaire chimique.

 

   

" Je n'effectue aucune vaccination car il y a peu de lapins de garenne à proximité de l'élevage ", précise Pascal. Depuis huit ans, l'éleveur a relevé un cas de myxomatose (en 2007). Cette situation est exceptionnelle en élevage cunicole, où en principe la vaccination contre la myxomatose au moins des adultes est fortement recommandée en raison des risques élevés de contamination : les vecteurs de propagation principaux sont les moustiques qui ont d'autant plus de chances de contaminer les lapins domestiques qu'il y a plus de lapins sauvages à proximité de l'élevage. En effet ces derniers servent réservoir au virus où "puisent" les moustiques des environs.

La vaccination contre la VHD (Maladie Hémorragique Virale) peut être réalisée, seulement sur les reproducteurs si le cheptel est touché. "Mon problème sanitaire principal reste "l'entérotoxémie ", affirme l'éleveur qui le soupçonne lié à l'herbe, et dont les symptômes évoquent des diarrhées colibacillaires ou provenant de coccidiose. Une autopsie de cadavres et une analyse microbiologique permettraient de déterminer les principaux pathogènes impliqués dans son élevage. En 2007, la mortalité moyenne des jeunes en engraissement a été de 24%entre quinze jours d'âge et la vente. Ce niveau de mortalité est stable d'une année à l'autre. La mortalité varie selon les mois mais elle est répartie en général de la manière suivante : 14 % avant sevrage et 8-9 % après sevrage.

 

   

 

Vente directe à 10,50 € le kg de carcasse

 

Les lapins sont majoritairement vendus en vente directe dans une petite zone environnant la ferme, notamment par le biais de l'AMAP locale, au prix de 10,5 € le kilo de carcasse, pour un poids carcasse moyen entre 1,650 et 1,700 kg. Pascal et Myriam Orain, écoulent une petite partie de la production via BIOCOOP qui leur achète à 11,5 € le kilo, frais de déplacement inclus. En magasin, il est vendu à 15 € le kilogramme. Le prix de vente peut paraître relativement faible pour du lapin Bio, mais l'éleveur s'adapte aux ressources de la population locale. Par exemple, dans la Drôme, le lapin est vendu à 12 € le kilo de carcasse en vente directe.

 

 

Les lapins âgés de plus de cinq mois sont transformés en pâté. La découpe est effectuée sur la ferme et la transformation (mise en bocaux) est réalisée à façon dans un atelier extérieur labellisée et les produits vendus sous la marque AB. Les peaux des lapins morts ont été valorisées par un taxidermiste, mais elles n'intéressent plus cette personne aujourd'hui pour des raisons financières (l'importation de peaux déjà traitées revient moins chère que de valoriser des peaux françaises). Elles sont donc évacuées par l'équarrissage comme déchets animaux. L'Excédent Brut d'Exploitation (EBE) est de 15 à 20 000 € par an dont environ 50% générés par l'activité lapin, pour l'équivalent d'une UTH (cela comprend la production, la transformation et la vente). Mais selon Pascal Orain, " un critère est oublié dans les bilans comptables : le BBE, le Bonheur Brut d'Exploitation ! "

   


Un groupe de travail lapin bio


Dans le cadre d’une réflexion collective sur la production de lapin biologique, un groupe de travail est né. Il est composé de chercheurs, techniciens, éleveurs, vétérinaires… L’objectif est d’identifier les freins et les clés au développement des ateliers de production de lapin bio. Dans un premier temps, sont visés des progrès techniques pour se concentrer sur le développement filière ensuite. Il s’est réuni pour la première fois chez Pascal et Myriam Orain en septembre 2008.
Contact : joannie.leroyer@itab.asso.fr -
tél : 02.41.18.61.55


Pour se renseigner sur le Lapin Bio


Grand Ouest
: Sébastien Bonduau, Maison de l'Agriculture - 9, rue André Brouard - 49105 Angers - tél 02 41 18 61 42 - cab.filieres@biopaysdelaloire.fr

Massif Central
: Michel Desmidt, Chambre d'Agriculture de Corrèze - BP 30 - 19001 Tulle Cedex - tél 05.55.21.55.49 - michel.desmidt@correze.chambagri.fr

Sud Ouest
: Florence Van Der Horst, ITAVI , 4 rue Ingres - 33220 Pineuilh - tél 05 57 46 45 13 - fvanditavi@aol.com

Sud Est
: Christel Nayet, Chambre d'Agriculture de la Drôme, Avenue de la Clairette - 26150 Die - tél 04 75 22 49 14 - cnayet@drome.chambagri.fr

 
 
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