|
Introduction
B. Renouf lors de sa présentation
|
|
Le phosphore
est un constituant majeur des os. Il joue aussi un rôle important
dans le métabolisme énergétique. Différentes
études antérieures (Lebas et coll., 1998, Ritskes-Hoitinga
et coll, 2004, Eiben et coll., 2008) ont montré que la réduction
du taux de phosphore dans les aliments d'engraissement par rapport
aux recommandations courantes (0,40 à 0,60% de la ration
selon les auteurs) n'affecte pas les performances zootechniques.
De même, une certaine réduction de la teneur en protéines
de l'aliment peut être aussi être utilisée pour
réduire les réjets dans l'environnement sans que les
performances zootechniques soient affectées (Maertens et
Luzi, 1997)
La pression environnementale liée aux rejets de phosphore
et d'azote dans l'environnement prend de plus en plus d'importance.
De plus, la hausse du prix des phosphates peut rendre coûteuse
la contrainte phosphore dans les aliments engraissement. L'objectif
de cette étude est donc de mesurer l'effet d'une baisse combinée
des niveaux de phosphore et de protéines dans l'aliment sur
les performances zootechniques et sanitaires des lapins en engraissement,
tout en mesurant les teneurs en phosphore et en azote des déjections.
|
Matériel et Méthodes |
|
L'essai a été réalisé à la station
expérimentale Euronutrition SAS à Saint-Symphorien
(72).
Aliments
expérimentaux et schéma expérimental
Les lapins ont été répartis en 4 lots et ont
reçu un aliment unique pendant toute la durée de l'essai,
du sevrage à la vente. Les aliments étaient présentés
sous forme granulé et n'étaient pas supplémentés.
La distribution d'aliment a été faite à volonté.
Le tableau 1 donne la répartition des 4 traitements expérimentaux
étudiés avec 2 niveaux de phosphore et 2 niveaux de
protéines. Les niveaux d'énergie digestible (2390
kcal/kg), d'amidon (13%), de cellulose (16%) et de calcium (1,4%)
étaient similaires pour les 4 aliments. La diminution du
taux de phosphore a été obtenue par l'incorporation
de carbonate de calcium à la place du phosphate bicalcique.
|
|
|
Tableau
1 : Définition des 4 aliments expérimentaux
(teneurs en % de l'aliment)
Traitements
|
N+P+
|
N-P+
|
N+P-
|
N-P-
|
Teneur
en protéines brutes (N x 6,25) |
16,0
|
14,5
|
16,0
|
14,5
|
Teneur
en phosphore total |
0,60
|
0,35
|
|
|
|
Animaux
et mesures
Les 672 lapereaux de souche Hyplus, ont été sevrés
à 35 jours et abattus à 67 jours d'âge. Ils
ont été répartis en 4 lots de même effectif
(24 cages de 7 lapereaux) et de poids homogènes au sevrage.
L'essai a eu lieu entre 36 et 66 jours d'âge. La consommation
d'aliment a été mesurée par cage sur les périodes
36-49 et 49-66 jours. La mortalité a été enregistrée
chaque jour en précisant la cause apparente de mortalité.
Des échantillons des déjections (crottes + urine)
ont été prélevés grâce à
des bacs placés sous 2 cages par traitement. La collecte
a été faite sur une journée à 38 - 50
et 64 jours d'âge. La matière sèche, l'azote
et le phosphore ont été analysés dans les déjections.
|
|
|
Analyses
statistiques
Les données de croissance, la consommation d'aliment et les
indices de consommation ont été analysés par
analyse de covariance avec le poids de sevrage en covariable. Les
pourcentages de mortalité ont été comparés
par un test du khi²
.
|
Résultats
et Discussion |
|
Performances
zootechniques
La baisse du niveau de phosphore de 0,60 à 0,35% dans l'aliment
a eu tendance à diminuer de manière passagère
la croissance entre 36 et 49 jours (-6%). Cette baisse est à
mettre en relation avec la baisse de la consommation (-4%). Cette
baisse a été suivie dune croissance compensatrice
sur la seconde période d'engraissement à partir de 49
jours . Sur l'ensemble de la période, les performances sont
donc peu influencés par le niveau de phosphore (Tableau 2;
aucun effet significatif du taux de phosphore). Ces résultats
sont en concordance avec ceux de Lebas et coll. (1998). Ces auteurs
ont également montréque la baisse du niveau de phosphore
n'altérait pas le rendement à l'abattage.
La baisse du niveau de protéines brutes de 16% à 14,5%
n'a pas eu d'effet sur les performances zootechniques. On doit cependant
remarquer qu'avec le taux le plus élevé de phosphore,
la baisse du taux de protéines tend à réduire
la consommation alimentaire, alors que l'effet inverse est observé
avec le taux de phosphore le plus faible. L'interaction entre les
2 facteurs est à la limite du seuil de signification (P= 0,057).
Ce type d'interaction se retrouve au plan numérique pour la
vitesse de croissance et l'indice de consommation, mais les effets
sont loin du seuil de signification.
|
|
|
Tableau 2 : Effets des niveaux de phosphore
et de protéines dans l'aliment sur les performances zootechniques
Paramètres |
Traitements |
Effet
du taux de proteines |
Effet
du taux de phosphore |
Interaction |
N+P+ |
N-P+ |
N+P- |
N-P- |
Poids
vif initial (36 j) (g) |
1093 |
1094 |
1095 |
1094 |
ns |
ns |
ns |
Poids
vif final (66 j) (g) |
2418 |
2388 |
2354 |
2375 |
ns |
ns |
ns |
Vitesse
de croissance (g/jour) |
44,3 |
43,2 |
42,0 |
42,7 |
ns |
ns |
ns |
Consommation
alim. (g/jour) |
140 |
135 |
132 |
137 |
ns |
ns |
P=0,057 |
Indice
de consommation |
3,16 |
3,14 |
3,15 |
3,21 |
ns |
ns |
ns |
|
|
|
Sur l'ensemble
de la période aucune différence de mortalité
n'a été observée entre les 4 lots expérimentaux.
La taux moyen relativement élévé (23,7%, principalement
avec des symptomes évoquant l'Entérocolite Épizootique
du Lapin) doit être mis en relation avec 2 contraintes que
se sont imposés les expérimentateurs - alimentation
et absence de toute supplémentation antibiotique - pour permettre
aux facteurs expérimentaux d'exercer pleinement leur influence,
alors même que l'on sait qu'un rationnement bien conduit aurait
pu enrayer les troubles digestifs (Gidenne et coll., 2008).
|
|
|
Composition
des déjections
La réduction du taux de phosphore dans l'aliment de 40%, a
réduit le taux de phosphore dans les déjections de 50%
(même effet à 38 - 50 ou 64 jours). La réduction
de 10% du taux de protéines, a entraîné une réduction
proportionnelle de la teneur en azote des déjections (Graphiques
1 et 2).
La réduction des teneurs alimentaires en protéines et
en phosphore est un moyen efficace de réduction des rejets.
Au niveau du coût des formules alimentaires, la diminution du
taux de protéines est coûteuse. La diminution du taux
de phosphore en évitant l'incorporation de phosphate peut présenter
un avantage économique car le prix des phosphates est très
élevé. Cependant, la limitation du taux de phosphore
à 0,35% serait une contrainte de formulation coûteuse
dans le contexte actuel de prix des matières premières
qui favorise l'utilisation de matières premières riches
en phosphore telles que les issues de céréales et les
tourteaux de tournesol par exemple. |
|
|
|
Conclusions |
|
Il s'avère
techniquement possible de réduire les rejets de phosphore
et d'azote en réduisant les teneurs dans les aliments sans
altérer les performances zootechniques ni sans augmenter
la mortalité des lapins en engraissement. Par contre, l'intérêt
économique au niveau de la formulation est actuellement minime
: l'imposition de contraintes de formulation à 0,35% de phosphore
ou à 14,5% maximum tendrait en effet a accroître
le prix des aliments; il est à l'inverse tout a fait raisonnable
de fixer désormais ces valeurs comme contraintes minimum
dans les aliments d'engraissement et de fixer les teneurs maximales
à des niveau sensiblement plus élevés.
Il faut en outre
remarquer que l'essai a été réalisé
avec des lapins nourris à volonté alors que la très
grande majorité des lapins engraissés en France sont
désormais rationnés (Lebas 2007). Cette option expérimentale
était parfaitement justifiée : le seul effet significatif
observé sur les performances a concerné les variations
de la consommation alimentaire spontanée, impossible à
observer en rationnement. Il conviendra donc de reprendre maintenant
cet essai dans des conditions plus proches de celles du terrain
avec des lapins rationnés, ce qui limiterait les pertes d'animaux
(Gidenne et coll., 2008).
|
|
|
Littérature citée
Eiben
Cs., Gippert T., Gódor-Surmann K., Podmaniczky B., Kustos
K., 2008. Effect of dietary phosphorus reduction and phytase supplementation
on growth of rabbits. Proceedings 9th World Rabbit Congress,
631-635.
Gidenne
T., Combes S., Feugier A., Jehl N., ArveuxP., Boisot P., Briens
C., Corrent E., Fortune H., Montessuy S., Verdelhan S., 2008. Feed
restriction strategy in the growing rabbit. 2. Impact on digestive
health, growth and carcass characteristics. animal, Published online
by Cambridge University Press 15 Dec 2008 doi:10.1017/S1751731108003790
Lebas
F., Lamboley-Gaüzère B., Delmas D., Auvergne A.,
1998. Incidence du taux de phosphore alimentaire sur la croissance
des lapins, leurs caractéristiques à l'abattage et
la résistance mécanique des os. 7ème Journ.
Rech. Cunicole, 171-174.
Lebas
F., 2007. Lutilisation de la restriction alimentaire dans
le filière cunicole et les différents modes de contrôle
utilisés sur le terrain. Table ronde des 12èmes Journées
de la Recherche Cunicole. http://www.asfc-lapin.com/Docs/Activite/T-ronde-2007/T-ronde2007-1.htm
(consultation du 20 février 2009)
Maertens L., Luzi F, 1997. Influence du taux protéique de
la ration sur la croissance et les rejets azotés des déjections.
Cuniculture, 24, 152-157.
Ritskes-Hoitinga J., Grooten H.N.A., Wienk K.J.H., Peters M., Lemmens
A.G., Beynen A.C. 2004. Lowering dietary phosphorus concentrations
reduces kidney calcification, but does not adversely affect growth,
mineral metabolism, and bone development in growing rabbits. British
Journal of Nutrition, 91, 367-376.
|
|
|