CUNICULTURE
Magazine Volume 36 (année 2009) pages 65 à 72

EFFETS DU NIVEAU DE RATIONNEMENT ET DU MODE DE DISTRIBUTION DE L'ALIMENT
SUR LES PERFORMANCES ET LES TROUBLES DIGESTIFS POST-SEVRAGE DU LAPEREAU

PREMIERS RÉSULTATS D'UNE ÉTUDE CONCERTÉE DU RÉSEAU GEC


T. Gidenne1, S. Murr1, A. Travel2, E Corrent3, C. Foubert4,
K. Bebin5, L. Mevel6, G. Rebours7, B. Renouf 8


1 - INRA, UMR 1289 "Tandem", BP 52327, 31326 Castanet-Tolosan Cedex                     
2 - ITAVI, UMT BIRD ITAVI-INRA , Unité de recherches Avicoles, 37380 Nouzilly          
3 - INZO, Chierry, BP 19, 02402 Château-Thierry                                                                    
4 - EVIALIS, BP 235, 56006 Vannes                                                                                             
5 - CCPA, ZA du Bois de Teillay - 35150 - Janzé                                                                        
6 - PRIMEX, Gare de Baud, BP 21, 56440 Languidic                                                                 
7 - TECHNA, BP 10, 44220 Couëron                                                                                             
8 - SANDERS, Centre d’affaire Odyssée, Cicé Blossac, BP CS17228, 35172 Bruz Cedex

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Ce travail a fait l'objet d'une présentation par T. Gidenne lors de la Journée Nationale du Lapin de Chair organisée par l'ITAVI le 25 novembre 2008 à Pacé. Le texte accompagnant cette présentation a été repris ici, complété par quelques unes les illustrations utilisées lors de la présentation orale.
 
     
  Résumé - La croissance et la santé de lapereaux nourris à volonté, en une ou deux distributions quotidiennes, de 35 à 70jours d'âge, ont été comparées à celles de lapereaux dont l'ingestion a été restreinte de 25% de 35 à 63 jours puis remise à volonté jusqu'à 70 jours. L'étude a été réalisée dans un réseau de 5 stations d'expérimentation cunicole sur un total de 2444 animaux. La stratégie de rationnement a conduit à des réductions significatives, du taux de mortalité de 21,6% (lapins nourris à volonté) à 11,9%, du taux de morbidité de 18,7% à 14,0%, et de l'Index de risque sanitaire (IRS) de 40,3% à 25,9%. En parallèle, l'efficacité alimentaire des animaux rationnés a été améliorée de 10% (3,04 vs 3,31), tandis que leur poids final d'abattage a été réduit de 6% seulement (2,45 kg vs 2,61 kg à 70 jours). En revanche, la distribution de l'aliment en une ou deux fois n'a pas eu d'effet significatif sur ces paramètres.  
     
     
 

Thierry Gidenne lors de la présentation orale
 

Introduction

Le réseau de 6 stations d'expérimentation cunicole animé par le groupe GEC est un outil exceptionnel pour mener des études portant sur les interactions entre l'alimentation du lapin et la pathologie digestive, que cette dernière soit spécifique (cas de l'EEL) ou non spécifique (par exemple d'origine nutritionnelle). En 2003, une étude du groupe GEC (Gidenne et al., 2003) a montré l'effet favorable d'un rationnement alimentaire quantitatif sur la réduction de la mortalité et la morbidité par troubles digestifs pendant la période post-sevrage du lapereau. De plus, il a été montré par Boisot et al. (2003) que le rationnement pouvait réduire les effets d'une inoculation expérimentale d'entérocolite épizootique (EEL). Le groupe GEC a ainsi proposé en 2003 une recommandation pour une réduction du niveau alimentaire d'au moins 20%, afin de réduire la mortalité post-sevrage par troubles digestifs. Désormais, diverses stratégies de rationnement, via l'aliment ou l'eau de boisson (Lebas et Delaveau, 1975, Lebas, 2007) sont très fréquemment utilisées dans les ateliers cunicole français, pour réduire les problèmes de pathologies digestives, mais aussi pour réduire le coût alimentaire. Cependant, les mécanismes physiologiques impliqués, tel que l'importance de la durée de vacuité digestive, restent à élucider. De plus, il reste important de confirmer par une seconde étude en réseau, les résultats obtenus antérieurement.

La présente étude a donc pour but, d'une part de confirmer l'effet favorable de la restriction alimentaire (avec une longue durée de restriction, et un retour à une alimentation libre sans transition) sur les performances et la santé digestive du lapereau après son sevrage, et d'autre part d'identifier si la durée de vacuité digestive (modifiée via le mode de distribution de l'aliment) peut influencer l'effet du rationnement.

 

Matériel et Méthodes  

1. Alimentation et conditions expérimentales

Un aliment expérimental, répondant aux recommandations nutritionnelles courantes pour le lapin en croissance (Gidenne, 2000) a été granulé sur un seul site (Euronutrition SAS, Sourches), sans anticoccidien ni antibiotique, à partir d'un même lot de matières premières (tableau 1). Néanmoins, certains nutriments ont été volontairement fixés à un niveau sub-optimal par rapport aux recommandations: en ce qui concerne les apports d'ADF et de protéines, afin de ne pas réduire excessivement le risque de troubles digestifs (Gidenne, 2003).

 

   
Tableau 1 : Ingrédients et composition chimique*, de l'aliment expérimental
Ingrédients
(%)
Analyse chimique et valeur nutritive
(% brut)
- Milurex
26,05
- Matière sèche
88,0
- Orge
6,10
- Matière minérale
7,4
- Blé tendre
5,00
- Amidon
15,3
- Tourteau de Soja 48
2,40
- Sucres totaux
7,8
- Tourteau de Tournesol
20,00
- Protéines brutes
16,3
- Luzerne type 17 LP
20,00
- Cellulose brute
15,1
- Paille de Blé
5,20
- NDF
32,1
- Pulpe de Betterave
4,90
- ADF
19,9
- Tourteau de Pépin de Raisin
3,00
- ADL
6,1
- Mélasse de betterave
5,00
- Energie digestible (kcal/kg)**
2300**
- Carbonate de Calcium
0,90
Résistance physique des granulés
- L-Lysine "concentré à 25%"
0,45
- Durabilité
97,2*
- Premix (0,5% NaCl inclus )
1,00
- Dureté
13,0*
* moyennes des valeurs mesurées (INRA, INZO, PRIMEX) ; ** : valeur théorique d'après formulation.

Un schéma expérimental bi-factoriel, à 2 x 2 niveaux, a été utilisé, afin de combiner le niveau d'alimentation "à volonté=100%" vs "75%" (codes 100 et 75), et le mode de distribution de l'aliment "un ou deux repas" (code 1D et 2D). Les lots d'animaux avec une seule distribution d'aliment (entre 7h30 et 8h30) seront nommés : 1D100, 1D75, tandis que ceux soumis à deux distributions d'aliment seront nommés : 2D100, 2D75. Pour les 2 lots nourris en deux distributions (2D100 et 2D75), l'accès à la mangeoire a été interdit de 10h30 jusqu'à 16h30, afin de créer une vacuité digestive.

L'application du rationnement a été effectuée du sevrage (35 jours d'âge) jusqu'à l'âge de à 63 jours. Le calcul du rationnement journalier a été prédéterminé à partir d'une courbe d'ingestion volontaire établie à l'INRA. Le niveau de rationnement a été contrôlé en comparant l'ingestion réelle des animaux rationnés avec celle les témoins, pour 7 périodes de 3 à 4 jours, entre le sevrage et 63j d'âge. Puis de 63 à 70 jours d'âge tous les lots ont été nourris à volonté.

 

Tableau 2 Modalités expérimentales dans les différents sites
 

2. Performances zootechniques et état sanitaire.

L'étude a été réalisée sur un ensemble de 5 sites expérimentaux, avec un total de 611 lapins par lot soit 2444 lapins dans l'ensemble (tableau 2). Le protocole a été appliqué pour chaque site en une seule série expérimentale, excepté dans le site 4 où une seconde série expérimentale a été conduite en raison d'un taux de mortalité élevé dans la première série. Le poids vif a été contrôlé au sevrage, à 49j, à 63j (milieu et fin rationnement) et à l'abattage (70j). La consommation d'aliment par cage a été contrôlée à la fin de chaque période pour les lapins nourris ad libitum. Pour les lapins rationnés, l'aliment était apporté quotidiennement et les éventuels refus pesés.

La mortalité a été enregistrée quotidiennement. Un contrôle d'état sanitaire a été réalisé lors de chaque pesée, par un examen externe de chaque lapin, afin de relever les symptômes de diarrhées, ballonnement ou d'autres signes cliniques (parésie, problèmes respiratoires, etc…). Le protocole prévoyait un traitement thérapeutique pour les sites présentant une fréquence trop élevée de cas de mortalité, basée sur une antibiothérapie dans l'eau de boisson.

 

Tableau 3: Ingestion moyenne effective mesurée chez les animaux rationnés, en fonction du lot et du site d'expérimentation
 

3. Analyses statistiques

Les données individuelles de poids vifs ont été contrôlées et uniformisées site par site (recherche de valeurs aberrantes situées à plus de 2,5 écart-type de la moyenne). Les lapins présentant une croissance anormalement basse ont été jugés comme morbides et répertoriés. L'analyse de variance de la croissance a été réalisée sur l'ensemble des animaux sains et morbides. Les données de consommation par cage puis par animal moyen présent, ont d'abord été corrigées à partir des données brutes, en cas de mortalité dans une cage, en retirant 2 jours supplémentaires de consommation par lapin mort. Dans le cas où plus de deux lapins par cage étaient morts, nous avons exclu les données de la cage, afin de réduire le risque d'erreur par correction successive des données. L'analyse des données d'état sanitaire a été réalisée pour chaque site, en relevant tous les cas de mortalité et de morbidité (symptômes de diarrhée, faible croissance). L'index de risque sanitaire (IRS) a été calculé en sommant les animaux morbides et les animaux morts.

L'analyse statistique des variables quantitatives (poids, ingestion) a été réalisée, par analyse de variance (procédure GLM du logiciel SAS) en prenant en compte trois facteurs et leurs interactions: l'effet du site d'expérimentation, le niveau de rationnement (100% ou 75%), et le mode de distribution (une ou deux distributions par jour). Néanmoins les données de l'un des sites, dont le rationnement a été de -15% (et non -25%, tableau 3) ont été retirées. L'analyse n'a donc porté que sur 4 sites, soit un ensemble de 2012 données individuelles. Quelles que soient les variables, nous n'avons observé aucune interaction significative entre les 3 facteurs (niveau x mode x site). Il existe néanmoins, selon les variables, quelques interactions significatives entre les effets du site et du mode de rationnement, ou entre les effets du site et du niveau de rationnement. Ces interactions proviennent d'un effet très significatif du site, quelles que soient les variables, et qui correspondent aux variations de niveau de rationnement entre les sites (tableau 3). Ces interactions ne modifient pas la valeur de probabilité des effets principaux (mode et niveau de rationnement). Pour simplifier la présentation des résultats, nous avons fait figurer seulement les probabilités concernant les 2 facteurs majeurs à savoir le niveau de rationnement et le mode de distribution de l'aliment. L'analyse statistique des données d'état sanitaire (mortalité, morbidité, IRS) a été réalisée avec la procédure CATMOD (logiciel SAS), qui permet une analyse des proportions avec 2 facteurs (+ interaction). De plus, l'analyse du facteur lot (4 niveaux correspondant aux 4 combinaisons de la factorielle 2 x 2) a été réalisée par cette procédure, associée à une comparaison multiple des moyennes.

 

Résultats et discussion  

1- Ingestion et croissance.

Les données de poids au sevrage n'indiquent aucun écart significatif entre les différents traitements, et confirment que l'allotement a été correctement réalisée par les différents sites (35-36 jours d'âge, tableau 4). Excepté pour un site, la baisse du niveau alimentaire de 25% prévue initialement a été bien respectée sur les 4 autres sites : le niveau alimentaire mesuré pour le lot 1D75 est en moyenne de 73,7% du groupe témoin (1D100) entre 35 et 49j, et de 73% entre 49 et 63j (tableau 3); la situation est similaire pour les animaux des groupes 2D. Ainsi, en moyenne sur l'ensemble des 2 groupes rationnés, le niveau alimentaire est de 74,8% de celui des groupes nourri à volonté (tableau 5). Le mode distribution de l'aliment n'a aucun effet significatif sur l'ingestion volontaire (150,7 vs 149,2 g/j de 35 à 70j resp. pour 1D100 et 2D100).

 


Le rationnement à 75% entre 35 et 63 jours réduit le poids vif à 63 j de 9,0% mais de 6,0% seulement à 70 jours
 
Tableau 4 : Poids et vitesse de croissance des lapins*, en fonction du niveau d'alimentation et du mode de distribution
Paramètres
de croissance
Mode de distribution
Niveau alimentaire

Coefficient de variation
résiduel %

Analyse statistique : Probabilité > F
1 D
2 D
100%
75%
Mode
Niveau
interaction MxN
Poids vif, g
.
.
.
.
.
.
.
.
- au sevrage (à 35-36 jours)
1030
1028
1029
1030
9,1
0,67
0,80
0,66
- à 49 jours (milieu période rati.)
1611
1593
1665
1544
11,0
0,03
<0,01
0,81
- à 63 jours (fin rationnement)
2209
2211
2319
2112
10,3
0,75
<0,01
0,95
- à l'abattage (à 70-71 jours)
2530
2527
2612
2454
9,2
0,57
<0,01
0,83
Vitesse de croissance, g/j
.
.
.
.
.
.
.
.
- de 35 à 49 jours
43,0
41,9
47,2
38,1
25,5
0,04
<0,01
0,99
- de 49 à 63 jours
41,8
43,1
45,4
39,8
25,9
0,10
<0,01
0,65
- de 63 à 70 jours
44,2
43,8
39,9
47,6
33,9
0,87
<0,01
0,58
- de 35 à 63 jours
42,4
42,5
46,4
38,9
17,5
0,95
<0,01
0,95
- de 35 à 70 jours
42,7
42,7
45,1
40,6
14,0
0,73
<0,01
0,76
* Données de croissance individuelle, de tous les animaux (morbides inclus); 1D: distribution de la ration quotidienne en une seule fois; 2D: distribution de la ration quotidienne en deux temps, par retrait de la mangeoire entre 10h30 et 16h30 ; 100%: alimentation à volonté. 75%: Ingestion restreinte à 75% du niveau alimentaire à volonté
   


Après 2 et 4 semaines de rationnement (tableau 4), on observe une même baisse de presque 9% du poids vif (P<0,01), tandis que la vitesse de croissance est réduite de 19,3 et 13,4% (sans interactions significatives avec le mode de distribution). Ainsi, nous observons un effet négatif du rationnement sur la croissance moins intense que celui observé par Gidenne et al. (2003) qui était de -25% pour une baisse de 25% de l'ingestion.

Le fait de distribuer la ration en deux fois, afin de créer une vacuité digestive, n'a pas d'effet significatif sur la croissance, excepté entre 35 et 49j, où on observe un léger effet négatif sur le poids (-1,7%, P=0,03) et la vitesse de croissance (-1 g/j, P=0,04; tableau 4). La même analyse, réalisée seulement sur les lapins sains (morbides exclus), réduit le coefficient de variation résiduelle des mesures et montre un effet non significatif du mode de distribution sur la croissance.

 


Le rationnement à 75% entre 35 et 63 jours réduit de 9,2% l'indice de consommation de l'ensemble de la période d'engraissement
 
Tableau 5 : Consommation des lapins*, en fonction du niveau d'alimentation et du mode de distribution.
Consommation en
g /jour et / lapin
Mode de distribution
Niveau alimentaire

Coefficient de variation
résiduel %

Analyse statistique : Probabilité > F
1 D
2 D
100%
75%
Mode
Niveau
interaction MxN
- de 35 à 49 jours
101,5.
99,8
115,6
86,2
9,41
0,16
<0,01
0,16
- de 49 à 63 jours
140,9
140,2
161,7
121,0
10,6
0,37
<0,01
0,04
- de 63 à 70 jours
193,3
197,2
189,5
201,0
10,4
0,19
<0,01
0,05
- de 35 à 63 jours
121,3
120,5
139,3
103,8
7,8
0,21
<0,01
0,03
- de 35 à 70 jours
136,4
136,3
149,9
124,1
6,9
0,57
<0,01
0,40
* Données de consommation par cage. Les lapins morbides sont inclus dans l'analyse ; les cages avec plus de deux morts ont été exclues

 

   

Pendant la période d'ingestion à volonté, une croissance compensatrice marquée est mesurée chez les animaux rationnés (63-70j), dont la vitesse de croissance est supérieure de +19 % par rapport aux lapins des lots 1D100 et 2D100. Cet écart de croissance, sur une semaine seulement, permet de réduire le retard de poids des animaux rationnés à 6% des témoins (à 70j). Par ailleurs, l'effet du mode de distribution est toujours non significatif. Cette croissance compensatrice est associée à une légère hausse d'ingestion de 6% durant la dernière semaine d'élevage, tandis que Gidenne et al. (2003) avaient observé une croissance compensatrice sans que l'ingestion augmente, mais sur la période 54-70j d'âge. Des phénomènes similaires de croissance compensatrice ont été mesurés antérieurement (Perrier, 1998; Perrier et Ouhayoun, 1996; Dalle Zotte et al., 2005), mais avec un système de rationnement non quantitatif, basé sur une limitation du temps d'accès à la mangeoire.

Sur la période totale (35-70jours) la vitesse de croissance des lapins rationnés est en moyenne 10% plus faible (- 4,5 g/j), tandis que l'effet du mode de distribution est toujours non significatif.

Ainsi, la restriction d'ingestion de 25% aboutit à une amélioration de l'indice de consommation de 11,4% (tableau 6) pendant la période de rationnement (+7,8% et +13,4% resp. de 35 à 49j et 49 à 70j), et de 6,4% (P<0,01) lors du retour à l'ingestion à volonté (63-70j). Sur la période complète d'élevage, l'indice de consommation est en moyenne de 8,2% inférieur chez les animaux rationnés, sachant que le mode distribution n'a aucun effet sur l'indice de consommation. Cet effet positif du rationnement sur l'efficacité alimentaire des lapins avait été observé antérieurement par Gidenne et al. (2003), mais avec une moindre ampleur et seulement pendant la période de croissance compensatrice, et pas pendant la période d'ingestion restreinte.

 

   
Tableau 6: Indice de consommation des lapins*, en fonction du niveau d'alimentation et du mode de distribution.
Indice de
Consommation
Mode de distribution
Niveau alimentaire

Coefficient de variation
résiduel %

Analyse statistique : Probabilité > F
1 D
2 D
100%
75%
Mode
Niveau
interaction MxN
- de 35 à 49 jours
2,36
2,32
2,44
2,25
9,0
0,40
<0,01
0,35
- de 49 à 63 jours
3,38
3,28
3,59
3,09
12,3
0,38
<0,01
0,22
- de 63 à 70 jours
4,60
4,75
4,84
4,53
23,4
0,52
<0,01
0,99
- de 35 à 63 jours
2,82
2,82
2,99
2,65
8,1
0,96
<0,01
0,18
- de 35 à 70 jours
3,17
3,17
3,31
3,04
6,4
0,80
<0,01
0,45
* Les lapins morbides sont inclus dans l'analyse ; les cages avec plus de deux morts ont été exclues

 

   

2 - Paramètres sanitaires
Pour faire face à une fréquence élevée de cas de mortalité, deux sites sur 4 ont appliqué un traitement antibiotique pour tous les groupes d'animaux, à partir de 42 jours et pendant 7 jours pour le site 3 (cause majeure = EEL), et pendant 16 jours pour la série 1 du site 4 (causes majeures = diarrhée et parésie).

Les causes de mortalité correspondent essentiellement à des troubles digestifs non spécifiques (diarrhées), ou liés à l'EEL (tableau 7). Notons que dans le site 4 une fréquence élevée de cas de ballonnements (90% des cas classés "autre", sans identification claire d'EEL) a été observée sur la première série expérimentale. L'EEL se manifeste dans 3 sites sur 4 (sites 1, 2, 3), tandis que l'on observe une fréquence élevée de cas de diarrhées (non apparentées à l'EEL) dans les sites 1, 3 et 4. De manière générale, les cas de parésie cæcale (non associés à l'EEL) restent rares. Par ailleurs, l'analyse des causes de mortalité en fonction du lot (en % intra-lot) fait apparaître une baisse de la fréquence des cas d'EEL chez les lapins rationnés comparativement à ceux nourris à volonté.

 

   
Tableau 7: Causes de mortalité* par site et par lot.
Sites
EEL**
Diarrhée
Autre$
Lots
EEL**
Diarrhée
Autre$
1
33
63
4
1D100
39
46
15
2
73
24
3
1D75
5
66
29
3
39
55
6
2D100
27
58
15
4
0
59
41
2D75
18
50
32
* mortalité calculée en % du nombre total de cas de mortalité intra-site ou intra-lot, et pour l'ensemble de l'expérimentation (35-70 jours d'âge); **: EEL = Entéropathie Epizootique du Lapin - $: ballonnement, parésie cæcale).
   


L'effet du lot sur les données de mortalité et de morbidité est significatif sur toute la période de rationnement (35-63jours). Le niveau de rationnement exerce un effet significatif très favorable, contrairement au mode de distribution, et sans interactions entre ces deux facteurs (tableau 8). Sur la période 35-63 jours d'âge, la mortalité moyenne est réduite de moitié chez les lapins rationnés (10,7%) comparéeà celle des 2 autres lots nourris à volonté (19,9%). De même, la morbidité est significativement réduite de 15,3 à 10,1%. En conséquence, l'index de risque sanitaire passe de 35,7% pour les animaux restreints à 20,8%. Cet effet favorable de la restriction alimentaire sur la santé digestive semble plus important en période post-sevrage comparé à la période 49-63j. Les résultats de cette étude confirment donc ceux obtenus en 2003 par le groupe GEC. En revanche, le fait de distribuer la ration en une ou deux fois ne semble pas présenter d'effet significatif sur les paramètres sanitaires. Néanmoins, nous détectons une tendance à une baisse de la mortalité (P=0,09) chez les lapins recevant deux distributions d'aliment en période post-sevrage, mais cet tendance s'inverse entre 49 et 63 jours d'âge, aboutissant donc à une absence d'effet sur la période totale de rationnement.

 

   
Tableau 8: Paramètres sanitaires en période de rationnement, en fonction du niveau d'alimentation et du mode de distribution, .
LOTS

Effet LOT
Probabilité
>F

Effet Traitement - Probabilité > F
1D 100
2D 100
1D 75
2D 75
Niveau
Mode
interaction MxN
Période de rationnement : de 35 à 49 jours d'âge
Mortalité, %
12,1 a
8,9 a
4,2 b
3,0 b
<0,01
<0,01
0,09
0,98
(cas / nombre initial)
61/503
45/503
21/503
15/503
Morbidité, %
11,5 a
9,7 ab
6,8 b
7,0 b
0,02
<0,01
0,63
0,50
(cas / nombre initial)
58/503
49/503
34/503
35/503
Index de Risque Sanitaire*
23,6 a
18,6 a
11,0 b
10,0 b
<0,01
<0,01
0,12
0,46
(cas / nombre initial)
119/503
94/503
55/503
50/503
Période de rationnement : de 49 à 63 jours d'âge
Mortalité, %
9,5 a
11,4 a
6,2 b
8,6 ab
0,02
0,02
0,10
0,65
(cas / nombre initial)
42/442
52/458
30/482
42/488
Morbidité, %
9,3 a
7,6 ab
4,4 c
5,1 b
0,01
<0,01
0,91
0,32
(cas / nombre initial)
41/442
35/458
21/482
25/488
Index de Risque Sanitaire*
18,8 a
19,0 a
10,6 b
13,7 b
<0,01
<0,01
0,23
0,28
(cas / nombre initial)
83/442
87/458
51/482
67/488
Ensemble de la période de rationnement : de 35 à 63 jours d'âge
Mortalité, %
20,5 a
19,3 a
10,1 b
11,3 b
<0,01
<0,01
0,85
0,44
(cas / nombre initial)
103/503
97/503
51/503
57/503
Morbidité, %
15,5 a
15,1 a
9,9 b
10,3 b
<0,01
<0,01
0,96
0,79
(cas / nombre initial)
78/503
76/503
50/503
52/503
Index de Risque Sanitaire*
36,0 a
34,4 a
20,0 b
21,6 b
<0,01
<0,01
0,90
0,42
(cas / nombre initial)
181/503
173/503
101/503
109/503
* Index de Risque Sanitaire (IRS) = cumul des cas de mortalité et de morbidité
   

Durant la dernière semaine d'élevage, le taux de mortalité et de morbidité est faible, et nous n'observons d'effet significatif pour aucun des deux facteurs, mode et niveau de rationnement (tableau 9).

Sur la période expérimentale totale, on n'observe ainsi aucun effet significatif du mode de distribution. En revanche, la réduction de 25% du niveau alimentaire pendant les 4 premières semaines d'élevage, conduit à des réductions significatives, du taux de mortalité de 21,6 (lapins ad libitum) à 11,9%, du taux de morbidité de 18,7 à 14,0%, et de l'IRS de 40,3 à 25,9%.

 


Le rationnement réduit significativement les problèmes sanitaires
 
Tableau 9: Paramètres sanitaires moyens, en fonction du niveau d'alimentation et du mode de distribution
LOTS

Effet LOT
Probabilité
>F

Effet Traitement - Probabilité > F
1D 100
2D 100
1D 75
2D 75
Niveau
Mode
interaction MxN
Période ad-libitum : de 63 à 70 jours d'âge
Mortalité, %
1,7
2,5
1,5
1,1
0,51
0,23
0,98
0,38
(cas / nombre initial)
7/400
10/406
7/452
5/446
Morbidité, %
5,5
4,7
3,8
5,8
0,49
0,71
0,52
0,16
(cas / nombre initial)
22/400
19/406
17/452
26/446
Index de Risque Sanitaire*
7,2
7,2
5,3
6,9
0,62
0,36
0,49
0,44
(cas / nombre initial)
29/400
29/406
24/452
31/446
Période totale : de 35 à 70 jours d'âge
Mortalité, %
21,9 a
21,3 a
11,5 b
12,3 b
<0,01
<0,01
0,87
0,65
(cas / nombre initial)
110/503
107/503
58/503
62/503
Morbidité, %
18,9 a
18,5 ab
12,9 b
15,1 ab
0,03
<0,01
0,52
0,39
(cas / nombre initial)
95/503
93/503
65/503
76/503
Index de Risque Sanitaire*
40,8 a
39,8 a
24,4 b
27,4 b
<0,01
<0,01
0,55
0,31
(cas / nombre initial)
205/503
200/503
123/503
138/503
* Index de Risque Sanitaire (IRS) = cumul des cas de mortalité et de morbidité

 

Conclusions   Une stratégie qui réduit l'ingestion de 25% pendant les quatre premières semaines post-sevrage est très bénéfique pour l'état sanitaire du lapereau, et conduit de plus à un coût alimentaire réduit d'environ 10%. Ces résultats confirment donc qu'il est possible d'obtenir une prévention des troubles digestifs par l'application d'une bonne stratégie alimentaire.
En revanche, on ne remarque pas d'effet majeur d'une distribution de l'aliment en deux fois, ce qui suggère que la durée de la vacuité digestive serait d'un impact modéré comparé à l'effet de la quantité d'aliment ingéré.

Le choix du niveau de rationnement résultera donc d'un compromis entre sécurité sanitaire, croissance et coût alimentaire, et il sera raisonné en fonction du degré de risque sanitaire identifié dans l'atelier cunicole.


   

Remerciements
Cette étude a été financée par les unités de recherches des auteurs, et également par l'Association Scientifique Française de Cuniculture (http://www.asfc-lapin.com/).

 

    Références bibliographiques citées
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Dalle Zotte A., Rémignon H., Ouhayoun J., 2005. Effect of feed rationing during post-weaning growth on meat quality, muscle energy metabolism and fibre properties of Biceps femoris muscle in the rabbit. Meat Science, 70, 301-306.
Gidenne T., 2000. Recent advances and perspectives in rabbit nutrition: Emphasis on fibre requirements. World Rabbit Sci., 8, 23-32.
Gidenne T., 2003. Fibres in rabbit feeding for digestive troubles prevention: respective role of low-digested and digestible fibre. Livest. Prod. Sci., 81, 105-117.
Gidenne T., Feugier A., Jehl N., Arveux P., Boisot P., Briens C., Corrent E., Fortune H., Montessuy S., Verdelhan S., 2003. A post-weaning quantitative feed restriction reduces the incidence of diarrhoea, without major impairment of growth performances: results of multi-site study. In Proc.: 10ème J. Rech. Cunicoles Fr., G. Bolet (Ed.), Paris, ITAVI publ. Paris France, 19-20 nov., 29-32.
Lebas F., 2007. L’utilisation de la restriction alimentaire dans le filière cunicole et les différents modes de contrôle utilisés sur le terrain. Compte rendu Table Ronde des 12e Journées de la Recherche Cunicole, Le Mans 27 nov.2007, http://www.asfc-lapin.com/Docs/Activite/T-ronde-2007/T-ronde2007-1.htm
Lebas F., Delaveau A. 1975. Influence de la restriction du temps d'accès à la boisson sur la consommation alimentaire et la croissance du lapin. Annales de Zootechnie 24, 311-313.
Perrier G., 1998
. Influence de deux niveaux et de deux durées de restriction alimentaire sur l'efficacité productive du lapin et les caractéristiques bouchères de la carcasse. 7èmes Journ. Rech. Cunicole Fr., JM Perez (Ed.), 13-14 mai, Lyon, ITAVI publ., p179-182.
Perrier G., Ouhayoun J., 1996. Growth and carcass traits of the rabbit a comparative study of three modes of feed rationing during fattening. In Proc. 6th World Rabbit Congress, Toulouse, F. Lebas Ed., France, Ass. Fr. Cunic. Publ., 09-12 july 1996, vol. 3, 225-232.

 
 
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