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Synthèses et production | |
L'objectif principal d'un
éleveur est de gagner sa vie en achetant ou en produisant des matières
premières alimentaires et en les transformant ensuite en lapins qu'il souhaite
vendre. Pour cela il va devoir utiliser deux grandes fonctions : la nutrition
qui permet aux animaux de transformer les produits végétaux
en produits animaux et la reproduction qui lui permet de disposer de nouveau
animaux pour effectuer cette production puisqu'il faut sacrifier l'animal producteur
pour "récolter" la production.
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| | | En
ce qui concerne la nutrition, l'objectif est de produire le plus possible
d'une viande correspondant à la demande du marché, avec le minimum
d'aliment. Or l'une des caractéristiques du fonctionnement digestif du
lapin est une mauvaise transformation quantitative des fibres alimentaires telles
que les pectines, les hémicelluloses et surtout la cellulose. Effectivement
60 à 80% des fibres alimentaire se retrouvent dans les déjections
après avoir traversé le tube digestif. La tendance naturelle pour
améliorer le rendement de la transformation végétal =>
viande de lapin, serait de réduire, voire de supprimer, cette fraction
de l'aliment très mal valorisée, surtout quant on a calculé
que les fibres totales représentent près de la moitié de
la ration quotidienne des lapins. |
| Le
lapin a besoin de fibres dans son alimentation, mais celles-ci sont mal valorisées
en terme de nutrition | |
Malheureusement pour l'éleveur
qui souhaite faire de la bio-transformation de végétaux en produits
animaux avec un bon rendement, le lapin ne supporte pas d'avoir une alimentation
sans fibres. Pour la santé digestive des lapins il leur FAUT de FIBRES.
L'équilibre entre "suffisamment de fibres" pour assurer un bon
état de santé et "pas trop de fibres" pour assurer une
bonne transformation et un bon rendement économique est très délicat
à trouver. C'est une partie importante du travail des nutritionnistes.
A la date d'aujourd'hui il est impossible de donner avec précision la quantité
et la qualité des fibres qui pourraient garantir l'équilibre optimum
santé-productivité. Des progrès énormes ont été
réalisés au cours des 20 dernières années, mais il
y a encore beaucoup de chemin à parcourir. A cela il y a plusieurs raisons
dont certaines sont strictement liées à la biologie du lapin. En
effet lorsque des troubles digestifs apparaissent en réponse à un
faible taux de fibres, leur ampleur et leur fréquence dépendent
beaucoup des autres paramètres définissant l'environnement des lapins
et tout particulièrement de leur statut sanitaire initial. On ne peut donc
pas définir un apport optimum de fibres dans l'absolu, cet optimum dépend
des autres paramètres de l'élevage. |
| Des
protéines de bonne qualité sont nécessaires Le
lapin en croissance a un métabolisme azoté très intensif | |
Le second volet de la nutrition
concerne la nutrition azotée. En effet, transformer des végétaux
en viande, cela veut dire essentiellement transformer des protéines
végétales en protéines animales. En effet, contrairement
aux ruminants, les lapins ne peuvent valoriser de l'azote non protéique
comme de l'urée par exemple, que dans des cas extrêmes, proches de
la disette. Or nous venons de voir que l'intérêt d'un éleveur
est d'avoir un bon rendement c'est à dire être plus proche de la
pléthore que de la disette. Les protéines végétales
que lapin doit transformer doivent avoir des acides aminés en un certain
équilibre aujourd'hui relativement bien connu. En biologie, comme
dans beaucoup d'autres domaines, la transformation d'un produit ne se fait jamais
sans "déchets". En terme de protéines le déchet
majeur s'appelle d'abord ammoniac puis "urée" et ce sont le foie
puis les reins qui DOIVENT éliminer ces déchets. La présence
de ces déchets est une perte économique pour l'éleveur, mais
surtout une charge pour l'animal. Plus l'animal fixe des protéines sous
forme de viande, plus grande est la quantité de déchets à
rejeter dans le milieu extérieur. Plus la quantité fixée
est forte par rapport à la masse déjà existante, plus intense
sera le métabolisme, et donc plus grande sera la quantité des déchets
que l'organisme devra éliminer. A titre d'exemple le tableau 18 donne une
idée de l'intensité du métabolise d'un lapin en croissance
par rapport à celui d'un taurillon. Il y apparaît clairement que
l'intensité du métabolisme d'un lapin est 4 fois plus important
que celui d'un taurillon. Cela veut dire que chaque gramme de lapin doit éliminer
environ 4 fois plus de déchets qu'un gramme de taurillon. Il est clair
qu'un lapin ayant un métabolisme aussi intense supportera mal les écarts
par rapport à l'optimum. Pour prendre une image, le lapin serait plutôt
une voiture de course qu'un tracteur agricole, et chacun sait que le moindre défaut
de réglage ou de conduite peut mener très rapidement à la
catastrophe. |
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Tableau
18 : Intensité relative de la croissance pondérale d'un taurillon
et d'un lapin en croissance |
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Taurillon |
LAPIN |
·
poids vif | 200
kg | 1
kg | ·
gain de poids par jour | 2
kg | 40
g | ·
gain de poids relatif par jour | 1
% | 4
% | | |
| Une
lapine en reproduction a un métabolisme 2 à 3 fois plus intensif
que celui de la plus productive des vaches laitières | |
Nous avons vu plus haut que la deuxième grande fonction que l'éleveur
doit exploiter est la reproduction. Il est bien, connu que le lapin est
une espèce prolifique, et cette caractéristique est largement exploitée
pour la production. La raison principale qui incite l'éleveur à
demander aux lapines une reproduction intensive, est la nécessité
économique d'amortir sur une production la plus grande possible, les charges
"fixes" que représentent les reproducteurs, principalement les
femelles. De ce fait depuis 30 ans on a cherché à valoriser le mieux
possible les caractéristiques reproductives de cette espèce : nombreux
descendants par portée, nombreuses portées par an et aussi maîtrise
complète par l'éleveur des rythmes de reproductions (intérêt
fondamental ici de l'ovulation provoquée). Compte tenu des systèmes
de production mis en place, un lapereau sacrifié 10 semaines après
sa naissance (soit 100 jours après sa conception) a passé 52% de
sa vie totalement aux dépens de sa mère (31 jours de gestation +
21 jours d'allaitement strict) auxquels il faut ajouter 10 à 12% de sa
vie en dépendance partielle. Par ailleurs, en raison de la prolificité
et du chevauchement au moins partiel des périodes de gestation et de lactation
il s'avère qu'une lapine reproductrice a un métabolisme à
peu près 2 à 3 fois plus intense qu'une vache laitière à
haute production. Les problèmes d'intensité de métabolisme
évoqués plus hauts se posent donc à elle comme ils se posent
aux lapereaux en croissance. |
| Si
l'alimentation d'une lapin reproductrice est insuffisante elle peut soit en mourir,
soit s'arrêter de reproduire, mais on ne peut pas toujours le prévoir | | Toutefois
contrairement aux jeunes en croissance, la lapine a un moyen propre pour réduire
l'intensité de son métabolisme : elle cesse momentanément
ou définitivement de se reproduire. Ce recours, elle ne le met normalement
en uvre que lorsqu'elle a "épuisé" ses autres capacités
adaptatives. Or un constat a été fait depuis plusieurs années
sur les difficultés de reproduction des lapines à la suite de la
première portée: un certain nombre de lapines arrêtent de
se reproduire et certaines meurent brutalement comme cela avait été
décrit il y a déjà longtemps lorsqu'il y a un déséquilibre
trop flagrant entre la demande énergétique de production et les
dépenses. Une attention toute particulière est donc portée
actuellement sur les moyens de remédier au déséquilibre entre
les apports alimentaires et les dépenses chez les lapines au cours des
toutes premières portées. Pour améliorer l'efficacité
de recherches sur la mise en place et la valorisation des réserves corporelles,
des efforts ont d'ailleurs été réalisés pour estimer
la composition corporelle d'une même lapine plusieurs fois rapprochées.
Ces méthodes modernes font appel désormais par exemple à
la tomographie aux rayons X ou à la modification d'un champ électrique
en présence d'un animal, méthode dite TOBEC, pour "Total Body
Electrical Conductivity". |
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2.
Où finit la physiologie et où commence la pathologie ?
Savoir
où commence la pathologie est souvent déterminé par la "qualité"
de nos connaissances | |
Souvent la limite entre
variations physiologiques et déviations pathologiques est difficile
à apprécier. En effet, en fonction de l'environnement une même
situation peut être jugée comme faisant partie du "normal"
ou du "pathologique". Cela dépend aussi beaucoup de celui qui
apprécie la situation. Par exemple quand un auteur conclut qu'il ne faut
pas faire reproduire les lapines car cela met leur squelette en situation "anormale"
en raison de la forte déformation de la colonne vertébrale et de
la scoliose qui lui est associée (Drescher, 1996) les éleveurs croient
rêver: Aucune espèce ne peut survire si elle ne se reproduit pas
! A quoi pensait donc cet auteur en écrivant cela ? En fait cet auteur
un peu rapide à pourchasser les "productivistes", confond l'usage
d'une alimentation insuffisante en calcium avec une pathologie consécutive
à la reproduction elle-même. Là se trouve tout le problème
de la pathologie liée à la nutrition : quand l'éleveur ne
permet pas à l'animal de couvrir les dépenses correspondant à
sa physiologie, on peut estimer qu'il y a situation "pathologique",
mais à une condition, c'est que l'on sache que cette couverture est possible.
Or Drescher par exemple a osé publier en 1996 sur la déminéralisation
des os sans même penser à se préoccuper de la composition
de l'aliment utilisé. Ne savait-elle pas que l'on peut nourrir les lapines
de manière équilibrée "aussi" dans les systèmes
d'élevage en cages. Elle a donc considéré comme "pathologie
liée la reproduction" ce qui n'était qu'une erreur humaine
dans le choix et la composition des aliments. La situation n'est cependant
pas toujours aussi simple. Ainsi, quand en 1967 Adams écrit qu'une lapine
ne peut conduire simultanément une gestation et une lactation que si elle
allaite moins de 4 lapereaux, il considère cette situation comme "physiologique"
et caractéristique de l'espèce. C'était l'état objectif
des connaissances de l'époque. Or nous savons depuis, que ces lapines expérimentales
étaient en carence énergétique et azotée (déséquilibre
des acides aminés), donc dans une situation qui serait jugée "pathologique"
aujourd'hui. Ce qui a été jugé en 1967 comme une situation
physiologique normale est devenu moins de 20 ans plus tard, une situation pathologique,
simplement parce que nos connaissances se sont améliorées
|
| | | Dans
le même ordre d'idée, il y a 10 ans encore, la majorité des
éleveurs et de ceux qui les encadraient, considéraient comme physiologiques
les pertes de 5 à 7% des lapereaux nés vivants, observées
au cours de la première semaine de vie: il n'y avait aucun symptôme
anormal en dehors de la relative vacuité de l'estomac, aucun agent pathogène
identifiable. Personnellement, je disais "c'est l'élimination naturelle
de ceux qui ne sont pas assez astucieux pour trouver une tétine au bon
moment". Or les travaux récents conduits sur les relations entre la
mère et ses jeunes ont permis de démontrer que ces pertes sont dues
en majeure partie à une sous-consommation de lait au moment de la naissance,
très probablement en relation avec la quantité phéromone
émise par la mère et permettant aux lapereaux de repérer
correctement les tétines. |
| | |
Pour trouver la limite
entre pathologique et physiologique on peut tenter de déterminer la
variabilité courante du ou des critères concernés et considérer
comme en situation pathologique un individu ou groupe d'individus qui s'éloigne
de plus de 3 écart-types de la moyenne générale. Cette méthode
ne doit cependant servir que de système d'alarme. En effet on ne connaît
pas toujours avec précision la moyenne et la variabilité du critère
considéré, ni surtout l'ensemble des facteurs qui peuvent faire
varier la moyenne mais aussi la variabilité. On doit aussi garder à
l'esprit l'exemple de l'expérimentation de Adams mentionnée plus
haut : ce qui était physiologique peut devenir pathologique simplement
parce que un jour on connaît mieux la physiologie du lapin. |
| 3.
Le lapin est-il un animal "fragile" ? | | On
entend souvent dire "les lapins sont des animaux fragiles, ils meurent
à la première occasion". Qu'y a-t-il de vrai dans cette
affirmation ? Tout d'abord il faut considérer que l'un des intérêts
majeurs du lapin est sa prolificité, or celle-ci n'est pas le fruit du
pur hasard. Dans la nature, les espèces sont prolifiques pour compenser
rapidement des pertes importantes liées soit à des prédateurs
particulièrement actifs, soit à un milieu fluctuant ayant des périodes
fastes et néfastes, soit à une fragilité particulière.
S'il existe des sujets fragiles et d'autres moins fragiles, la sélection
naturelle élimine rapidement les sujets les plus fragiles et seuls les
plus résistants survivent et se reproduisent, ce qui élimine l'hypothèse
d'une prolificité associée à une fragilité particulière.
Le rôle des prédateurs dans le stimulation de la prolificité
est possible mais peu probable. Il est beaucoup plus vraisemblable que le lapin
soit devenu prolifique pour compenser les fluctuations climatiques méditerranéennes
(l'Espagne est son principal pays d'origine rappelons-le). |
| Les
mortalités constatées dans l'élevage du Lapin sont similaires
à celles observées dans l'élevage du Porc | | En
fait qu'en est-il de la "fragilité" des autres mammifères
prolifiques.? Le seul exploité à des fins de production est le porc,
qui ne passe pas pour particulièrement fragile. Or l'étude des résultats
de gestion technique des élevages porcins en France pour l'année
1998 montre que les 6 meilleurs élevages français de naisseurs-engraisseur
ayant plus de 200 truies (sur 631 élevages) ont perdu 15,8% des porcelets
nés totaux avant le sevrage et 5,0% de porc sevrés avant l'abattage.
Pour les 14 meilleurs élevages de 100 à 200 truies sur 1011, les
chiffres équivalents sont de 14,9% et 4,8% , et pour les 10 meilleurs élevages
ayant moins de 100 truies sur 365 élevages, ils sont de 15,8% et 3,9%.
Cela veut dire que les meilleurs éleveurs de porc perdent environ 20 à
21% % de leurs porcelets entre la naissance et la vente. La moyenne se situe aux
environs de 25% soit 18,5% avant sevrage et 6,5% après. Or en considérant
le quart supérieur des élevages de lapin suivi par la gestion technique
française pour la conduite en bande, soit 367 élevages et pas seulement
les 10 meilleurs, on constate que pour la même année les pertes naissance-vente
chez les naisseurs engraisseurs de lapins ont été de 26%. La
conclusion s'impose d'elle-même, le lapin n'est pas plus fragile que le
porc, pourtant réputé résistant. |
| Chez le Lapin tout va vite | |
Alors d'où vient
cette impression de fragilité ? En fait, elle correspond à un décalage
dans les vitesses de la biologie des espèces. Nous vivons sur un espoir
de vie d'environ 75 à 80 ans. Dans la nature l'espoir de vie d'un lapin
est nettement inférieur à une année; dans un élevage
si on ne le sacrifie pas, il peut espérer vivre 4 ou 5 ans. Autrement dit
le lapin vit 20 à 80 fois plus vite que l'homme. Cela veut dire que dans
une vie d'homme il est logique de voir mourir une multitude de lapins. Par ailleurs,
intrinsèquement le lapin vie rapidement, intensément: il ne lui
faut que moins d'une seconde pour éjaculer, tout juste un mois pour conduire
une gestation à son terme, à peine deux mois pour passer de 50 g
à 2500 g. Son métabolisme est 3 à 4 fois plus intense que
les plus intensifs des bovins. Et surtout ses manifestations pathologiques elles
aussi sont rapides: si l'éleveur n'est pas attentif, les lapins sont morts
avant qu'il les ait vus malades. Ce n'est pas que le lapin soit fragile, c'est
seulement qu'il va vite, très vite. Alors souvent l'éleveur, le
vétérinaire, n'ont pas le temps d'intervenir avant que la maladie
soit arrivée au stade de non-retour. Alors définitivement, non,
le lapin n'est pas un animal plus fragile que les autres. |
| | | Une
partie de l'impression de fragilité vient aussi de la qualité des
éleveurs de lapin : comme tout se passe vite et qu'ils ont beaucoup de
lapins, ils notent, enregistrent leurs résultats, bref ce sont de véritables
petits comptables. Comme tout va vite, dans une année une lapine aura presque
terminé sa carrière soit 120 jours avant mise en reproduction +
300 jours de vie productive moyenne, comme une poule pondeuse. L'éleveur
aura comptabilisé la production et mesuré les pertes fait ses calculs
et il pourra donc fournir des chiffres fiables. Les éleveurs de porc sont
dans une situation similaire; mais avant d'écrire ce chapitre j'ai tenté
de trouver les chiffres de mortalité moyenne d'un élevage bovin
de naisseur-engraisseur. Je n'y ai pas réussi : ce type d'information n'est
pas disponible. |
| En
moyenne dans sa carrière, une lapine conduit à terme plus de gestations
qu'une truie ou qu'une vache | |
Pour comparer les espèces,
on peut comptabiliser les animaux nés arrivant au stade d'abattage pour
les espèces exploitées pour la production de viande. C'est ce que
nous avons fait pour comparer lapins et porcins. Une
autre méthode adaptée aux reproducteurs est de compter le nombre
de gestations réussies avant disparition ou réforme d'une femelle.
Là aussi, la lapine ne s'avère pas plus fragile que les autres:
elle fait en moyenne 6 portées avant d'être réformée,
soit un peu plus qu'une truie (5,5 portées) et nettement plus qu'une vache
(4,5 vêlages). Ainsi, pas plus que le jeune en croissance, la lapine
n'est pas un animal fragile. C'est seulement un animal qui va vite. |
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Fin
de cette conclusion sur la Biologie de Lapin |
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