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Introduction
Une expérimentation coordonnée
conduite simultanément dans des sites expérimentaux
aussi bien publics que privés, réunis au sein du GERC.
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Le principal
frein technico-économique de la filière cunicole est
la maîtrise de la santé des lapins en croissance (Lebas,
2005). Les troubles de la digestion sont le principal symptôme
associé à la mortalité et la morbidité
des jeunes lapereaux autour du sevrage. Des études ont montré
que l'apparition des entéropathies pourrait être liée
à une inadéquation entre la composition de l'aliment
sec ingéré par les jeunes lapereaux avant le sevrage
et leur maturité digestive (Fortun-Lamothe et Gidenne, 2003).
En effet, avant le sevrage, les lapereaux n'ont généralement
à leur disposition que l'aliment qui est distribué
à leur mère. Celles-ci ont des besoins énergétiques
élevés pour réaliser la production de lait
et permettre la croissance ftale de la portée suivante.
L'aliment qui leur est distribué a donc le plus souvent une
teneur élevée en amidon et modérée en
fibres pour être riche en énergie. A l'inverse, plusieurs
travaux suggèrent qu'un apport minimum de fibres avant le
sevrage contribue à réduire les troubles digestifs
après le sevrage.
L'objectif de
ce travail est de tester l'intérêt d'une stratégie
alimentaire qui consiste à distribuer aux femelles (avant
le sevrage) et aux lapereaux (avant et après le sevrage)
un aliment qui représente un compromis entre les besoins
nutritionnels de la lapine (forte teneur en énergie) et ceux
du lapereau (forte teneur en fibres). Pour cela, une partie importante
de l'amidon de l'aliment formulé pour des femelles est substituée
par des lipides et des fibres. L'objectif de cette stratégie
alimentaire autour du sevrage est de limiter les troubles digestifs
en engraissement, tout en permettant aux femelles de mener à
bien les fonctions de lactation et de gestation. L'étude
porte donc sur l'état sanitaire et la croissance des lapereaux
avant et après le sevrage ainsi que les performances de reproduction
et l'état corporel des femelles. Les expérimentations
ont été réalisées simultanément
sur 6 sites expérimentaux appartenant à différents
partenaires de la filière cunicole française, dans
le cadre du groupe de travail informel "Groupe d'Expérimentation
en Reproduction Cunicole", soit en abrégé GERC.
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Matériel
et Méthodes
Tableau
1 : Composition des aliments
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- Aliments
Les expérimentateurs ont conçu trois aliments dont
la composition est reportée dans le tableau
1. L'aliment T (témoin) est un aliment énergétique
relativement riche en amidon, adapté aux besoins de la femelle.
L'aliment F est riche en fibres et pauvre en amidon et correspond
plutôt aux besoins des jeunes lapereaux. L'aliment MG a des
teneurs en fibres et en amidon équivalente à celle
de l'aliment F et une teneur en énergie similaire à
celle de l'aliment T. Dans ce dernier, l'énergie est apportée
en partie sous forme d'amidon et de matières grasses (5,0%
de matières grasses totales). Un quatrième aliment
E de type "engraissement" a été distribué
aux lapereaux, à partir du sevrage dans le lot T et à
partir de 50 jours d'âge dans les lots F et MG. L'aliment
E est proche de l'aliment F à l'exception de sa teneur en
amidon qui est plus élevée. Les aliments contenaient
un anticoccidien (Robénidine, 60 ppm) mais ne contenaient
pas d'antibiotiques. Tous les aliments utilisés dans les
différents sites ont été fabriqués par
la même usine.
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Figure
1: Le schéma expérimental
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- Animaux
555 lapines parentales hybrides (néo-zélandais x californien)
de parité variable ont été suivies sur 1, 2
ou 3 cycles de reproduction, soit 927 portées suivies. A
partir des portées de ces lapines (9 137 lapereaux après
égalisation des portées à la naissance), une
partie des lapereaux a été suivie du sevrage jusqu'à
63 jours d'âge (4 639 lapereaux suivis). La répartition
des animaux expérimentaux entre les différents sites
est fournie au tableau
2.()
Les femelles ont été réparties en trois lots
(T, F et MG) qui diffèrent par l'aliment de même nom
reçu pendant la période qui précède
le sevrage. Les stratégies alimentaires appliquées
dans les trois lots sont explicitées sur la figure
1. Les femelles étaient soumises à un rythme de
reproduction de 42 jours avec insémination artificielle et
le sevrage était pratiqué à 35 jours d'âge.
Les portées ont été égalisées
le jour de la naissance (9 ou 10 lapereaux/portée pour les
femelles primipares et multipares, respectivement).
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Figure 2
: La méthode TOBEC
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- Contrôles
Les mesures ont porté sur le poids, la consommation et les
performances de reproduction des femelles et sur la consommation,
la croissance et la santé des lapereaux. L'état corporel
des femelles au moment de l'insémination et du sevrage a
été déterminé à l'aide de la
méthode TOBEC (TOtal Body Electrical Conductivity - figure
2), dans un des sites expérimentaux (Fortun-Lamothe
et al., 2002). Deux sites expérimentaux étaient
équipés pour différencier la consommation des
lapereaux et celles des femelles avant le sevrage. Enfin sur l'un
des sites, la digestibilté des aliments expérimentaux
a été déterminée conformément
à la méthode standard européenne pour les lapins
en croissance (Perez et al., 1995) et tel que décrit
par Perez et al. (1996) pour les lapines allaitantes.
- Statistiques
L'ensemble des données a été analysé
statistiquement à l'aide du logiciel SAS (Statistical Analysis
System) en utilisant la procédure GLM et le test du Chi².
Pour l'étude des mesures effectuées sur les femelles
et leur portée avant sevrage, le modèle statistique
utilisé comprenait comme effet principal l'effet lot, le
numéro de cycle de reproduction des femelles et l'effet site
en fonction du cycle de reproduction. Aucune interaction entre ces
deux dernières variables et l'effet lot n'a été
identifiée. En revanche, l'effet site a toujours été
hautement significatif. Pour les données obtenues sur les
lapereaux après le sevrage, le modèle statistique
utilisé incluait les effets lot et site et l'interaction
entre ces deux effets.
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Résultats
et discussion
Tableau 3
: Digestibilité de aliments
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- Digestibilité
des aliments
La digestibilité des 3 aliments expérimentaux par
des lapins en engraissement figure au
tableau 3. Comme prévu la digestibilité de l'aliment
Témoin est significativement plus élevée que
celle des 2 autres aliments pour l'énergie et les protéines.
Par contre celle des fibres ne diffère pas d'un aliment à
l'autre. Enfin, les matières grasses ajoutées (aliment
MG) ont une meilleure digestibilité que celle fournie par
les ingrédients riches en fibres (différence significative
entre les aliments F et MG). Ces différents coefficients
de digestibilité combinés à la composition
analytique permettent de calculer les ratios protéines digestibles
/ énergie digestible tant pour les lapines que pour les lapins
en croissance. Compte tenu des différence de valorisation
énergétique entre les femelles allaitantes et les
jeunes en croisance, les teneurs relatives en protéines digestibles
par raport à l'energie digestible sont relativement plus
élevées lorsque les aliments sont consommées
par les lapereaux.
- Performances
des femelles
La consommation
des femelles est similaire dans les trois lots (tableau 4). Par
conséquent, en particulier entre 18 et 35 jours, les femelles
du lot F ont une ingestion d'énergie digestible (892 kcal/jour)
significativement (P<0,05) inférieure à celle des
lapines des 2 autres lots considérées ensemble (929
et 926 kcal ED/jour pour T et MG). Ce résultat est original
dans la mesure où il avait été précédemment
démontré que les lapines régulent leur ingestion
d'aliment sur sa teneur en énergie digestible (Lebas, 1989,
Lebas et Fortun-Lamothe, 1996). Cela suggère qu'un autre
facteur ait limité l'ingestion chez les lapines utilisées.
Parmi les facteurs candidats on peut penser à une teneur
un peu faible des différents aliments en protéines
digestibles par rapport à l'énergie. En effet, les
mesures effectuées ont montré que les teneurs variaient
entre 44,5 et 48,5 g de proteines digestibles pour 1000 kcal ED
(tableau 3) alors
que les recommandations pour les femelles reproductrices sont situées
entre 51 et 54 de PD / 1000 kcal ED en fonction de l'intensité
de la reproduction (Lebas, 2004).
Tableau 4 : Poids, consommation, fertilité
et production laitière des femelles
LOTS
|
Témoin
|
Fibres
|
Mat.Grasses
|
CV%
résid.
|
Signif.
|
-
effectif |
209
|
136
|
210
|
-
|
-
|
Poids
vif (g)
|
-
à la Mise bas |
4
263
|
4
251
|
4
288
|
10,3
|
ns
|
-
à 18 jours |
4
654
|
4
665
|
4
719
|
9,7
|
ns
|
-
au sevrage |
4
567
|
4
494
|
4
551
|
9,9
|
ns
|
Consommation
par femelle (g / période)
|
-
Mise Bas => 18 jours |
6
139
|
6
317
|
6
183
|
21,5
|
P=0,17
|
-
18 j. => sevrage 35j.* |
6
063
|
6
334
|
6
195
|
14,2
|
ns
|
Fertilité
(%)
|
-
Cycle 1 |
76,6
|
70,5
|
74,0
|
-
|
ns
|
-
Cycle 2 |
83,5
|
78,8
|
85,3
|
-
|
ns
|
-
Cycle 3 ** |
87,8
|
70,0
|
88,0
|
-
|
P=0,13
|
Prodution
laitière (g / période) |
-
entre 1 et 18 jours |
4074
|
4255
|
4160
|
-
|
P=0,14
|
*
femelles seules (2 sites expérimentaux seulement)
** méthode des contrastes (T + MG) vs
(F): P=0,04 => au cycle 3 plus faible fertilité
avec l'aliment F
|
|
Figure
3 : Evolution du poids vif des lapines au cours de la lactation
Figure
4 : Evolution de l'énergie corporelle totale des lapines
gestantes et allaitantes au cours des 2 premiers cycles de reproduction
expérimentaux
|
Sur la période
18-35 jours de lactation, les femelles consommant l'aliment F ou
MG perdent davantage de poids (figure
3) que les femelles ingérant l'aliment T plus riche en
amidon (-48% ; P<0,01). Néanmoins, le poids des femelles
au moment du sevrage est similaire dans les trois groupes. La méthode
TOBEC a permis de montrer qu'au cours du premier cycle de reproduction
expérimental, les femelles nourries avec l'aliment F ou l'aliment
MG mobilisent plus d'énergie que celles nourries avec l'aliment
Témoin (-0,6 MJ contre -7,2 et -7,6 MJ respectivement pour
les lots T, MG et F ; P=0,015 ; figure
4). Entre la 1ère insémination artificielle et
le 2ème sevrage, les femelles du lot T ont stocké
de l'énergie (+2,7 MJ) alors que les femelles du lot MG et
surtout du lot F en ont perdu (-5,9 MJ et -8,9 MJ respectivement).
Pourtant, les lapines ont une forte capacité de digestion
des lipides alimentaires (Fernandez-Carmona et al., 2000).
Cependant, l'énergie apportée sous forme de matières
grasses est prioritairement utilisée pour la production laitière
et ne permet pas de réduire la mobilisation corporelle (Pascual
et al., 2003). Ainsi, la quantité de lait produite
apparaît comme l'un des facteurs majeurs de la mobilisation
d'énergie au cours du cycle de reproduction.
Le pourcentage
de femelles fertiles n'est pas significativement différent
entre lots pour les deux premiers cycles de reproduction (tableau
4). A l'inverse, au cours du 3ème cycle de reproduction,
la fertilité est significativement plus élevée
chez les femelles consommant les aliments les plus énergétiques
(lots T+MG: 87,9%) que chez celles qui consomment l'aliment F (lot
F: 70%, P<0,05). La dégradation de l'état corporel
des femelles du lot F pourrait expliquer ce résultat qui
demande à être confirmé sur un effectif plus
important (données obtenues sur un seul site expérimental).
Enfin il convient
de signaler que ni la taille ni le poids de la portée à
la naissance (avant égalisation) ne sont affectés
par la stratégie alimentaire. Il en est de même pour
les tailles de portées à 18 jours et au sevrage à
35 jours (tableau 5)
Tableau
5 : Taille des portées aux différents âges
|
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- Performances
des lapereaux
Avant le sevrage, les lapereaux du lot MG consomment moins d'aliment
que les lapereaux des autres lots (-9,7% ; P<0,01; tableau
6). Par conséquent, chez le jeune lapereau avant le sevrage
la régulation de l'ingestion ne semble pas dépendante
de la teneur en énergie de l'aliment (appétence des
aliments riches en glucides), comme cela avait été
démontré précédemment (Debray et
al., 2002). Les lapereaux du lot F sont plus légers au
moment du sevrage que les lapereaux des lots T et MG (-4% ; P<0,001).
Ce résultat pourrait s'expliquer par la plus faible production
laitière de leur mère ainsi que par le faible niveau
énergétique de l'aliment solide mis à leur
disposition. Au sevrage, les lapereaux du lot MG ont un poids similaire
a celui des lapereaux du lot T, malgré une plus faible ingestion
d'aliment. Ils ont peut-être bénéficié
d'une plus forte production laitière de leur mère
sur la période 18-35 j (le tableau 4 donne la production
laitière pour la période 0-18 jours pendant laquelle
les femelles recevaient le même aliment).On doit donc supposer
qu'ils ont bénéficié d'une quanitité
de lait plus importante et / ou d'un lait maternel plus riche en
lipides comme cela est généralement observé
avec les régimes enrichis en matières grasses (Lebas
et al., 1996; Pascual et al., 2003).
Tableau
6: Performances
des lapereaux avant le sevrage
(poids et consommations calculés par lapereau)
|
Les
différences de poids vif entre les lapins des différents
lots constatées au sevrage, ont disparu e fin d'engraissement
à 63 jours
|
Après
le sevrage, les lapins qui avaient reçu l'aliment T ingèrent
davantage d'aliment que ceux du lot MG (+ 8,5% entre 35 et 49 jours;
P<0,001 ; tableau
7). La différence de poids observée entre les
lots au sevrage (tableau
6) n'existe plus à 63 jours d'âge (2195g, 2207g,
2198g dans les lots T, F et MG, P=0,49). Ceci est en particulier
la conséquence de la croissance compensatrice des lapereaux
recevant l'aliment riche en fibres et peu énergétique
(F) réalisée au cours des 2 semaines qui suivent le
sevrage.
Tableau
7: Performances
des lapereaux après le sevrage
(poids: mesures individuelles, et consommations mesurées
par cage et recalculées par lapereau)
|
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La mortalité
des lapereaux entre le sevrage et 63 jours d'âge est plus
faible chez les lapereaux des lots F et MG (15,9% et 14,6% respectivement)
que chez les lapereaux du lot T (21,6% ; P<0,01 ; tableau
8). Le pourcentage d'animaux morbides sur cette même période
est similaire dans les 3 lots. L'Indice de Risque Sanitaire (IRS)
est significativement plus élevé dans le lot T et
significativement plus faible dans le lot MG pour la période
allant du sevrage à 63 jours (31,6%, 27,2% et 23,9% dans
les lots T, F et MG, P<0,001). Ce résultat confirme l'importance
d'un apport suffisant de fibres dans l'aliment distribué
aux jeunes lapereaux autour du sevrage (Gidenne, 2003). Il est intéressant
de noter que l'effet bénéfique des aliments distribués
autour du sevrage sur la santé se poursuit après 49
jours alors que tous les lapereaux reçoivent tous le même
aliment de finition (E).
Tableau
8 : Mortalité et état sanitaire des lapereaux
après le sevrage
________________________________________________________________________
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Conclusion |
Cette étude
montre que la stratégie alimentaire qui consiste à
distribuer aux femelles avant le sevrage et aux lapereaux avant
et après le sevrage un aliment à la fois riche en
fibres et en énergie mais pauvre en amidon a des répercussions
bénéfiques sur l'état sanitaire des lapereaux
en croissance sans affecter les performances de reproduction des
femelles. L'influence de cette stratégie alimentaire sur
l'état corporel et la longévité des femelles
mérite toutefois d'être approfondie.
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Remerciements
Ce travail a bénéficié du soutien financier
du CLIPP. Les auteurs remercient le personnel technique de chaque
station expérimentale pour l'ensemble du travail réalisé
|
Bibliographie |
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Liste des
références citées
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