CUNICULTURE
Magazine Volume 33 (année 2006) pages 63 à 70

Alimentation et santé digestive chez le lapin
Une journée de Formation organisée en juin 2006 par l'ASFC et l'AFTAA

par François LEBAS

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Le 1er juin 2006, l'ASFC (Association Scientifique Française de Cuniculture) et l'AFTAA (Association Française des Techniciens de l'Alimentation et des productions Animales) ont organisé à Paris dans les locaux de INRA une session de formation à destination des professionnels de la filière cunicole française.

La soixantaine de participants qui a suivi avec attention les différents exposés de la journée provenait essentiellement du monde de l'alimentation animale, tant fabricants que fournisseurs. Il y avait aussi d'assez nombreux représentants des organismes impliqués dans la santé animale, tant publics que privés.

Cette session de formation avait un programme chargé mais très complet. Il couvrait la physiologie digestive en relation avec la santé des lapins, les interactions entre l'alimentation et la santé des lapins reproducteurs ou en croissance, les contraintes et les risques sanitaires associés à la fabrication des aliments composés pour lapins et aussi les risques liés à l'apport en eau (qualité, quantité et problèmes liés au mode de distribution). Ces exposés ont été complétés par plusieurs témoignages illustrant des cas concrets où l'alimentation soit a été la cause d'un trouble digestif par carence, excès d'un élément nutritif ou à la suite d'une contamination, soit a été un facteur favorisant ou protecteur vis-à-vis de maladies dues à des agents pathogènes. Les douze orateurs qui ont présenté les différents sujets étaient issus aussi bien de la recherche publique que du secteur privé (secteur de l'alimentation, vétérinaires praticiens,…)

Ce programme correspondait à un besoin réel d'information des agents de la filière cunicole et il semble l'avoir bien couvert puisque lors de l'évaluation de la session, plus des trois quarts des participants se sont dits satisfaits ou très satisfait de cette journée.


Plusieurs points ont particulièrement intéressé l'assistance, et nous en reprenons ci-après quelques éléments significatifs.

 
   
 
La santé digestive est très largement sous la dépendance des apports de fibres   Tout d'abord, il a été montré comment le fonctionnement dualiste du côlon proximal permet la fabrication alternative des crottes dures rejetées dans les litières et celle des crottes molles réingérées (appelées aussi cæcotrophes). Il a surtout été montré pourquoi les aliments ont un séjour digestif global d'autant plus bref qu'ils sont riches en " grosses " particules fibreuses peu digestibles (plus de 0,3 mm). Parallèlement la paroi digestive dispose de nombreuses zones produisant des immunoglobulines qui ont pour mission de protéger la paroi digestive elle-même et plus généralement l'organisme du lapin, contre les agressions de la flore présente dans le tube digestif. Ce mécanisme risque cependant d'être débordé si le transit digestif est trop lent.

Transit et digestion dans le caecum, action de la flore.

Fabrication des 2 types de crottes dans le côlon en fonction de l'heure

Variations du temps de séjour digestif en fonction de la quantité de fibres ingérée

Positionnement des zones du tube digestif fabriquant des anticorps
   
  Dans un autre exposé, la complexité du domaine des fibres alimentaire a été décrite et les rôles positifs (apports minima) ou négatifs (excès à éviter) des différentes fractions fibreuses ont été soulignés. L'avancement des connaissances permet maintenant de proposer des recommandations pratiques pour la nature et les proportions des différents types de fibres qui doivent se trouver dans les aliments pour des lapins en engraissement (tableau). Il a également été souligné à quel point la teneur en " cellulose brute " (mention légale des étiquettes ) est imprécise pour décrire les apports de fibres alimentaires nécessaires aux lapins.

Les différents types de fibres, les méthodes d'analyse et leur digestibilité chez le lapin.

Le risque sanitaire décroit si le taux de lignines augmente dans l'aliment

Effet bénéfique d'un taux suffisant de lignocellulose et négatif d'un excès de fibres digestibles

Pour une même concentration en lignine et en cellulose dans l'aliment, il est préférable d'avoir des fibres digestibles plutôt que de l'amidon
 

Recommandations en fibres et en amidon en vue d'une prévention des risques sanitaires chez le lapin en croissance (Gidenne , 2006)
Critères
Post Sevrage
Finition
  - Lignocellulose ( = ADF)
mini 19%
mini 17%
  - Lignines ( = ADL)
mini 5,5%
mini 5,0%
  - Cellulose ( = ADF - ADL)
mini 13%
mini 11%
  - ratio ADL / Cellulose
> 0,40
> 0,35
  - ratio Fibres digestibles (1) / ADF
Maxi 1,3
Maxi 1,3
  - Amidon
Maxi 15%
libre
  (1) fibres digestibles = pectines insolubles + hémicelluloses

Estimation de l'état corporel des lapines
Enfin il a été montré qu'une alimentation précoce des lapereaux encore allaités avec un aliment contenant des fibres de composition adaptée permet de bien les préparer à la période de fragilité digestive située entre 30 et 45 jours environ. Les besoins nutritionnels des lapereaux et de leur mère étant différents, une analyse détaillée des conséquences des apports alimentaires excessifs ou insuffisants pour les différents nutriments a été présentée tant pour les jeunes que pour leur mère. Un bon état corporel de la lapine reproductrice nécessite une alimentation concentrée (relativement pauvre en fibres) tandis que celles des lapereaux allaités nécessite un apport conséquent de fibres digestibles et indigestibles pour favoriser la mise en place d'une flore cellulolitique indispensable à la santé digestive des lapereaux sous la mère mais surtout après le sevrage (celui-ci ayant lieu au moment de la période de fragilité digestive). Les différentes solutions présentées tiennent systématiquement compte des performances de reproduction des lapines au cours des portées ultérieures, comme des celles des lapereaux au cours de l'engraissement suivant leur sevrage.
   
Fabriquer un aliment de qualité : une attention nécessaire à tous les stades, de la conception à la distribution

L'un des grands risques associés à la composition des aliment est lié à la non prise en compte de la variabilité naturelle (biologique ou technologique) des matières premières, conduisant à des aliments finis dont la composition s'écarte trop des valeurs théoriques calculées. Par exemple la teneur en amidon d'un son de blé (incorporé souvent à plus de 20%, voire 30% dans un aliment pour lapins) peut se situer entre 10 et 30% ou la teneur en protéines d'un tourteau de tournesol 28 peut varier de 25 à 33% pour une moyenne effectivement située vers 28%. Chez les jeunes lapereaux les excès d'amidon ou de protéines sont source de troubles digestif.
Un autre risque très important est lié la présence dans l'aliment de substances non désirées telles que des mycotoxines ou des additifs destinés à d'autres espèces animales. Des cas concrets de tels accidents, heureusement très rares, ont été fournis lors des témoignages.


Teneur en amidon de différents son de blé tendre commerciaux

Teneur en protéines pour des touteaux de tournesol vendus avecun teneur théorique de 28%
   

L'eau de boisson : indispensable aux lapins mais difficile à distribuer "proprement"

L'un des exposés a mis l'accent sur la qualité de l'eau distribuée aux lapins. Non seulement il faut s'intéresser à sa qualité à l'entrée de l'élevage mais aussi à celle de l'eau arrivant aux abreuvoirs des lapins. En effet des biofilms se forment à la longue dans les canalisations et doivent être éliminés régulièrement (traitement avec des produits chlorés ou des peroxydes). Les effets bénéfiques de cette désinfection périodique des canalisations sur la santé des lapins peuvent facilement être démontrés expérimentalement.


Schéma de la formation d'un biofilm dans une tuyauterie

Biofilm vu au microscope
   
  A l'attention de ceux qui n'ont pu suivre la journée, l'AFTAA a réalisé un CD où est repris l'intégralité de ce qui a été présenté sur écran lors de la session. Ce CD est disponible auprès de l'Adeprina (Aftaa c/o Adeprina, 16 rue Claude Bernard 75231 Paris Cedex 05), au prix de 65 €uros
   
   
 
 
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