CUNICULTURE
Magazine Volume 36 (année 2009) pages 5 à 8

Quel génotype pour la production de lapins «Bio» ?

par

François LEBAS
Association Cuniculture

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  Dans le cadre du groupe de travail sur la production du lapin Biologique (voir page 4 dans la revue), il a été réalisé une tour d'horizon des questions qui se posent parmi lesquelles vient celle du choix du type génétique qu'il convient d'utiliser pour produire des lapins Bio. C'est cette rapide étude sans prétention qui fait l'objet du présent article. Il ne vise qu'à situer la question, pas à en analyser tous les points en détail  
     
 
Rappel des textes  

Le choix du type génétique que peut utiliser un producteur de lapins Bio est défini pas le cahier des charges spécifiques à l'espèce. Ainsi le CC – REPAB – F 33/76 (version consolidée - mise à jour du 05/05/2008) précise

Chapitre 6 : DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES AU MODE DE PRODUCTION BIOLOGIQUE DES LAPINS

6.1. Constitution et renouvellement du cheptel, conversion
…/… Le choix du type génétique est laissé à l'initiative de l'éleveur. Une préférence est toutefois exprimée pour les anciennes races régionales, les races et souches autochtones.

Autrement dit pratiquement tous les génotypes sont utilisables. C'est donc à l'éleveur de déterminer le génotype qui lui conviendra le mieux.

 

Des lapins pour quel objectif ?  

Avant de déterminer quel génotype de lapin il va utiliser, l'éleveur doit d'abord se poser la question : Quel lapin veut-il produire en Bio ou plus exactement quel lapin est demandé par les acheteurs de Bio actuels et futurs ? Il a plusieurs critères qui vont le guider dans son choix. Les lapins bio produits devront être :

  • des lapins de plus de 100 jours (CC-REPAB-F) (70-74 jours en élevage intensif, 91 jours en label rouge)
  • des lapins pesant environ 2,4 – 2,5 kg vif à l’abattage, c'est à dire fournissant des carcasses de 1,5 à 1,7 kg, peut-être moins à l’avenir compte tenu de l’évolution des familles et de la structuration des repas
  • des lapins sains, c'est à dire ni malade, ni « bourré » de médicaments. Il faudra donc un lapin "rustique" pour autant que l'on sache mesurer cette rusticité
  • des lapins agréables à consommer. La question qui vient immédiatement est «y a-t-il des différences qualitatives importantes entre génotypes ?»

Qualité de viande et génotype  

Pour les critères de qualité de la viande il est très difficile de trouver des différences importantes entre génotypes s'ils sont élevés dans les mêmes conditions et abattus au même stade physiologique.
Cela veut dire que les différences entre types génétiques, quand elles existent, sont tout à fait secondaires par rapport aux effets combinés de l’âge et du mode d’élevage eux même en forte interaction.

Il y a cependant un critère important vis à vis de la qualité de la viande produite, c'est le format adulte du génotype retenu : un poids adulte situé entre 3,5 et 4,5 kg pour produire des lapins de 2,5 kg à la vente. C'est la principale source de variation de la vitesse de croissance et corrélativement de l’état de gras des carcasses obtenues, elle même en relation directe avec la saveur et la jutosité de la viande. Il faut en effet produire une viande goûteuse (assez grasse mais sans excès) et encore assez tendre (lapins pas trop âgés). Ces différents critères sont très fortement influencés par la relation poids d'abattage / poids adulte.

 

Trois origines de lapins s'offrent à l'éleveur  

Pour rechercher les futurs géniteurs de son élevage, l'éleveur Bio a globalement le choix entre

  • des lapins provenant des élevages traditionnels généralement élevés depuis des générations dans des clapiers avec litière, en vue d'une production familiale ou d'une petite production commerciale
  • des lapins de race "pure" désormais élevés en France quasi exclusivement pas des éleveurs-sélectionneurs qui cherchent essentiellement des animaux conformes à un Standard (aspect extérieur) et les présentent à cet effet à des concours et expositions où leur conformité est jugée par des experts
  • des lapins sélectionnés par des Sociétés de Sélection à l'intention des producteurs professionnels pour une productivité élevée à court et long terme : fort taux de reproduction, taille de portée élevée, forte vitesse de croissance pour atteindre rapidement le poids commercial.
Les lapins sélectionné pour la production intensive
   

Quelque soit le sélectionneur, ces génotypes de lapins peuvent être caractérisé par

  • des portées nombreuses : 9 à 11 lapereaux par mise bas
  • des vitesse de croissance élevées (38 à 45 g/jour) permettant d'atteindre le poids commercial standard actuel (2,4 kg vif à l'abattage) aux environs de 70 jours, voire un peu moins
  • Ce sont des lapins faciles à se procurer et individuellement bon marché

Ces lapins sont-ils adaptés à la production en système biologique ?

  • Ils ont une rusticité peu différente des autres lapins malgré les « on dit »
  • une alimentation moins bien équilibrée que celle destinée à la production intensive ou une alimentation restreinte ralentissent la vitesse de croissance, sans problème particulier pour la santé, voire avec une certaine amélioration si les besoins nutritionnels essentiels sont respectés.
  • les portées très nombreuses (9-10 lapereaux) sollicitent beaucoup les mères. La conséquence est qu'il faut impérativement une alimentation bien équilibrée pour les femelles allaitantes, faute de quoi elles s'épuisent à nourrir leurs petits en raison de la priorité physiologique accordée à la production laitière par rapport aux réserves de la femelle.
Les lapins issus des élevages traditionnels
   

Ces lapins sont caractérisés par :

  • des portées de taille modeste : 5 à 7 lapereaux par mise bas
  • une vitesse de croissance modérée (30-35 g/jour)
  • une fourniture très aléatoire, certes les prix sont généralement modérés, mais ce sont des animaux de plus en plus rares en raison de la disparition des élevages traditionnels. En outre la qualité sanitaire des animaux fournis n'est pas garantie.

Quelle est leur adaptation à l'élevage biologique ?

  • ces lapins sont réputés pour avoir une bonne rusticité (mais la preuve scientifique reste à apporter)
  • ils doivent avoir une alimentation correctement équilibrée pour avoir une vitesse de croissance de 30 g/j, vitesse nécessaire pour atteindre 2,5 kg vif à 100 jours
  • la prolificité modérée sollicite peu les mères qui peuvent se contenter d’une alimentation imparfaitement équilibrée, c'est donc un "atout" en leur faveur
Les lapins de race "pure" (les races anciennes)
   

Ces lapins de race sont caractérisés par :

  • 5 à 7 lapereaux par mise bas (ou moins) et leur aptitude à la reproduction n'est pas garantie
  • la vitesse de croissance est très variable selon la race mais pour les races de taille moyenne l'aptitude à la croissance peut parfaitement répondre au cahier des charges de la production biologique
  • la fourniture par des sélectionneurs « amateurs » se fait à des prix très élevés car ce sont des animaux « de concours » produits pour les expositions.

Quelle est leur adaptation à l'élevage biologique ?

  • depuis 40-50 ans les races pures traditionnelles ne sont plus entretenues que pour la présentation aux expositions et/ou le plaisir d’élever de beaux lapins.
    De ce fait elles ont souvent perdu une partie de l’intérêt qu’elles présentaient pour la production de chair ex. : très faible taux de reproduction des Géant des Flandres
  • leurs performances techniques sont proches ou parfois inférieure à celles de lapins issus d’élevages traditionnels.
  • leur très grande diversité permet de faire totalement disparaître la consanguinité si l'éleveur bio achète des lapins de plusieurs races pour peupler son élevage ou renouveler son cheptel
Au final quels animaux choisir ?  

Comme le disent les textes, c’est à l’éleveur de faire son choix. En réalité il n’y a pas de génotype qui soit a priori mieux adapté à la production biologique qu’un autre chacun a des avantages et des inconvénients.

Une fois choisis les animaux d’origine il faut surtout penser à la gestion génétique du troupeau. L'éleveur devra penser que

  • l’utilisation de croisements entre génotypes et/ou origines différentes fournit des lapins croisés qui s’avèrent plus « rustiques » que les lapins de race pure ou d’origine unique. Ceci est une forte incitation à choisir des animaux de plusieurs origines, sachant toutefois que plus il y a d'origines extérieures plus il y a de chances de rapporter chez soi des lapins qui ne sont pas en bon état sanitaires (porteurs plus ou moins sains d'agents pathogènes tels que des coccidies, des pasteurelles ou des staphylocoques pour ne citer que ceux-là).
  • adapter le choix de renouvellement en fonction des objectifs de son élevage (prolificité recherchée, vitesse de croissance, …) est un point important.
  • les populations locales, quand elles existent encore, répondent en principe assez bien au cahier des charges général, mais il faut entretenir leur « croisement permanent » par des achats réguliers et variés de reproducteurs (mâles) à l’extérieur.
Quels génotypes pour demain ? Quelles actions conduire ?  

Sélectionner des souches spécifiques pour le Bio ? Il ne faut pas y penser pour l’instant, car les moyens nécessaires sont colossaux, et les débouchés très limités : il n'y a pas plus de 50 élevages de lapins Bio en France. C'est cependant un secteur où une réflexion et une action européennes pourraient trouver une bonne raison d'être.

Étudier les possibilités offertes par l’usage des lapins sélectionnés pour la productivité numérique, à condition de pouvoir correctement alimenter les lapines reproductrices. En effet, en Bio, comme en production rationnelle, la rentabilité des élevages dépend beaucoup du nombre de lapereaux vendus par lapine et par an. Il conviendrait d'en savoir plus sur les possibilités d'utilisation des lapins sélectionnés pour la production intensive lorsqu'ils sont mis dans les conditions de la production biologique : alimentation certes moins bien équilibré mais rythme de reproduction beaucoup plus lent laissant éventuellement le temps aux lapines de reconstituer leurs réserves après une lactation.

Enregistrer avec précision les performances dans les élevages Bio, pour déterminer, parmi les génotypes effectivement utilisés, quels sont ceux ou celui qui donnent le meilleur résultat, et ensuite conseiller leur/son utilisation auprès des autres éleveurs Bio. Comme pour tous les types d'élevages il y a beaucoup à apprendre en observant les élevages en place, à condition que les observations soit fiables (de réelles observations, pas des impressions), qu'elles soient régulièrement enregistrées et analysées non seulement au niveau de chaque élevage mais aussi à une échelle collective.

   
 
 
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