CUNICULTURE
Magazine Volume 36 (année 2009) pages 95 à 110

Elevage cunicole et environnement

par

AUBERT C.1 , GREFFARD B.2, AMAND G.1 et PONCHANT P.1

1 - ITAVI - Zoopôle Beaucemaine - 41, rue Beaucemaine - 22440 PLOUFRAGAN
2 - Chambre Départementale d'Agriculture de la Vendée - 21, bld Réaumur - 85013 - LA ROCHE SUR YON CEDEX

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  Cet article de synthèse a fait l'objet d'une communication orale présentée par Claude AUBERT lors des 13èmes Journées de la Recherches Cunicole organisées par l'INRA et l'ITAVI avec le concours de l'ASFC, les 17 et 18 novembre 2009 au Mans. A l'intention des lecteurs de Cuniculture Magazine nous le reproduisons intégralement ci-après.  
     
 

Plan de l'article

1- Les aspects réglementaires et administratifs :
Réglementation ICPE Loi sur l'eau Directive Nitrates Références CORPEN Plan d'épandage
Calendrier d'épandage Plan de fertilisation Contraintes paysagères
2. Les nuisances et pollutions aériennes
Gaz à effet de serre Emission d'ammoniac Odeurs Particules solides Bruit
3. L'utilisation de l'énergie en cuniculture
4. Les déjections cunicoles
Quantification au niveau de l'exploitation Quantification des rejets au niveau national
Composution des effluents Diminution des rejets par l'alimentation
5. Le traitement des déjections de lapins
Le compostage Autres traitements
6. La durabilité de la production cunicole
Conclusion
Références bibliographiques
 
     
     
 

Claude Aubert lors de sa présentation aux JRC
 

INTRODUCTION

La filière cunicole française propose des produits bénéficiant d'une bonne image auprès du consommateur, lequel exige que ces produits de très grande qualité soient obtenus en respectant l'environnement. La prise de conscience de cette nouvelle donne a émergé lentement, et la réelle prise en compte de l'environnement, si elle reste malgré tout une contrainte, est également perçue comme une opportunité pour faire évoluer l'ensemble des pratiques.

Nous nous proposons de voir comment la filière cunicole passe d'une prise de conscience à une mise en œuvre. En effet, la mise en œuvre de techniques respectueuses de l'environnement n'est pas toujours facile parce que d'une part la réglementation évolue sans cesse et que d'autre part la prise en compte de l'environnement génère un surcoût qui n'est pas toujours répercuté sur le produit final.

1- Les aspects réglementaires et administratifs
    Dans le cadre d'une agriculture qui se veut désormais durable, la prise en compte de l'environnement, de façon concrète, passe par des contraintes réglementaires ou administratives, qui sont en cours d'évolution ou qui ont déjà beaucoup changé au cours des dernières années.
1.1 La       réglementation
      ICPE
 


Comme les autres élevages, l'élevage des lapins est soumis à la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). L'élevage peut simplement être dans l'obligation de respecter le Règlement Sanitaire Départemental (RSD) et c'est le cas si l'élevage est en dessous de 3 000 animaux sevrés présents simultanément [soit un élevage naisseur engraisseur d'environ 350 mères maximum produisant 52 lapins vendus par femelle et par année, en 7 bandes], ou alors d'entrer dans la procédure de déclaration (entre 3 000 et 20 000 animaux sevrés - entre 350 et 2300 mères) ou d'autorisation (plus de 20 000 animaux sevrés). Ces seuils sont fixés actuellement par l'arrêté du 24 novembre 2006. L'arrêté du 30 octobre 2006 fixe les prescriptions techniques applicables aux élevages de lapins soumis à déclaration et l'arrêté du 31 octobre 2006 fixe celles applicables aux élevages de lapins soumis à autorisation. Toutes ces règles sont sensiblement les mêmes que celles auxquelles sont soumis les élevages bovins, porcins et avicoles. Il s'agit de règles d'implantation des bâtiments d'élevage (mais aussi leurs annexes, ainsi que les cages fixes ou mobiles en plein air), de règles d'aménagement (nature des sols des bâtiments, gestion des déjections et des eaux pluviales notamment) et de règles d'exploitation (distances d'épandage, plan de fertilisation, gestion des cadavres…). Même si la démarche des différentes procédures est différente, les obligations en termes de gestion des effluents pour la préservation du milieu sont quasiment identiques.

1.2. La nouvelle loi        sur l'eau   La loi n°2006-1772 sur l'eau et les milieux aquatiques a été promulguée le 30 décembre 2006 (J.O. du 31/12/2006). Cette loi a deux objectifs fondamentaux :
 
  1. donner les outils à l'administration, aux collectivités territoriales et aux acteurs de l'eau en général pour reconquérir la qualité des eaux et atteindre en 2015 les objectifs de bon état écologique fixés par la directive cadre européenne (DCE) du 22 décembre 2000, transposée en droit français par la loi du 21 avril 2004) et retrouver une meilleure adéquation entre ressources en eau et besoins dans une perspective de développement durable des activités économiques utilisatrices d'eau et en favorisant le dialogue au plus près du terrain ;
  2. donner aux collectivités territoriales les moyens d'adapter les services publics d'eau potable et d'assainissement aux nouveaux enjeux en terme de transparence vis à vis des usagers, de solidarité en faveur des plus démunis et d'efficacité environnementale.

Concrètement, conformément à la DCE, les agences de l'eau doivent finaliser au plus tard le 31 décembre 2009 les Schémas Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) des grands bassins hydrographiques. Ces documents de planification définissent la politique de l'eau des années à venir et comprennent un programme de mesures visant à atteindre le bon état écologique des masses d'eau d'ici 2015. On y retrouve notamment des actions ayant pour but la diminution des nitrates et du phosphore dans l'eau et la nécessité de pratiquer une fertilisation équilibrée, ce qui peut signifier la limitation des apports phosphorée à 100 kg de P2O5/ha, voire 70 kg, avec pour conséquence directe une augmentation des surfaces d'épandage

Cette loi sur l'eau a instauré le principe d'une redevance pollution forfaitaire pour les élevages, basée sur la production d'azote, elle-même calculée à partir des références CORPEN. L'élevage de lapins échappe (pour l'instant ?) à cette redevance pollution.

 

1.3. La directive        Nitrates

 

 
Afin de lutter contre le risque de pollution par les nitrates, la directive européenne 91/976/CEE du 12 décembre 1991, dite " directive nitrates ", constitue le principal instrument réglementaire pour limiter les risques de pollution liés à l'azote d'origine agricole. Elle concerne l'azote toutes origines confondues (engrais chimiques, effluents d'élevage, effluents agro-alimentaires, boues…) et toutes les eaux quels que soient leur origine et leur usage. La mise en œuvre de la directive nitrates s'effectue à travers des programmes d'action en zones vulnérables (figure 1).
Ce quatrième programme d'action a débuté le 1er juillet 2009 dans les zones officiellement désignées comme zones vulnérables par la directive nitrates. Il s'agit des zones dans lesquelles les eaux souterraines ou superficielles dépassent, ou risquent de dépasser à court terme, une teneur en nitrates de 50 mg/l, ainsi que les secteurs où la valeur de 40 mg/l a été franchie, avec une tendance à la hausse. Depuis le début de l'application de cette directive, l'une des mesures phare consiste à limiter les apports d'azote à 170 kg/ha.

1.4. Les références        CORPEN  

Les missions essentiellement de nature scientifique et technique positionnent le CORPEN (COmité d'ORientation pour des Pratiques agricoles respectueuses de l'ENvironnement) sur le terrain de la production de références et de préconisations, et non sur celui des normes réglementaires. Le CORPEN a publié en 1999 des références sur les rejets d'azote et de phosphore par les lapins. Deux types de références sont proposés : des références basées sur des performances zootechniques moyennes et avec l'utilisation d'un aliment standard (tableau 1) et des références prenant en compte les performances zootechniques de l'élevage (nombre de lapins produits par femelle présente) et la composition des aliments (teneur en protéines et taux de phosphore) (tableaux 2 et 3).

Ces références sont utilisées pour dimensionner les plans d'épandage ; elles sont également utilisées par l'administration en cas de contrôle.

Il serait judicieux de faire un examen approfondi de ces références pour juger de leur pertinence au regard de l'évolution des itinéraires techniques et des pratiques actuelles.

Tableau 1 : Rejets moyens par les lapins dans des conditions de production standard (par lapin produit et par femelle et par an)
source : CORPEN 1999
 
Type d'élevage
Azote (N)
Phosphore (P2O5)
en g/lapin produit
en g/femelle présente et /an
en g/lapin produit
en g/femelle présente et /an
Naisseur-engraisseur
66
3 240
91
4 440
Naisseur
25
1 340
32
1 770
Engraisseur
44
/
61
/

 

Tableau 2 : Naisseurs - engraisseurs : rejets d'azote en fonction des performances zootechniques et du taux de protéines de l'aliment - Les chiffres sont exprimés en g/lapin produit et
en g/femelle présente/an (chiffres entre parenthèses)

source : CORPEN 1999
 
Nombre de lapins produits
par femelle/an
Taux de protéines de l'aliment (en % du poids brut)
17,0
16,5
16,0
15,5
15,0
14,5
30 à 35
77 (2600)
74 (2490)
70 (2380)
67 (2270)
64 (2160
61 (2060)
36 à 40
74 (2850)
71 (2730)
68 (2610)
65 (2490)
62 (2360)
59 (2240)
41 à 45
75 (3070)
69 (2940)
66 (2810)
63 (2680)
60 (2550)
57 (2420)
46 à 50
69 (3290)
66 (3150)
63 (3010)
60 (2870)
57 (2730)
54 (2590)
51 à 55
67 (3520)
64 (3370)
61 (3220)
58 (3060)
55 (2910)
52 (2760)
56 à 60
64 (3740)
62 (3580)
59 (3420)
56 (3260)
53 (3090)
50 (2930)
61 à 65
62 (3970)
59 (3800)
56 (3620)
54 (3450)
51 (3280)
48 (3100)
65 à 70
59 (4190)
57 (4010)
54 (3830)
52 (3640)
49 (3490)
46 (3280)

 

Tableau 3: Naisseurs - engraisseurs : Rejets de phosphore (P2O5) en fonction des performances zootechniques et du taux de phorphore (P) de l'aliment - Les chiffres sont exprimés en g/lapin produit et
en g/femelle présente/an (chiffres entre parenthèses)

source : CORPEN 1999
 
Nombre de lapins produits
par femelle/an
Taux de Phosphore dans l'aliment ( P en % de l'aliment brut)
0,65
0,60
0,55
0,50
0,45
30 à 35
112 (3790)
101 (3400)
89 ( 3010)
78 (2620)
66 (2240)
36 à 40
109 (4160)
97 (3730)
86 (3300)
75 (2870)
64 (2440)
41 à 45
105 (4500)
94 (4030)
83 (3560)
72 (3090)
61 (2620)
46 à 50
102 (4830)
91 (4330)
80 (3820)
70 (3310)
59 (2810)
51 à 55
98 (5170)
88 (4620)
78 (4080)
67 (3540)
57 (3000)
56 à 60
95 (5500)
85 (4920)
75 (4340)
65 (3760)
55 (3180)
61 à 65
91 (5840)
81 (5220)
72 (4600)
62 (3980)
52 (3370)
65 à 70
88 (6170
78 (5520)
69 (4860)
59 (4210)
50 (3550)

1.5. Plan d'épandage   Les déjections issues des élevages sont destinées à être utilisées comme amendement organique. Mais afin de respecter les zones pouvant accueillir des déjections d'origine animale, l'agriculteur doit disposer d'un plan d'épandage. Ce plan, représentant les parcelles de l'exploitation, les éléments naturels, fossés, puits, étangs, pentes, mais aussi les habitations et les zones de loisirs, permet de délimiter les zones potentiellement aptes à recevoir des déjections animales. En effet, les épandages sont interdits à proximité des fossés, rivières, lac afin de limiter les risques de fuites vers le milieu naturel, et pas à proximité des tiers afin de préserver leur tranquillité. Concrètement, à partir d'une surface agricole d'une exploitation, on délimitera les zones épandables, et on enlèvera les zones non épandables. Cette surface délimitée et calculée par exploitation permet de déterminer le maximum d'éléments fertilisants potentiellement épandables. En effet, en fonction de la production d'éléments fertilisants par les ateliers d'élevage, l'exploitation doit disposer d'une surface suffisante pour accueillir les déjections, surface en propre ou mise à disposition par une autre exploitation agricole.

1.6. Calendrier        d'épandage  

L'épandage des déjections ne peut pas non plus s'effectuer n'importe quand. En effet, afin de limiter les risques de lessivage, il existe un calendrier d'épandage propre à chaque département. Ce calendrier est fonction des cultures réceptrices et du type de déjections afin que les apports soient effectués en adéquation avec la libération des éléments fertilisants des déjections animales. En effet, l'azote n'est pas totalement disponible immédiatement, mais se libère en fonction des particularités des déjections. Pour cela, on détermine deux types de déjections
 - Les déjections de type I, (rapport Carbone sur Azote >8) c'est-à-dire tous les fumiers (dont ceux de lapins), sauf les fumiers de volailles, les composts sauf ceux issus de fumiers de volailles purs.
 - Les déjections de type II (rapport Carbone sur Azote < 8) ; fumiers de volailles, lisiers (dont en principe ceux de lapins), purins, fientes…

1.7. Plan de        fertilisation  

Cependant, même si l'agriculteur dispose de surface, l'épandage ne peut s'envisager que si les éléments fertilisants sont utilisés par les plantes. En effet, si l'on connaît les quantités produites, la valeur des déjections en matière d'apport d'azote, les parcelles pouvant réceptionner les engrais organiques, les quantités d'azote à apporter doivent répondre aux besoins des plantes afin de limiter les risques de fuites vers les cours d'eau par le phénomène de lessivage de l'azote. Les éleveurs doivent donc tendre vers l'équilibre de fertilisation en ajustant les apports aux besoins des plantes en tenant compte de la fourniture des sols. Pour cela, les quantités d'azote à apporter sur les cultures sont calculées en fonction des besoins des plantes et de la fourniture du sol, et des résidus de cultures précédentes, où des effets des anciens retournements de prairies ou ancien apport de fumier. Au final, en fonction des cultures, les besoins en fertilisation azotée peuvent être inférieurs ou supérieurs au seuil des 170 kg d'azote par hectare prévus par la réglementation. Cependant, compte tenu des particularités des amendements organiques, libération plus ou moins rapide des éléments fertilisants en fonction de l'activité du sol, tassement, de la température, de la météo, il est difficile d'apporter l'ensemble de l'azote dont les plantes ont besoin sous forme organique.

L'application de l'équilibre de fertilisation pour l'azote est actuellement une donnée parfaitement intégrée par les agriculteurs. En système classique d'élevage rencontré dans le grand ouest, cette donnée n'est pas pénalisante. Par contre, lorsque l'on recherche l'équilibre de fertilisation en phosphore, la mise en adéquation des besoins et des apports, les choses se compliquent car les besoins en phosphore des plantes est largement inférieur au besoin en azote (3 fois moins dans le cadre d'un production de blé par exemple). Comme les déjections de bovins contiennent moins de phosphore que d'azote, l'équilibre de fertilisation en azote et phosphore pour les systèmes de polyculture élevage du grand ouest n'est souvent pas très loin. Par contre pour la production cunicole, dont les déjections contiennent plus de phosphore que d'azote, l'équilibre de la fertilisation des cultures en phosphore conduit vers une réduction des apports organiques et donc une augmentation des surfaces recevant des déjections de lapins.

Afin de garder en mémoire les pratiques en matière de fertilisation, les agriculteurs doivent tenir à jour un cahier d'épandage. Dans ce cahier d'épandage, sont consignées les données relatives aux cultures, aux gestions de la fertilisation, et dans le cas des amendements organiques, les quantités, les dates d'apports, le système utilisé, la date…En recoupant les données, on peut ainsi contrôler la cohérence de la fertilisation des exploitations agricoles.

1.8. Les contraintes        paysagères   Pour répondre aux objectifs économiques de l'agriculture, il faut organiser l'environnement, et, ce faisant, l'agriculture modèle des paysages qui seront appréciés ou au contraire rejetés. Mais les bâtiments d'élevage sont trop souvent perçus comme des agressions dans un paysage " bucolique ", oubliant de ce fait la notion d'outil de travail qu'ils constituent. En replaçant le paysage au cœur des projets agricoles, les agriculteurs trouveront des moyens de " produire plus et mieux ", tout en respectant les attentes du citoyen. En affirmant leur rôle dans la protection, la gestion et la création de paysages contemporains de qualité, ils pourront également devenir partenaires des autres acteurs de l'aménagement pour élaborer des projets collectifs contribuant au développement durable des territoires. Ces démarches sont largement évoquées dans le cadre de APPORT (Des outils pout des projets de développement durable des territoires), un programme de recherche développé par les principaux instituts techniques.

Bien des progrès ont déjà été faits à ce niveau : la colorisation des murs et des toitures, le renouvellement des bardages, la plantation de haies et le fleurissement des exploitations sont autant de moyens mis en œuvre pour mieux intégrer les bâtiments d'élevage dans leur environnement. Pour les nouveaux bâtiments, la prise en compte de la protection des paysages a été renforcée par la loi du 8 janvier 1993, dite loi " paysagère ". Cette loi impose, pour tout bâtiment neuf, une étude paysagère.

2. Les nuisances et pollutions aériennes
   

Outre les nuisances (odeurs et bruit), il faut désormais prendre en compte les pollutions éventuelles dues aux émissions de gaz à effet de serre : (dioxyde de carbone, méthane et protoxyde d'azote) et d'ammoniac.

2.1. Gaz à effet de        serre   Lors du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, qui marque la prise de conscience internationale sur la nécessité de limiter les émissions de gaz à effet de serre par les activités humaines, plus de 50 Etats se sont engagés à réaliser un inventaire exhaustif de leurs émissions annuelles. Depuis l'adoption du Protocole de Kyoto en 1997, réduire ses émissions de gaz à effet de serre est devenu une obligation pour les Etats signataires. Les Etats les plus développés doivent réduire d'ici 2012 de 8% leurs émissions par rapport à celles de 1990.

Concernant les secteurs d'activité non soumis au marché des quotas de CO2 (habitat, transport et agriculture) le Plan Climat réactualisé en 2008 fixe comme objectif pour la France une réduction de 14% des émissions entre 2005 et 2020. En 2006, le secteur agricole français était directement responsable de 19% des émissions de gaz à effet de serre de la France avec 46 % des émissions agricoles dues aux cultures , 46 % à l'élevage et 8% à la sylviculture et aux autres sources de l'agriculture (CITEPA, 2008).

Dans ce contexte, la caractérisation des impacts des pratiques agricoles sur le réchauffement global est devenue un volet incontournable de l'évaluation environnementale et de la durabilité des systèmes agricoles.

    Les principaux gaz à effet de serre émis par les activités agricoles sont le méthane (CH4) et protoxyde d'azote (N2O) qui représentent respectivement 35 % et 55 % des émissions du secteur agricole (en équivalent CO2 ). Les 10 % restant concernent les émissions de CO2 , liées à la combustion de ressources énergétiques (CITEPA, 2008). Le CH4 provient essentiellement de l'élevage. Il est émis lors de la fermentation entérique des ruminants, de la fermentation des déjections animales au stockage et en bâtiment, de l'épandage des déjections ainsi que la restitution des déjections pendant la phase de pâturage. Le N2O est émis lors de la fermentation entérique des animaux, de la gestion des déjections en bâtiment, et du stockage, ainsi que lors de phénomènes de nitrification et dénitrification depuis les sols agricoles cultivés ou pâturés, depuis l'azote lessivé et lors du dépôt atmosphérique de l'azote volatilisé.

Outre ces émissions comptabilisées dans les inventaires par secteurs, les activités agricoles peuvent induire indirectement d'autres émissions de CO2 , CH4 et N2O. Il s'agit des émissions liées à la production des intrants, des équipements et des bâtiments agricoles. L'estimation de ces émissions " indirectes " permet une évaluation plus globale des impacts environnementaux des activités, produits et systèmes agricoles.

Pour répondre à ses engagements internationaux en la matière, la France devra fournir des éléments concrets notamment en matière de chiffrage, et à ce titre, la cuniculture sera concernée. Les facteurs d'émission utilisés actuellement sont globaux et issus de la littérature étrangère. Ils correspondent à une typologie de systèmes et de pratiques différents de ceux rencontré sur notre territoire. L'acquisition de référence en fonction des pratiques françaises est à réaliser.

De plus, dans le cadre des lois issues du Grenelle de l'environnement, le consommateur devra être informé, à partir du 1er janvier 2011 du contenu en équivalent carbone des produits de consommation et de leur emballage, ainsi que des impacts environnementaux sur le milieu naturel. Il conviendrait donc de développer des études sur ce sujet en s'appuyant sur les méthodes d'évaluation environnementale intégrant les émissions de GES (tableau 4)

Tableau 4 : Description de plusieurs méthodes d'évaluation environnementales
 
Méthode
Objet de l'étude
Périmètre
Critère environnemental
Bilan Carbone® (ADEME)
Une activité : entreprise industrielle ou tertiaire, collectivité et territoire
Les émissions de GES (directes et indirectes) et stockage de carbone liées à l'activité : matières premières, transport, énergie, fin de vie des objets, déchets
Monocritère :
- changement climatique
Analyse de Cycle de Vie (ACV)
Un produit ou
un système
Toutes les émissions (directes et indirectes) liées aux activités de production du/des produits sont prises en compte : du berceau à la tombe
Multicritères :
- changement climatique,
- eutrophisation,             
- acidification                
Bilan Planète
Une exploitation agricole
Consommation d'énergie et émissions de GES (directes et indirectes) de l'activité agricole jusqu'au " portail " de l'exploitation.
2 critères :
- consommation d'énergie,
- changement climatique   
   

A ces méthodes s'ajoutent une multitude de démarches utilisant un ou des indicateurs d'impact des activités agricoles sur l'effet de serre à l'échelle de l'atelier, de la production, de la surface ou de l'exploitation agricole. Plusieurs instituts techniques (Institut de l'Elevage, ARVALIS, CETIOM, ITAVI, ITB et IFIP) travaillent à la mise au point d'un guide méthodologique pour l'estimation des impacts des activités agricoles à effet de serre (méthode GEST'IM). Ce présent guide, en cours de finalisation, ne constitue pas une nouvelle méthode, c'est un outil méthodologique actualisé qui permet de revoir les calculs d'émissions de GES en agriculture applicables aux différentes démarches citées ci-dessus.

La part de la cuniculture dans l'émission de GES n'est pas déterminée, faute de données spécifiques. La filière professionnelle commence tout juste à rassembler les premiers éléments.

2.2. Emissions        d'ammoniac   La maîtrise des émissions d'ammoniac est apparue récemment comme l'un des enjeux majeurs pour l'agriculture en Europe. La France s'est engagée, par le protocole de Göteborg, signé au niveau européen en décembre 1999, à réduire d'ici 2010 ses émissions d'ammoniac de 4 % par rapport à 1990, pour atteindre un seuil de 780 kt. L'effort de réduction induit est particulièrement faible et traduit en partie la difficulté d'intervenir sur un polluant pour lequel le processus d'émissions n'est pas facilement maîtrisable, car essentiellement due à la fermentation naturelle des déjections (décomposition aérobie de l'acide urique présent dans les urines et les fèces de lapins).

L'élevage des lapins est à l'origine d'émissions d'ammoniac au niveau du bâtiment d'élevage. Une étude réalisée par l'ITAVI en 2002 montrait que la teneur en NH3 dans les bâtiments d'élevage était de l'ordre de 10-12 ppm avant raclage en maternité et 4 à 6 ppm en engraissement ; au moment du raclage le niveau pouvait atteindre jusqu'à 25 ppm, pour redescendre ensuite très vite au niveau initial.

Le CORPEN a retenu des pertes d'azote (probablement sous forme d'ammoniac) de 60 % par rapport à l'excrété, en bâtiment d'élevage et au stockage. Le CORPEN cite qu'une première approche dans un contexte expérimental a permis d'estimer les pertes d'azote, par rapport à l'azote excrété, à une moyenne de 43 % (sur 2 essais) pour un stockage en fosse semi-profonde sur une durée comprise entre 0 et 5 semaines, suivant qu'il s'agisse des premières déjections ou des déjections les plus tardives. Par ailleurs, deux séries de mesures ont permis d'établir que les pertes d'azote sont de l'ordre de 20 % pour un stockage de fumier de lapin sur fumière pendant une durée de 4 mois et de l'ordre de 57 % pour un stockage dans le bâtiment sur une durée moyenne de 11 mois

A titre de comparaison, Xicatto et al. (2005) citent une perte d'azote de 28% par rapport à l'excrété. Pour diminuer ce taux de pertes, il conviendra dans l'avenir d'améliorer les techniques alimentaires, les conduites d'élevage et les modalités de gestion des déjections.

2.3. Odeurs   L'exploitation cunicole n'est que très peu génératrice de nuisances olfactives. Les sources potentielles d'émission d'odeur concernent principalement les déjections. L'odeur n'apparaît qu'à partir du moment où on les manipule, c'est-à-dire à la sortie du bâtiment pour les stockages de longue durée, ou durant le brassage, le pompage et l'épandage du lisier.

Des produits de traitements (agents chimiques masquants, produits biologiques bactériens et enzymatiques) sont parfois utilisés par les éleveurs pour lutter contre les mauvaises odeurs dans les bâtiments d'élevage et au stockage. Les éleveurs ne les choisissent pas seulement en fonction de leur efficacité sur la réduction des odeurs (très variable selon les produits et les conditions d'utilisation), mais également pour liquéfier le lisier avant la reprise pour l'épandage ou améliorer l'ambiance dans les bâtiments.

D'autres solutions pour réduire les émissions d'odeurs existent et sont utilisées en élevage porcin (séparation de phases, traitement anaérobie par méthanisation du lisier, traitement aérobie), mais, pour une exploitation individuelle d'élevage de lapins, elles sont difficilement applicables pour des raisons de viabilité technico-économique (volumes de lisier à traiter trop faibles).

La couverture des fosses de stockage est une technique qui tend à se développer, Cette technique est applicable aux fosses construites "en dur", mais difficile à utiliser dans le cas des fosses en géomembrane. Elle est plus intéressante, si l'on y adjoint l'utilisation d'un produit anti-odeurs.

Pour épandre, les techniques permettant un dépôt du lisier au ras du sol (à l'aide de pendillards) ou l'enfouissement sont encore trop peu répandues, alors qu'elles ont montré leur efficacité.

Les éleveurs sont sensibles aux nuisances olfactives, mais sont encore réticents à investir durablement pour y remédier du fait de coûts jugés trop élevés au regard des marges dégagées.

2.4 Les particules       solides   Les particules solides présentes en élevage de lapins et susceptibles d'être rejetées dans l'environnement sont principalement composées de poils et de poussières. Les poussières proviennent de la détérioration du matériel d'usage, ainsi que de la manipulation de l'aliment qui de part sa forme déshydratée se désagrège très facilement. La mise en suspension des poils résulte du renouvellement naturel du pelage des animaux.

De façon générale les poils et les poussières ne posent pas de problèmes aux éleveurs qui les enlèvent régulièrement afin d'avoir une bonne ambiance et éviter l'apparition de problème respiratoire des animaux. La fréquence d'élimination dépend de la période de production. En effet, les poils et poussières sont plus abondants à la fin de la production lorsque les animaux sont presque arrivés à fin d'engraissement. Le nettoyage est donc plus fréquent à cette période. L'étude ITAVI de 2002 montrait que l'élimination des poils et poussières présents sur les cages se faisait par brûlage, souvent précédé d'une aspiration. Le brûlage des cages est rarement effectué seul, il est suivi soit d'une aspiration, soit d'un balayage, ou encore d'un lavage au nettoyeur haute pression. Le brûlage et l'aspiration sont très usités (66 % et 28 %) pour le nettoyage de la maternité. En effet, cette opération évite de trop grands déplacements aux lapines reproductrices. En engraissement, la pratique de l'aspiration (14 %) est remplacée par un lavage à l'eau et au nettoyeur haute pression (43 % des élevages). Le brûlage (38 %) est une technique très utilisée pour le nettoyage des cages en engraissement. Très souvent, il précède un lavage à l'eau. L'élimination des poils et des poussières en engraissement est facilitée par la gestion en bande unique. En effet le bâtiment étant vidé régulièrement, l'élimination des particules solides aériennes est plus facile.

2.5. Bruit   Le bruit, qui est l'une des composantes de l'environnement, est reconnu comme une nuisance importante en milieu urbain et jusqu'à ces dernières années, les bruits dits " de campagne " ne semblaient pas poser de problème. Les choses ont changé et des conflits de voisinage sont apparus.

Les deux sources d'émissions sonores externes d'un élevage de lapins sont les installations de ventilation et le cas échéant, le groupe électrogène :

   
  • la ventilation peut être une source de nuisances sonores pour les tiers, surtout l'été où elle fonctionne de façon plus intense pour le refroidissement des bâtiments.
  • le groupe électrogène quant à lui est utilisé comme source d'énergie de secours, il ne fonctionne donc qu'en cas de problème avec le réseau électrique, ce qui réduit considérablement son temps d'utilisation.
    Dans le bâtiment, l'alimentation automatique et la radio sont les seules sources d'émissions sonores. En effet le lapin est un animal très craintif qui supporte mal les bruits "anormaux". De ce fait l'éleveur veille à ce que les installations internes ne soient pas génératrices d'émissions sonores importantes. Pour diminuer le stress des animaux lors des allers et venues, des manipulations et de la mise en route de l'alimentation automatique, l'éleveur installe souvent dans son élevage un poste radio qui marche en continu durant la journée. Cette pratique est très fréquente. Ainsi les jeunes dès leur naissance sont habitués à un certain niveau sonore ce qui limite leur stress lors des différentes interventions.

La cuniculture ne demande pas un taux de renouvellement d'air très important. De ce fait la ventilation n'est pas très puissante, ce qui limite les émissions sonores externes et internes qui pourraient être lié à ce poste.

     
3. L'utilisation de l'énergie en cuniculture
   
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