CUNICULTURE Magazine Volume 38 (année 2011)  pages 002 à 006

VHD : vigilance accrue indispensable
 
Compte rendu d'une réunion de l'AVCF

 

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Depuis le mois d'août 2010 plusieurs cas inhabituels de VHD sont apparus en France dans plusieurs élevages de production sur des lapins vaccinés. D'autres cas sont apparus parallèlement sur des lapins de garenne. Pour faire le point sur cette situation, l'AVCF (Association des Vétérinaires Cunicoles de France) a organisé fin février 2011 une réunion d'information au sein de l'Ecole Nationale Vétérinaire de Nantes (Oniris).

A cette occasion ont été évoqués

  • Les cas observés sur le terrain : épidémiologie sur les élevages de chair, la clinique, les lésions macroscopiques et microscopiques - Samuel BOUCHER et Benoît DILE (Labovet-Conseil)
  • La maladie chez le Garenne – Stéphane MARCHANDEAU (ONCFS)
  • Le réseau SAGIR d'observation de la faune sauvage en France – Anouk DECORS (Réseau SAGIR)
  • La caractérisation moléculaire d’un nouveau variant RHDV en France – Ghislaine LE GALL-RECULE et Françoise ZWINGELSTEIN (ANSES Ploufragan)
  • Évaluation de l’efficacité des vaccins VHD : modalité d'étude – Jean-Luc GUERIN (ENVToulouse-INRA)
  • Faisabilité technique et réglementaire d'un éventuel « autovaccin VHD » - Dominique FOURNIER (Filavie)
 
Sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail de chacun des exposés un certain nombre d'éléments sont utiles à retenir après un bref rappel sur la VHD "classique"
 
 

Rappel sur la VHD
"classique"

 

 

 

 


Sang en nature dans la cavité thoracique, dans un cas de VHD. Le sang reste "en gelée de groseille" et coagule mal

 

la VHD ou maladie hémorragique virale du Lapin (VHD pour Viral Hemorragic Disease, en anglais) est une maladie à répartition mondiale. La première description en a été faite en Chine en 1984. Elle est apparue ensuite en Europe en 1986-1987 et en France au cours de l'été 1988. C'est une maladie virale très contagieuse, spécifique du lapin Oryctolagus cuniculus. Elle se traduit par une hépatite dite "fulminante" (d'évolution rapide) avec syndrome hémorragique. Elle est due à un petit virus de la famille des calicivirus (petits virus à ARN). Comme pour les autres maladies virales, il n'est pas possible de soigner les lapins malades,  mais il est habituellement possible dans un élevage de bloquer la maladie de cours d’évolution en vaccinant en milieu contaminé. En plus des précautions d'hygiène classiques visant à éviter la contagion, la seule protection active possible est la vaccination.

Le virus dit RHDV (pour Rabbit Hemorragic Disease Virus en anglais) est très résistant à la chaleur, au froid, aux détergents, aux variations de pH (stable entre les pH 3 et 10,5). Il est heureusement sensible aux désinfectants virucides classiques, mais n'est pas cultivable in vitro. L'analyse du génome a montré qu'il existe d'assez nombreux variants. Certains de ces variants ne sont pas pathogènes tandis que d'autres le sont. En revanche à la fin des années 1990 a été décrit un variant dit RHDVa lui aussi pathogène et contre lequel la protection conférée par un vaccin classique contre la VHD est un un peu moins efficace que pour un virus classique, mais elle est toutefois suffisante pour protéger les élevages contre ce RHDVa. Il faut aussi signaler l'existence de petits virus de la même famille des Calicivirus présents dans le tube digestif des lapins (dits RCV pour Rabbit CaliciVirus) mais qui ne semblent pas avoir d'effet négatif sur leur santé. De nombreux calicivirus en revanche sont des agents connus de gastro-entérites sur différentes espèces animales.

La VHD (à RHDV ou RHDVa) est caractérisée par une évolution aiguë à suraiguë avec une forte mortalité. Les lapins sont classiquement sensibles à partir de 1mois ½ environ, rarement avant. L'incubation est rapide : 1 à 5 jours entre la contamination et les premiers symptômes. La mort apparaît tout aussi rapidement dans les 2 à 5 jours suivant la contamination. A l'autopsie, on observe des lésions congestivo-hémorragiques touchant particulièrement les poumons, le foie, la rate, le thymus, les reins et parfois le tube digestif. Du sang "en nature" et non coagulé est observé dans la cavité thoracique en particulier. Signalons enfin que les vaccins mis au point contre la VHD protègent les lapins très rapidement : pleine efficacité obtenue habituellement en moins d'une semaine, ce qui conduit la majorité des éleveurs à ne vacciner que les futurs reproducteurs et à réserver la vaccination des lapins en engraissement aux cas d'urgence (VHD observée dans l'élevage).

 

Des cas dans une grande moitié nord de la France



 

Des cas "nouveaux " de VHD observés à la fin de l'année 2010 touchent

  • des lapins jeunes, jusqu'à très jeunes (9 jours d'âge), c'est à dire nettement plus jeunes que lors de la VHD classique,
  • des adultes sont aussi atteints
  • les signes cliniques initiaux associent d'emblée toutes les lésions hépatiques et sanguines décrites dans les cas classiques de VHD
  • présence fréquente d'épistaxis (du sang qui perle au nez)
  • présence d'une forme ictérique (jaunisse) précoce et très marquée
  • puis évolution vers les conséquences classique dues à un épuisement des facteurs de coagulation sanguins

Ces cas ont été observés en France sur des animaux issus d'une centaine d'élevages situés au nord d'une ligne La Rochelle - Lyon (voir carte ci-contre)

Chez les jeunes lapins sous la mère ou en phase de croissance, des signes cliniques graves sont observés mais des situations de guérison (apparente) ont été observés également. Dans les maternités en cours de mise bas, les signes cliniques associés à la lactation évoluent vers une forme plus chronique. L'arrêt de la mortalité est moins rapide. Enfin, les troupeaux vaccinés contre la VHD classique se comportent mieux que les autres (moindre mortalité).


Il s'agit bien d'un nouveau variant
 

L'analyse de la séquence des acides aminés du gène VP60 des différents calicivirus apparentés au RHDV permet de les classer entre eux et d'établir ainsi des "distances génétiques" entre les différents virus. Des analyses ont ainsi été réalisées fin 2010 et début 2011 à l'ANSES (ex AFSSA) par G. Le Gall-Reculé à Ploufragan à partir de prélèvements effectués dans des élevages où ont été signalés des échecs apparents de vaccination contre la VHD ainsi que dans des élevages non vaccinés mais dans lesquels des cas de VHD ont été observés.

   

Ces analyses ont clairement monté qu'il y a dans ces élevages un nouveau variant de RHDV assez éloigné de ceux déjà connus pour leur virulence ou leur absence de virulence.

Des séquençages du gène codant pour le VP60 ont également été effectués sur des virus prélevés sur des lapins de garenne trouvé dans la nature, porteurs de symptômes de la VHD.

Il s'est avéré qu'il s'agit là aussi du nouveau variant du virus RHDV, du moins pour les prélèvements provenant des département de l'Ouest, du Nord de la France ou de haute Savoie. Par contre les prélèvements issus de la région Languedoc-Roussillon ont permis d'identifier seulement des virus de la VHD classiques.

Il y a donc une assez bonne superposition des cas de VHD dus au nouveau variant dans les élevages et dans la nature.


Réagir face au nouveau variant
 

Compte tenu de la situation, le réseau SAGIR d'épidémiosurveillance de la faune sauvage a attiré l'attention de tous ses correspondants sur la possibilité d'observation des cas de VHD dans la nature en France. En effet très souvent les lapins trouvés morts ou mourants sont "négligés" par les correspondants du réseau qui ne font pas remonter l'information au niveau central. L'objectif est désormais de connaître l'importance réelle de cette nouvelle variété de VHD sur le terrain et de suivre au plus près son éventuelle extension territoriale et temporelle.

   

Parallèlement, des actions de recherche sont en cours en particulier à l'Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse d'une part pour déterminer le niveau de protection contre le nouveau variant de RHDV conféré par les vaccins classiques disponibles et d'autre part pour voir dans quelle mesure les protocoles de vaccination actuels contre la VHD "classique" sont adaptés à la lutte contre ce nouveau variant. En effet, nous avons mentionnés plus haut que des cas de VHD dus au nouveau variant ont été observés dans des élevages où la vaccination était pratiquée. Le protocole de vaccination utilisé était-il adapté ? De même il a été signalé que les cas de mortalité dus au nouveau variant de la VHD étaient moins nombreux dans les élevages vaccinés. Il existe donc une certaine protection, mais est-elle suffisante? Une vaccination des mères peut-elle protéger efficacement les très jeunes lapereaux ?

Pour la protection immédiate des élevages, les vétérinaires cunicoles se sont accordés sur un protocole vaccinal qui prévoit deux injections à un mois d’intervalle en primovaccination et un rappel au bout de six mois.

S'il s'avérait nécessaire de produire un vaccin spécifique contre ce nouveau variant, on sait d'ores et déjà que la démarche sera longue compte tenu du fort encadrement scientifique et administratif de la création de nouveaux vaccins. On peut toutefois espérer que devant l'urgence les bonnes décisions seront prises par les laboratoires et par l’Administration. .

Enfin, dans l'immédiat la protection des élevages repose surtout,  conjointement à la vaccination, sur l'hygiène et les mesures préventives réduisant les risques de contamination. C'est pourquoi, à la demande du CLIPP, l'AVCF en association avec la Société Nationale des Groupements Techniques Vétérinaires a rappelé dans une note que nous reproduisons ci-dessous les principales précautions à prendre pour lutter contre la VHD en cas d'épizootie. Il faut en effet rappeler que l'existence d'un nouveau variant n'a pas fait disparaître le virus "classique" et les précautions qui valent pour l'un, valent aussi pour l'autre.

   

LUTTE CONTRE LA VHD
EN PÉRIODE D’ÉPIZOOTIE


Prophylaxie sanitaire défensive contre la VHD
 

Les mesures sanitaires défensives permettent d’éviter l’entrée de la maladie dans une exploitation. Pour cela, toutes les portes d’entrée du virus doivent être contrôlées.

- Doivent être évités ou réglementés en cas de besoin :

  • les contacts avec les lapins sauvages (éleveurs-chasseurs : risque accru),
  • les visites (entre éleveurs, par le technicien, le vétérinaire ou toute autre personne)
  • les foires et expositions de lapins ou de chiens

- Si les visites se font, c’est

  • avec des pédisacs (2 par pied s’il y a risque de détérioration)
  • une charlotte jetable pour la tête
  • une cote neuve et non déjà présente sur l’élevage (éviter le risque de rapporter des poussières d’élevage dans d’autres exploitations)
  • lavage au savon et désinfection des mains (gel hydroalcoolique) avant et après la visite
  • respect des zones sales et propres des sas sanitaires (ne pas entrer de virus, ne pas en sortir non plus) qui seront désinfectées régulièrement

- Des mesures d’hygiène strictes doivent être prises

  • désinfection du matériel avec un désinfectant virucide homologué
  • changement de vêtements par l’éleveur (risque de contaminer via l’extérieur)

- Une lutte contre les vecteurs potentiels est nécessaire

  • dératisation,
  • grillage contre les oiseaux
  • chiens (on retrouve le virus dans leurs excréments), notamment de chasse
  • camions d’équarrissage (ils doivent s’arrêter au bout du chemin et le bac doit venir à eux puis être désinfecté avant de retrouver sa place)
  • camions d’aliment le chauffeur doit rester au pied des silos donc prévoir une boîte à lettre pour les bons de livraison d'aliment à cet endroit.
  • autres véhicules : les garer si possible loin de l’élevage et désinfecter les roues en partant. Ne jamais se garer devant les entrées d’air.
  • L'éleveur doit pulvériser un désinfectant virucide homologué à l'endroit de passage et de stationnement des véhicules
  • lapins sauvages : le nettoyage des abords et l’usage de grillages peuvent se révéler efficaces parfois. Si des crottes sont présentes autour du bâtiment, chauler les abords et changer de chaussures avant d’entrer dans le sas.

- Les lapins introduits doivent être placés en quarantaine quinze jours au contact de lapins sentinelles (non vaccinés) s’ils proviennent d’un élevage où la vaccination n’est pas pratiquée (pour voir le portage).

- Les fourrages verts sont à proscrire (lapins fermiers ou de compagnie proches de l’élevage)

- Les vaccinations doivent être à jour, et en période d’épizootie il est utile de prévoir un rappel en primo-vaccination (consulter le vétérinaire pour qu’il établisse un plan de vaccination en fonction du risque localement encouru, le plan le plus usité en période d’épizootie est une vaccination vers 4/5 semaines d’âge avec un rappel 4 à 6 semaines plus tard et un autre rappel après la 5ème  mise bas).

- Vérifier et adapter le matériel d’injection (contrôler le nombre de doses administrées, le volume de chaque dose etc.) et l’utiliser dans des conditions optimales (changement et/ou désinfection des aiguilles).

Prophylaxie sanitaire offensive contre la VHD  

Les mesures sanitaires offensives sont mises en place lorsque la maladie se déclare.

Il s’agit d’éliminer le virus d’un élevage contaminé par

  • un abattage des animaux malades et suspects,
  • une destruction efficace des carcasses
  • une désinfection des locaux et du matériel en utilisant un désinfectant homologué employé aux doses virucides
  • la réalisation d’un vide sanitaire (6 semaines) si possible
  • Il est nécessaire d’associer la vaccination à ces mesures sanitaires (le plus rapidement possible, sur tous les sujets et à la dose recommandée par le fabricant).
 
 
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