Éclairement
et production du lapin Sous
les tropiques, le soleil se lève tard et se couche tôt
| | Comme
nous le rappelions plus haut, le climat tropical est aussi caractérisé
par une stabilité de la durée du jour au cours de l'année,
d'autant plus marquée que l'on est près de l'équateur. Or
les différents travaux conduits en France, en particulier, sur la durée
optimum d'éclairement des lapins ont montré que, si la durée
d'éclairement n'a pas d'influence sur la croissance des animaux, un éclairement
de 15 à 16 heures par jour est plus favorable à la reproduction
qu'un éclairement limité à 12 heures par cycle de 24 heures
comme cela est observé au milieu de la zone tropicale. Des essais ont donc
été conduits dans différents pays pour déterminer
si une durée d'éclairement continu de 16h par cycle de 24h a, sous
les tropiques, le même effet bénéfique qu'en France où
la durée de 16h/24h correspond à l'éclairement naturel constaté
en juin. |
Un
éclairage 16h/24 de quelques jours stimule l'acceptation de l'accouplement
par les lapines | Un
premier essai de courte durée a été réalisé
au Centre INRA de la Guadeloupe sur des lapines à partir de l'âge
de 133 jours donc juste en âge de se reproduire dans cet élevage.
L'éclairement a été complété à 16h/24h
pendant 7 jours, puis leur aptitude à accepter l'accouplement a été
testée chaque jour pendant 4 journées. Le 1er jour, 34,1% des lapines
éclairées ont accepté de s'accoupler contre seulement 2,5%
pour celles soumise au simple éclairement naturel. Après 3 jours
les proportions cumulées étaient 58,5 et 35% respectivement. Au
4e jour, l'écart existait encore, mais n'était plus "significatif".
Un éclairement complémentaire de courte durée par rapport
à la durée naturel du jour a donc eu un effet positif. |
Figure
4 : Effet d'un éclairement complémentaire à partir de
3 mois (16h/24h) et pendant 16 semaines (± 4 mois) par rapport à
l'éclairement naturel (12h/24h) puis accouplement de toutes les lapines
maintenues à leur régime d'éclairement, d'après Berepubo
et al., (1993) Essai réalisé au Nigéria | Un
essai d'un peu plus longue durée a été effectué au
Nigeria à l'Université de Port Harcourt pour tester là aussi
l'effet de l'éclairement 16h/24h sur l'entrée en reproduction des
jeunes lapines. Des jeunes lapines ont été soumises à ce
complément de lumière à partir de l'âge de 3 mois (90
jours) et leur comportement sexuel a été testé tous les jours
pendant 4 mois. Les lapines ayant reçu un complément de lumière
ont été pubères plus précocement : 144 jours contre
167 jours (figure 4) mais à un poids plus faible. Lors de la saillie de
ces femelles à l'âge de 7 mois, chez celles ayant reçu le
complément de lumière, le pourcentage de saillies fécondes
a été plus élevé (67% contre 50%), mais sans différence
dans la taille de la portée obtenue à l'issue de ces premières
gestations (6,2 lapins nés totaux). Dans ce deuxième essai, le complément
d'éclairement a donc également eu un effet positif. |
Figure
5 : Effet d'un éclairement naturel (12h/24) prolongé ou non
par un éclairement artificiel (=> 16h lumière/24h) sur la taille
de portée en fonction de la saison. Résultats sur un an à
la Guadeloupe (d'après Deprés et al., 1994)
| Dans
une troisième étude conduite à nouveau au Centre INRA de
la Guadeloupe, l'éclairement a été prolongé à
16h / 24h pendant toute une année. Il n'y a pas eu de différence
dans le nombre de mises bas obtenues pas femelle au cours des 12 mois d'observation.
Par contre, la taille moyenne des portées a été plus élevée
dans le groupe des lapines éclairées, que les lapereaux soient comptés
à la naissance ou au sevrage (par exemple 6,6 sevrés par mise bas
contre 5,5 pour le lot témoin), sans aucune altération du poids
moyen des lapereaux au sevrage (505 et 501 g à 28 jours). Toutefois, l'analyse
des résultats mois après mois, montre que cet effet positif sur
la taille de la portée n'est observé que pendant la saison sèche
(figure 5), période où les lapines souffrent moins de la chaleur
(température un peu moins élevée et humidité plus
faible). Au cours de la saison des pluies, les lapines des deux groupes ont eu
des portées de taille similaire. Ainsi le complément d'éclairement
a eu un effet bénéfique sur un critère différent de
celui observé lors des essais de courte durée (taille de portée
au lieu du taux de mise bas) et surtout il a montré que lorsque les lapines
sont "gênées" par la chaleur, elles ne répondent
pas à un éclairage complé-mentaire. Il existe donc à
cette période plus chaude un facteur limitant autre que la lumière.
Il est fort plausible que ce soit la chaleur elle-même à travers
la consommation d'aliment.
|
Conclusion
sur l'éclairage | Le
climat tropical freine la reproduction chez le lapin que ce soit à travers
une puberté retardée, ou une taille de portée réduite.
Un éclairage complémentaire peut aider à améliorer
la situation, mais son effet est lui-même soumis à la température
et à lhumidité ambiantes. Lintérêt pratique
dun éclairage additionnel est donc limité. |
Performances
moyennes obtenues dans différents pays tropicaux | La
production des élevages de lapins est souvent mesurée en nombre
de lapins produits par année et par lapine en production. Parfois, la taille
des portées et leur nombre par année sont fournis en complément.
Les valeurs souvent prises en référence sont celles observées
en France, en Espagne ou en Italie où la productivité moyenne des
élevages commerciaux est d'environ 50 lapins produits par femelle et par
an (vendus à l'abattoir au poids de 2,4 kg). Cela correspond approximativement
à une moyenne de 6,8 portées de 9,5 lapereaux nés vivants
et 8,0 lapins par portée au sevrage (tableau 1). |
Lieu
de production | METRO | DOM | Portées
/lapine &/an | 6,8 | 6,4 | Taille
portées sevrage | 8,0 | 5,5 | Lapins
/lapine &/an | 50 | 35 | Poids
d'abattage (kg) | 2,4 | 2,3-2,4 | Âge
abattage (jours) | 70-72 | 82-87 | Tableau
1 : Performances moyennes de production en France métropolitaine
(METRO) et dans les Département d'outre mer (DOM)
(Guadeloupe; Martinique et Réunion) | On
peut estimer l'effet strict du climat tropical sur les lapins, par la productivité
observées dans les élevages commerciaux les département français
d'outre mer (Guadeloupe, Martinique ou la Réunion). En effet, les souches
utilisées sont les mêmes qu'en France, très souvent les aliments
granulés sont importés de métropole, les matériels
d'élevage sont les mêmes et les éleveurs ont souvent suivi
les mêmes formations. Ainsi dans ces départements français
à climat tropical (principale production agricole : la canne à sucre
et la banane), la production est de 35 lapins vendus par femelle et par an, au
poids de 2,3-2,4 kg. Par rapport à la métropole, la différence
principale vient de la taille des portées (6,5 nés vivants au lieu
de 9,5) alors que le nombre moyen portée est similaire à celui observé
en France. Ces observations montrent qu'en l'état actuel de la technique
du moins, la productivité numérique des lapines est réduite
de 30% en milieu tropical par rapport à ce qui est observé en milieu
tempéré. En ce qui concerne la vitesse de croissance, la réduction
est plus modérée, de l'ordre de -15 à -20%. |
Pays | Nb
Lapins / femelle /an | Vitesse
de croissance g/jour | Brésil | 20-34 | 28-34 | Bénin | 18-25 | 20-25 | Indonésie | 10-15 | 15-18 | Nigéria | 10-15 | 10-15 | Tableau
2 : Productivité numérique moyenne des lapines et vitesse de
croissance en engraissement dans quelques pays tropicaux | Dans
les autres pays tropicaux où existent de grands élevages et où
le pouvoir d'achat des producteurs est relativement élevé comme
le Brésil, la production annuelle varie de 20 à 34 lapins vendus
par femelle et par an en fonction de la conduite d'élevage adoptée.
Dans des pays où le pouvoir d'achat est plus faible comme l'Indonésie,
ou le Nigeria, la production tombe à 10-15 lapins produits par lapine et
par an (tableau 2). Ceci est la conséquence d'une taille de portée
réduite à la naissance (5-6 lapins nés par mise bas) combinée
avec une forte mortalité des lapins et un faible nombre de portées
par année. Cette situation est la conséquence du faible niveau technique
des éleveurs (manque de formation) et de leur faible pouvoir d'achat ne
leur permettant pas de se procurer les aliments concentrés souhaitables,
ni des animaux améliorés (mais plus exigeants). |
Les
voies possibles pour l'amélioration | La
voie la plus efficace à court terme pour améliorer la productivité
des élevages est sans doute la formation des éleveurs et de l'encadrement
de la cuniculture dans le pays. Un échec relatif du développement
de l'élevage du lapin a par exemple été constaté à
la fin des années 70 dans certaines régions du Mexique où
des éleveurs ont bien été formés, mais où l'encadrement
qui devait les suivre au quotidien ne l'avait pas été. |
La
formation ET le suivi des éleveurs sont des éléments clés
de l'amélioration de la production des élevages. | L'impact
de la formation des éleveurs a pu être mesuré au Bénin
par exemple (l'un des pays au plus faible pouvoir d'achat du monde). Ainsi la
simple formation des éleveurs, l'organisation de leur entraide et l'organisation
des circuits permettant l'approvisionnement en aliment concentré de fabrication
locale a permis de faire passer la productivité de 12-15 lapins par femelle
et par an au début des années 90 à environ 20-25 actuellement,
malgré une épidémie dramatique de VHD en 1995 (suivie d'une
vaccination et d'une reconstitution du cheptel). Dans ce pays, le soutien concret
des nouveaux éleveurs dans les villages est assuré sur place par
d'autres éleveurs de lapins formés pour cela, eux même encadrés
par des technicien régionaux. |
Lignées
spécialisée de
+ Californien
Néo-Zélandais =>
Femelle
croisée commerciale (ici Hyplus)
| Une
autre voie est possible: l'amélioration génétique du
cheptel utilisé. Les éleveurs y croient beaucoup, souvent avec raison,
mais trop souvent ils oublient que les lapins de plus grand format (à croissance
plus rapide) et/ou plus prolifiques doivent aussi avoir une alimentation adaptée
en qualité comme en quantité. Si les conditions de production sont
bonnes (hygiène, qualité de l'alimentation) comme c'est par exemple
le cas dans le Centre INRA de la Guadeloupe, l'amélioration de prolificité
observée en climat tempéré par l'usage de lignées
croisées spécialisées est effectivement également
observée en climat tropical (tableau 3) |
Milieu Climatique | Critères
de production | Type
génétique des lapines | Néo
Zélandais (1077) | Croisés
(1067) | Avantage
des lapines croisées | Tempéré (Métropole) | Lapereaux
vivants/mise bas | 7,6 | 9,0 | +18% | Lapereaux
sevrés par mise bas | 6,7 | 7,3 | +
9% | Saillies
nécessaires par Mise bas | 1,12 | 1,12 | 0 | Tropical (Guadeloupe) | Lapereaux
vivants/mise bas | 6,4 | 7,3 | +14% | Lapereaux
sevrés par mise bas | 5,7 | 6,5 | +14% | Saillies
nécessaires par Mise bas | 1,3 | 1,3 | 0 |
Tableau
3 : Performances de reproduction de lapines de race pure Néo Zélandais
Blanc (lignée INRA 1077) ou croisées Néo Zélandais
x Californien (lignée INRA 1067) en fonction du milieu de production (moyennes
sur 1 an - résultats INRA). |
Si
les conditions d'élevage ne sont pas parfaites l'usage de lapins à
haut potentiel génétique peut devenir un handicap | Par
contre, si l'alimentation n'est pas suffisante et/ou si les conditions d'hygiène
ne sont pas correctes, le meilleur potentiel des animaux croisés ne se
manifeste pas et au pire devient un handicap. L'usage de ce type de cheptel amélioré
doit donc être restreint aux endroits où les conditions générales
de production sont bonnes, y compris pour le renouvellement du cheptel. En effet,
l'usage d'animaux croisés implique le rachat de tous les reproducteurs
à chaque génération.
Dans les pays où la situation
économique ne permet pas une bonne gestion des lapins croisés, l'usage
de lapins de race est préférable, car il permet à l'éleveur
de produire par exemple lui-même ses futures reproductrices et de n'acheter
que les mâles nécessaires. Pour ces éleveurs, la fourniture
d'animaux de race sélectionnée est souvent un plus réel.
Soulignons toutefois que cette remarque est totalement indépendante du
climat du pays concerné, mais qu'elle s'applique cependant à la
grande majorité des pays tropicaux.
|
Les
fourrages verts sont souvent une solution pour les petits élevages
mais
il faut aller les ramasser,
ce
qui fait que le plus souvent ils sont employés avec parcimonie en complément
d'un concentré.. | Une
dernière voie qu'il nous semble utile de souligner pour l'amélioration
de la productivité des élevages en milieu tropical, est de "travailler"
l'alimentation. Cela passe d'abord par la formation des éleveurs comme
indiqué plus haut : il faut qu'ils sachent quoi donner à manger,
comment le faire et comme hiérarchiser les distributions en cas de pénurie.
Dans le même temps, il est utile de travailler à la fourniture d'un
aliment complet aussi équilibré que possible, en faisant appel le
plus possible aux produits localement disponibles. La qualité hygiénique
de ces aliments et des matières premières qui les composent est
aussi un facteur très important de la réussite .Trop souvent des
tentatives de promotion de la production du lapin ont échoué parce
que leurs promoteurs ont oublié qu'il fallait importer toute l'alimentation
des lapins et qu'ils ne maîtrisaient pas la qualité de ces produits.
La production locale (par l'éleveur ou dans le pays) n'est pas non
plus une garantie intrinsèque de qualité. En particulier il faut
souligner que les lapins ne supportent pas les aliments où se sont développés
des moisissures soit dans l'aliment composé lui-même, soit dans les
matières premières utilisées pour le fabriquer. La conséquence
immédiate est un refus de consommation et/ou une mortalité des lapins.
Or les moisissures productrices de mycotoxines trouvent très facilement
un terrain favorable à leur développement en milieu tropical, surtout
si les conditions de stockage ne sont pas idéales. Conclusion
générale En
conclusion, il nous parait important de souligner que l'élevage du lapin
est tout à fait possible dans un grand nombre de pays tropicaux. Toutefois
il est "normal" de s'attendre à obtenir des performances techniques
moins "brillantes" que celles obtenues en Europe par exemple. Mais ce
qui sert à une population ce sont les produits obtenus, les kg de viande
consommés et non les performances inscrites au livre des records. L'élevage
du lapin peut donc être intéressant en milieu tropical à condition
que soit faite une analyse détaillée des conditions de production
technique et économiques locales, incluant certes le climat mais aussi
les ressources matérielles locales, les besoins et les possibilités
de la population, et les ressources en hommes chargés de promouvoir ou
de soutenir cette production. |
Le
Lapin en milieu tropical ce n'est pas exactement cela, dommage ! | |
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la première partie de l'article |
Liste
des principales références bibliographiques |
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