CUNICULTURE
Magazine Volume 32 (année 2005) pages 51 à 55

ASFC 10 mars 2005 - Journée d'étude « Puebla - Ombres & Lumières »
Synthèse des travaux présentés dans la session «Nutrition et Alimentation»
au 8ème Congrès Mondial de Cuniculture

par Pascal BOISOT
Evialis, Service R&D, Talhouët, 56250 St NOLFF

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  La session "Nutrition et alimentation" a été, comme pour les congrès précédents, la session contenant le plus de communications courtes (54) devant les sessions "Pathologie et Hygiène" (44), "Reproduction" (28) et "Génétique et biotechnologie" (26). La session "Nutrition et alimentation" représente à elle seule 24% des travaux présentés lors de ce 8ème congrès.  
     
 
Figure 1: Répartition des communications par nationalité du premier auteur
  En classant les communications par la nationalité du premier auteur, nous pouvons remarquer, comme lors du précédent congrès, l'absence totale de publication scientifique émanant des pays anglo-saxons. L'Espagne arrive largement en tête du nombre de communications avec près d'un quart des publications. La chine qui n'avait publié pas dans cette session lors du dernier congrès se retrouve en 2ème position avec 15% des communications.

En raisonnant par continent, l'Europe représente 67% des communications, suivie de l'Asie (Chine, 15%), de l'Amérique latine (13%) et de l'Afrique ( Egypte, 6%).

 

Le rapport invité

La session de nutrition et alimentation du congrès a commencé par un article de synthèse de F. Lebas sur les recommandations nutritionnelles du lapin à différents stades et sur un recueil bibliographique (542 articles) portant sur l'utilisation d'un grand nombre de matières premières : céréales et produits dérivés, sources d'énergie autres que céréales, sources de matières grasses, oléagineux et protéagineux, produits d'origine animale et sources de fibres. Ce travail présente l'intérêt, pour des matières premières variées à utilisation courantes ou plus ponctuelles, de préciser le taux d'incorporation maxi utilisé dans ces études, de définir un niveau d'utilisation acceptable, et d'indiquer les critères zootechniques évalués dans chaque article. Cette synthèse représente un bon outil pour les fabricants d'aliments et firmes services pour répondre à des problématiques de formulation et de substitution de matières premières en France mais surtout à l'étranger.

 

Prix de la meilleure communication de la session

Le prix de la meilleure communication en nutrition a été décerné à une équipe espagnole de l'université de Saragosse (Belenguer et al.) pour un travail original sur l'estimation de l'importance quantitative de la cæcotrophie et du recyclage des protéines bactériennes. Le principe de la méthode repose sur l'incorporation dans l'aliment d'azote 15N marqué et du suivi de cet azote marqué dans les cæcotrophes et au niveau des tissus (foie et muscle). Il ressort de ce travail que près de 50% de la lysine absorbée est issue de lysine microbienne, mettant en évidence l'importance de la cæcotrophie dans le métabolisme protéique du lapin.

 

 

L'analyse de l'ensemble des publications permet de dégager 7 thèmes principaux

1. Analyse de la valeur nutritive d'ingrédients alimentaires

Neuf communications courtes sur l'utilisation et la valeur nutritive de matières premières ont été présentées au cours de ce congrès. Les matières premières concernées sont : maïs extrudé, manioc, ensilage de sorgho grain, foin de ramie, foin de luzerne, Caragana microphylla, soja, tournesol. La plupart de ces études ont été réalisées par des d'équipes de recherche d'Amérique latine.

 

2. Besoins nutritionnels du lapin

Les recherches sur les besoins nutritionnels ont été relativement restreintes sur ce congrès avec seulement 5 communications dont 4 études chinoises sur les besoins énergétiques, azotés et en fibres des lapins rex reproducteurs et en croissance. Ces résultats présentent un intérêt limité pour l'élevage du lapin en France.

 

3. Méthodologie Quelques travaux de méthodologie ont été présentés au cours de la session " Nutrition et alimentation " :
Badiola et al. ont présenté un travail sur la caractérisation de la diversité microbienne du tractus digestif du lapin par méthode RFLP (Restriction Fragment Length Polymorphism) en fonction de l'âge et de l'aliment. L'intérêt de cette approche est de pouvoir étudier les bactéries intestinales sans avoir recours à des cultures in vitro, sachant que seulement une petite proportion des bactéries intestinales est cultivable in vitro. Les résultats montrent une évolution de la composition de la flore avec l'âge. Contrairement au porc et à la volaille, la biodiversité microbienne chez le lapin est plus importante au niveau iléal qu'au niveau cæcal.

Deux études méthodologiques d'estimation de la digestibilité chez des lapereaux sevrés précocement (étude espagnole, Gomez-Conde et al..) et en utilisant de la lignine purifiée comme marqueur (équipe Brésilienne, Pereira et al.) ont été présentées. La réalisation d'étude de digestibilité n'est pas conseillée avant 32 jours d'âge en raison de la rapide évolution de la digestibilité de la matière sèche avant cet âge là. Le calcul de digestibilité à partir de la lignine purifiée comme marqueur reste une technique intéressante même si les valeurs de digestibilité sont parfois sous estimées en comparaison avec la collecte totale. (voir l'analyse plus détaillée de cette communication dans la synthèse sur la Physiologie digestive)

Une méthodologie d'estimation de la production de lait de lapine à partir de 3 mesures par semaine a été présentée par une équipe espagnole (Fernandez-Carmona et al.) avec des résultats satisfaisants.

Une équipe belge (Maertens et al.) a présenté une méthode de calcul des rejets azotés et phosphorés pour les exploitations cunicoles. Une lapine rejette 7.6 kg d'azote (N) et 4,72 kg de phosphore (P2O5) par an (base 45 lapins de 2,5 kg produits par femelle/an). Pour une exploitation ne réalisant que de l'engraissement les rejets d'azote sont de 88 g d'azote et 60 g de P2O5 par lapin (base engraissement de 0,8 kg à 2,5 kg, indice de consommation de 3,25). (NB : la réduction des rejets azotés par la voie alimentaire n'a été abordée que sur une seule étude (équipe égyptienne, Amber et al..) avec l'apport d'extraits de yucca permettant de réduire les rejets azotés sous forme d'urée et d'ammoniac).

4. Niveau et nature des fibres alimentaires

Quatre études espagnoles ont été consacrées à l'impact du niveau et/ou du type de fibres sur la digestibilité en fonction de l'âge (Gomez et al.), sur la composition et le recyclage des matières grasses dans les cæcotrophes (Gomez et al.), en augmentant la taille des particules dans la ration (Nicodemus et al.) et sur l'index de risque sanitaire sur des aliments en péri-sevrage (Soler et al.). Des principaux résultats, nous pouvons retenir que la digestibilité de l'amidon chez le lapereau est significativement affectée par la source de fibre rencontrée dans l'aliment : la digestibilité de l'amidon est améliorée avec des régimes plus riches en fibres digestibles. Un excès d'amidon au niveau cæcal pouvant être un facteur favorisant les troubles digestifs, la source de fibre à utiliser dans les aliments péri-sevrage est primordiale. La source de fibre a également un impact sur la composition en matière grasse des cæcotrophes.

 

5. Maîtrise de la santé digestive du lapereau Technique d'alimentation
La maîtrise de la santé digestive du lapin via une technique d'alimentation a été abordée de façon originale dans 3 études françaises (une d'elle faisant partie de la session pathologie et hygiène). Des travaux présentés aux JRC 2003 (Gidenne et al. et Boisot et al.) avaient déjà montré l'intérêt d'un rationnement alimentaire pour réduire les problèmes sanitaires d'origine digestive chez le lapin en engraissement. Ces trois études issues des travaux de recherche de deux firmes françaises d'alimentation (Verdelhan et al. (2 articles) et Boisot et al. (1 article)) ont étudié l'intérêt d'un accès limité à l'eau de boisson (1h à 4h par jour) pour engendrer un rationnement alimentaire et limiter la mortalité en engraissement. Les résultats présentés sont encourageants et montrent qu'une restriction hydrique engendre un rationnement alimentaire et permet de limiter l'expression de la mortalité en élevages cunicoles. Le rationnement alimentaire a également été abordé par une étude tchèque (Tumova et al.) mais sur un aspect digestibilité, croissance des organes et paramètres sanguins. Comme déjà démontré dans d'autres études, un rationnement alimentaire s'accompagne d'une nette amélioration de l'efficacité alimentaire sur la période de restriction. Au niveau des organes internes, un rationnement alimentaire s'accompagne d'une augmentation relative du cœur et du rein laissant penser que la priorité est donné au développement des organes internes.
 

Utilisation d'additifs
L'intérêt zootechnique de différents additifs (enzymes, acidifiants, prébiotiques, probiotiques et extraits végétaux) a fait l'objet de 11 études. Selon les produits, une réduction des risques sanitaires (Mannan- oligosaccharide (MOS), triacylglycérols, inuline, Bacillus, extrait végétal chinois " Jian tu san ") et/ou un effet positif sur la digestibilité des fibres et des fermentations cæcales (MOS, inuline, extrait végétal chinois " Jian tu san ") sont parfois observés. Ces études présentent l'intérêt de mettre en évidence certains mécanismes pouvant contribuer à la sécurisation des régimes chez le lapin en engraissement. Les résultats obtenus sont à prendre avec précaution en raison des interactions entre le régime de base utilisé et le statut sanitaire. Même si certains résultats sont encourageants dans un objectif de réduction de l'utilisation d'antibiotiques, aucun des travaux présentés ne permet de positionner l'un des produits testés en remplacement exclusif d'antibiothérapies.

 

6. Stratégies d'alimentation des lapines et des lapereaux sur la période péri-sevrage en relation avec le rythme de reproduction et/ou l'âge au sevrage.

Une thématique émergente sur l'étude des stratégies d'alimentation des lapereaux sur la période peri-sevrage en fonction ou non de l'âge au sevrage a fait l'objet de 5 études.
Une firme d'aliment française (Montessuy et al.) a travaillé sur l'aliment péri-sevrage visant à trouver un compromis entre les besoins de la lapine en lactation+gestation et les besoins du lapereau, avec des résultats intéressants : possibilité de trouver un compromis entre les besoins antagonistes de la lapine et des lapereaux sans détériorer les performances.
Une étude italienne de l'université de Naples (Di Meo et al.), focalisée sur le lapereau, a également montré l'intérêt de la distribution d'un aliment adapté au lapereau sur la période pré-sevrage pour limiter le risque sanitaire après le sevrage (aliment riche en fibre et teneur faible en amidon). Sur la même problèmatique, une équipe espagnole (Soler et al.) a redémontré l'intérêt de la substitution de l'amidon par des fibres digestibles dans des aliments péri-sevrage pour réduire le taux de mortalité.
Une étude française de l'INRA (Gidenne et al.) s'est focalisée sur l'amélioration du statut sanitaire de lapereaux sevrés précocement (23 j.) en utilisant un aliment spécifique (riche en protéines et matières grasses) sur les 13 premiers jours suivant le sevrage précoce, avant le passage à un aliment engraissement classique. Cet essai n'a pas mis en évidence d'effet significatif sur la croissance mais a montré l'intérêt d'un tel aliment pour améliorer le statut sanitaire de lapereaux sevrés précocement sur la période d'engraissement.
En relation avec le sevrage précoce, Gidenne et Fortun-Lamothe ont comparé la croissance, le statut sanitaire et la digestion de lapereaux sevrés à 23 jours et de lapereaux sevrés à 32 jours d'âge. Les résultats de cet essai montrent que le sevrage précoce pénalise la croissance seulement jusqu'à 7 semaines mais avec une augmentation du risque sanitaire.
Xiccato et al. (Italie) ont présenté un travail sur le rythme de reproduction des femelles et l'âge au sevrage. Les principaux résultats de cette étude montrent qu'une augmentation de l'intervalle mise-bas-IA de 11 à 26 jours a un effet positif sur la récupération des réserves énergétiques de femelles multipares tout comme le sevrage précoce à 21 jours en comparaison au sevrage à 25 jours d'âge.
Le problème du maintien des réserves et de l'utilisation de l'énergie par les lapines reproductrices a été abordé également par une autre équipe italienne (Toschi et al.). Celle-ci a travaillé sur la fin de gestation de femelles nullipares en comparant une alimentation ad libitum ou rationnée et mettant en œuvre 2 aliments différant par leur concentration énergétique. La rétention énergétique est plus basse sur les animaux rationnés que sur les animaux laissés à volonté sans que le niveau énergétique de l'aliment n'ait un quelconque effet. L'utilisation de l'énergie métabolisable était plus efficace chez les femelles rationnées.

 

7. Transfert des acides gras de l'aliment dans le lait de lapines

L'impact de la nutrition sur la composition du lait de lapines a été étudié par 3 auteurs (Castellini et al., Kowalska et Bielanski, Muniz et al.) . Les 3 études ont mis en évidence un lien étroit entre la composition en acides gras de l'aliment et la composition en acides gras du lait traduisant un taux de transfert important des acides gras ingérés par la lapine au niveau du lait. Castellini et al. ont étudié la composition en acides gras des carcasses de lapereaux sous la mère montrant également un enrichissement en acides gras des tissus proportionnel à la teneur en acides gras de l'aliment. Deux de ces équipes ont focalisé leur travail sur les acides gras oméga 3 et plus particulièrement les formes les plus allongées (EPA et DHA), présentant potentiellement les propriétés les plus intéressantes. Toutefois, aucune de ces études n'a étudié l'impact de l'enrichissement de l'aliment des lapines en oméga 3 sur la croissance, l'immunité et la réponse aux maladies des lapereaux.
En ce qui concerne la production laitière des lapines, nous pouvons noter que deux équipes espagnoles se sont intéressées à la modélisation de la courbe de lactation de lapines (Casado et al) et à une méthodologie d'estimation de la production de lait de lapines à partir de 3 mesures par semaine (Fernandez-Carmona et al.). (Ndlr : ce type de travail a été fait et publié par F. Lebas en 1968 ! (utilisation de 3 mesures par semaine) et lors du 1er Congrès Mondial de Cuniculture en 1976 (modélisation)).

Conclusion En conclusion, nous pouvons retenir que l'Europe (principalement l'Espagne) domine toujours la recherche en nutrition du lapin. Il est intéressant de noter l'arrivée de la Chine, premier producteur mondial, qui se positionne en 2ème position au niveau du nombre de publications.

La maîtrise des risques sanitaires reste, sur un plan international, la préoccupation majeure en liaison avec les besoins des éleveurs. Les stratégies d'alimentation des femelles et des lapereaux sur les périodes physiologiques clés (mise en reproduction, lactation, gestation, sevrage) font partie également des préoccupations des principaux pays producteurs de lapins.
 
 
 
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