CUNICULTURE
Magazine Volume 35 (année 2008) pages 54 à 58

PROLAP
Une innovation pour l'évacuation des déjections des lapins


par
F. LEBAS
d'après la documentation fournie par le concepteur, Elaptis, Chabeauti et les informations récoltées lors du Space 2008

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  Lors du 22ème Space en septembre 2008, un Innov'Space à deux étoiles a été décerné à PROLAP, un système innovant permettant la séparation initiale des crottes et des urines, et leur évacuation séparée hors du bâtiment, produit présenté par Elaptis  
  L'idée de ce concept est venue en 2002 à Philippe PICARD éleveur de lapins , membre de la CPLB (Coopérative des éleveurs de lapins du bocage). Pendant 4 années, avec le soutien des techniciens de la CPLB, il l'a développé, peaufiné, pour arriver au produit élaboré proposé aujourd'hui aux éleveurs pour équiper les fosses à déjection placées sous les cages dans des installations neuves ou anciennes.  
     
 

Le principe de séparation
crottes-urine
: une idée déjà ancienne mais qui n'avait pas abouti

 

L'idée de base est de permettre aux urines et aux liquides en général de s'évacuer rapidement du dessous des cages, sans réhydrater les crottes. En effet, lors de leur émissions, les crottes de lapin ont une teneur en eau d'environ 50% (variable en fonction du régime alimentaire). De plus les crottes ont la forme approximative de billes de 0,5 à 1 cm de diamètre environ en fonction de l'âge des lapins et du régime alimentaire (teneur en fibres principalement). Lorsqu'elles se déposent, ces billes laissent entre elles un espace rempli d'air facilitant le séchage naturel, à moins que des liquides ne viennent occuper les espaces vides. L'idée de Ph. Picard a donc été d'assurer une séparation immédiate des crottes de tout liquide. En effet le système classique de racleur mélange crottes et urines (+ eau tombée des abreuvoirs). Le mélange contient alors environ 20% de matière sèche, voire beaucoup moins. La seule solution de stockage est la fosse à lisier (problèmes de volume, d'odeurs, d'étanchéité, ...) périodiquement vidée. Le produit extrait ne peut qu'être épandu sur les terres agricoles (contraintes de surfaces minima, d'environnement ) avec du matériel spécialisé.

En fait l'idée de séparer crottes et urine dès l'émission avait déjà été développée il y a plusieurs années avec l'utilisation de tapis plus ou moins perforés placés sous les cages et totalement vidés en général chaque jour. Certains avaient même eu l'idée d'extraire d'air du local à travers le tapis pour sécher les crottes pratiquement sur place (système Dervako). Quand ils étaient neufs, ces systèmes au prix de revient nettement plus élevé que celui d'un simple racleur, marchaient assez bien. Mais sur le long terme, ils présentaient plusieurs inconvénients graves. En effet, pour éviter que les orifices ne se bouchent, il fallait laver énergiquement le tapis très régulièrement (grosse production de liquides pollués) mais surtout de temps à autre le tapis se bloquait (problème mécanique d'entraînement, panne électrique, ...) ou plus grave se déchirait en raison des problèmes d'usure normaux mais quasi impossible à prévoir avec précision. Le prix élevé poussait en effet l'éleveur à utiliser les tapis coûteux jusqu'au bout, jusqu'à la rupture. Il était alors très compliqué de réparer car les lapins continuaient gentiment à produire leurs déjections sur le tapis "accidenté" ou à la place qu'il aurait dû occuper avant rupture. Bref, ce système n'a jamais eu beaucoup d'adeptes et dès que possible les rares adeptes sont revenus à des systèmes plus classiques d'évacuation des déjections.

   
Exemple de séparation des crottes et des urines à la source et évacuation par tapis transporteur perforé.
Un concept qui n'a jamais bien fonctionné sur le long terme
Une forme en V avec fente, puis en W  

Le premier modèle conçu par Philippe Picard consistait en un forme en V placée sous les cages. Une fente étroite de 4 mm de large au fond du V, laisse passer les liquides qui sont alors recueillis dans la goulotte sous-jacente. Il faut savoir que les lapins en croissance ont tendance à déféquer pendant qu'ils mangent. De ce fait, les crottes tombent à l'aplomb de la façade des mangeoires. Comme les mangeoires sont en angle au fond des cages dans le cas le plus courant actuel (alimentation automatique) les crottes tendent à s'accumuler au fond de V rendant imparfaite l'évacuation des liquides si la pente est insuffisante. Comme les lapines adultes défèquent à poste fixe à l'opposé de l'entrée de la boite à nid, donc au fond de la cage elles aussi, le problème est le même avec les mères qu'avec les jeunes : mauvaise séparation crottes / urine si la pente est insuffisante..

 

    La solution a été trouvée en donnant à la forme un profil en W et en mettant une goulotte au fond de chacune des 2 parties creuses du W. Cette forme est bien adaptée pour les fosses de 2 m de large . Par contre pour les fosses plus étroites (en particulier les fosses existantes) la forme V donne satisfaction car il est possible d'y donner assez de pente pour l'évacuation des liquides.
   
Une lame de décolmatage et un "obus" pour curer les goulottes.  

La deuxième idée originale et probablement la plus importante (elle aussi brevetée) a été de mettre dans chacune des fentes de 4 mm une lame de décolmatage solidaire du racleur passant sur la forme en W (ou en V) lors de chaque évacuation des crottes. En outre un obus en plastique guidé par la lame de décolmatage cure le goulotte et repousse vers la sortie les liquides au cas où il n'aurait pas été possible de donner une pente bien régulière à l'ensemble. De ce fait le goulotte est toujours en mesure d'évacuer les liquides même visqueux comme l'urine de lapin.

 

    Au plan pratique, la forme en W (ou en V) est fabriquée en polyéthylène rotomoulé d'une épaisseur de 10 à 13 mm selon les parties de la forme. La goulotte est solidaire de l'ensemble et les fentes de 4 mm sont pratiquées après fabrication, sans affaiblissement de l'ensemble.
   

un élément en plastique rotomoulé
          
L'obus et la lame de décolmatage

Les éléments fabriqués en atelier avec du polyéthylène recyclé sont transportés sur un simple semi-remorque jusqu'à leur lieu d'utilisation
 

Mise en place des éléments en W simplement sur le sol compacté avant la construction du bâtiment

Les éléments sont bien alignés puis collés entre eux avec une colle adaptée, avant que les allées soient coulées

Les allées de circulation sont coulées ensuite, englobant une partie de chaque élément, ce qui l'immobilise définitivement

Mise en place d'éléments en W dans une fosse de raclage préexistante
Un racleur spécial en W a été fabriqué par les Ets Chabeauti  
Le raclage des crottes sur les éléments est assuré par un racleur spécial en forme de W. Pour éviter d'usure prématurée du plastique lors des raclages successifs, le racleur repose lui même sur une partie de chaque élément qui a été garnie de béton, et la lame de raclage a une lèvre en caoutchouc.
   

Sur cette photo de sortie de raclage on voit nettement que les crottes étaient concentrées sur la partie centrale du W

Lorsque les crottes tombent dans la fosse de stockage on voit clairement qu'elles sont bien séparées les unes des autres et donc "sèches"

Dès le début du stockage, des moisissures blanches commencent à se développer sur les crottes, signe qu'elles sont sèches et bien aérées

Au bout des canalisations provenant des goulottes, c'est de l'urine de lapin à peine diluée qui sort (fonction de la qualité des abreuvoirs)

Le compostage et la vente du compost : une solution pour l'évacuation des déjections hors de l'exploitation



  Après leur évacuation hors du bâtiment, les crottes peuvent être stockées à l'abri de la pluie pour éviter qu'elles se réhydratent, puis épandues sur des terres agricole si l'éleveur dispose des surfaces suffisantes. L'autre solution consiste à faire un compostage sous abri pendant une durée de 6 mois avec deux retournements mécaniques du tas. Après ce délai on obtient un compost aux normes NFU 44051, légèrement alcalin (pH 8) composé à 100% de déjections de lapin et contenant 70% de matière sèche dont 1,8% d'azote 2% de P2O5 et autant de K2O. Ce compost est commercialisé via Elaptis sous le nom «FertiBunny®». Il fait l'objet d'une fiche technique détaillée incluant les conditions possibles d'utilisation.
L'un des grands avantages du compostage, est qu'il permet de vendre hors de l'exploitation la majorité des déjections des lapins. Cela permet à l'éleveur de se libérer en grande partie d'un plan d'épandage toujours très contraignant : maximum 100 kg de phosphore (P2O5) par hectare et par an dans beaucoup des départements du grand Ouest et maximum 170 kg d'azote /ha et /an en général.

De leur côté, les liquides évacués via les goulottes contiennent environ 50% d'urine de lapin et 50% d'eau. Ils peuvent être épandus sur les terres agricoles avec une tonne à lisier classique (moins de 1% d'azote). La composition moyenne est la suivante : matière sèche : 1,67% - azote total (N) : 0,9% et phosphore (P2O5) : 0,025%.

 

Sous abri, les crottes sont mises en andains, ce qui assure la montée en température


Le compost est ensuite mis en tas

(norme NFU 44051)


Expédition du compost hors de l'élevage

Le produit fini "FertiBunny" est un amendement organique facile à manipuler
   

Le système PROLAP est commercialisé par Elaptis sur tout le grand Ouest et par les Ets Chabeauti pour le reste de la France.

 

 
 
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