CUNICULTURE
Magazine Volume 35 (année 2008) pages 68 à 76

Impressions sur l'élevage du lapin en Tunisie

par
François LEBAS1 et Gérard BOLET2
1 - Association "Cuniculture", 31450 Corronsac
2 - SAGA-INRA Centre de Toulouse, 31326 Castanet-Tolosan Cedex

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  En avril 2008 le GIPAC (Groupement Interprofessionnel des Produits Avicoles et Cunicoles, organisme para-étatique tunisien) sous la houlette du Dr Amina Bouslama et avec l'appui de la Société Scientifique Tunisienne de Médecine Vétérinaire Aviaire, a organisé une semaine cunicole incluant différents séminaires, visites organisées d'élevages et conférences publiques. A cette occasion le Gipac a sollicité la collaboration des meilleurs spécialistes cunicoles tunisiens et celle de 3 spécialistes cunicoles français (G. Bolet, directeur de recherches à l'INRA Toulouse, A. Leplat vétérinaire praticien, Sudelvet et F. Lebas, Directeur de Recherches honoraire, Cuniculture). Au plan local, ces journées ont bénéficié de l'appui actif de la Direction Générale de la Production Agricole (DGPA), de l'Office de l'Elevage et des Pâturages (OEP) et de l'Ecole Nationale de Médecine Vétérinaire de Tunisie (située à Sidi Thabet à 20 km de Tunis) ainsi que du soutien technique et financier des laboratoires CEVA (Ceva-Interchem-Tunisie).  
  Cette semaine a été pour nous l'occasion de prendre la mesure de la cuniculture tunisienne, tant professionnelle que familiale. Le présent article a été rédigé à partir des différentes informations et documents recueillis dans le cadre de cette semaine cunicole.  
 
G. Bolet et F. Lebas
lors de l'une des conférences
Les participants à l'une des journées de la semaine cunicole tunisienne
 
   
   
 

Un peu d'histoire de la Tunisie et du lapin dans le pays


Timbre émis en 2002 par les Postes tunisiennes, pour illustrer la faune du parc de Zembra et Zembretta


Le drapeau tunisien

 



Le siège du GIPAC à Tunis

 

          Carthage, la capitale historique de la Tunisie, à deux pas de l'actuelle Tunis, a été fondée en 814 av-JC par les Phéniciens, soit près de 50 ans avant Rome. C'est la patrie d'Hannibal. En 146 av-JC, après les 3 guerres puniques, Rome devient maître de Carthage. A l'époque romaine, la Tunisie porte le nom d'Africa : à l'origine c'était le nom d'une région, ce nom «Afrique» a ensuite désigné tout le continent.
         C'est probablement à cette époque que des lapins sauvages ont été importés dans le pays depuis l'Espagne romaine, à moins que ce soit plus ancien. Les Carthaginois avaient en effet une forte implantation sur la côte méditerranéenne de l'Espagne berceau d'origine des lapins. Ils ont par exemple fondé Carthagène (Cartagena) au sud de l'Espagne en 227 av-JC. De cette introduction de lapins, il reste actuellement une petite population fermée de lapins sauvages sur l'île rocheuse de Zembra dans le golfe de Tunis (389 ha) et lors de fouilles récentes dans l'île, des ossements ont été daté du 1er siècle ap-JC avec sûreté. Cette population génétiquement isolée depuis environ 2000 ans, a d'ailleurs développé des caractéristiques comportementales et reproductives originales adaptées en particulier aux ressources alimentaires locales. Bien qu'ils appartiennent au même phylum génétique que les autres lapins sauvages ou domestiques (Vigne, 1988), les lapins de Zembra ne creusent pas de terriers (El Hili, 2002) et ont une reproduction inhibée par les jours longs contrairement à tous les autres lapins dont la reproduction est inhibée par les jours courts (Ben Saad & Maurel, 2002). Bien que le parc naturel constitué en 1977 avec sa petite voisine de Zambretta (2 ha) ait été inscrit au patrimoine de l'UNESCO, la faune originale de l'île (lapins, puffins cendrés, phoques moines, ...) est mise en danger par des promoteurs (chinois) qui voudraient y faire un complexe touristique.
         En l'an 439, Carthage est conquise par les Vandales, en 533 par les Byzantins puis en 698 par les Arabes . Ces derniers imposent leur langue et leur religion, l'islam. En 1574, la Tunisie est annexée par l'empire ottoman. Le drapeau ottoman, rouge avec son croissant de lune et son étoile (devenu ensuite le drapeau de l'état turc) est conservé dans le drapeau tunisien. Le soleil, présenté sous forme de disque blanc a été rajouté en 1835 à la demande de Husein II Bey souverain de Tunis.
       En 1881, la Tunisie devient un protectorat français. L'élevage du lapin y est développé à l'instigation des colons d'origine française ou italienne nombreux dans le pays. Au début du 20ème siècle par exemple, Decker (1912) écrit que « les races de lapins importées donnent toutes de très bons résultats et sont appelées à supplanter complètement les lapins communs ». Ces lapins importés sont élevés dans des cages individuelles en bois, en briques ou en béton, tandis les animaux de population locale étaient et sont encore souvent élevés en colonies. Les lapins importés au début du 20ème siècle étaient en particulier des Géant Blanc du Bouscat, mais aussi des Fauve de Bourgogne, des Argenté de Champagne, des Gris Normand, des Chinchilla ou des Bélier Blanc. Depuis, il y a eu un très fort mélange avec les lapins de population locale.
       La Tunisie accède à l'indépendance le 20 mars 1956. Une partie des élevages de lapins des colons sont repris, en particulier dans les fermes d'état. Les méthodes d'élevage mise au point dans la première moitié du 20e siècle continuent à y être utilisées .
       Le premier élevage rationnel moderne est créé en 1980 à la suite de la réussite de l'élevage moderne de la volaille. La technique n'étant pas aussi bien maîtrisée qu'il aurait été nécessaire (cages grillagées de bonne qualité, aliment granulé équilibré, respect de l'hygiène, gestion génétique des lapins importés, commercialisation organisée,...) la cuniculture n'a pas eu immédiatement l'essor qu'on lui promettait. Certains éleveurs ont cependant persisté, ont appris sur le tas et se sont largement documentés. Ceci a permis le développement actuel d'une vraie cuniculture professionnelle en Tunisie (plus de 200 élevages de plus de 50 mères dans le pays en 2007). Pour accompagner ce développement récent, les pouvoirs publics ont demandé en 2006 au GIPA chargé de la régulation des marchés avicoles, de prendre en charge aussi la régulation du marché de la viande de lapin. C'est à ce moment que le C de cunicole a été ajouté au GIPA et qu'est né le GIPAC.

 

Une production cunicole annuelle estimée à 2555 tonnes de carcasses

 

 


Répartition géographique des élevages industriels de lapins en Tunisie (points rouges)

 

La production de viande de lapin a été estimée à 2 555 tonnes de carcasses en 2007 pour l'ensemble de la Tunisie (après un maximum à 3 300 t en 2006). Comme l'indique le tableau 1 ci-dessous, cette production est assurée pour les deux tiers (65,6%) par les éleveurs "industriels" alors que ceux-ci ne détiennent qu'un tiers (33,0%) du cheptel reproducteur.

Tableau 1 : Importance de la cuniculture en Tunisie
(Source GIPAC, OEP & DGAP - d'après la présentation d'A. Bouslama)
Critères
Types d'élevage
Ensemble
Industriel
Familial
 Nombre d'élevages
210
6 580
6 790
 Nombre de femelles
34 000
69 000
103 000
 femelles / élevage
162
10,5
-
 Production de viande
1 675 t
880 t
2 555 t
 prodution / femelle / an
49,3 kg
12,8 kg
-


Les valeurs fournies pour la production familiale correspondent à une estimation réalisée avec une assez grande marge d'erreur, les petits éleveurs n'étant pas enclins à déclarer facilement leur production. Elle est probablement un peu sous-estimée. Par contre, on peut penser que l'estimation de la production industrielle est assez proche de la réalité. En effet, le GIPAC ayant en charge les élevages industriels et l'aide à la commercialisation de leur production, a fait un gros effort pour les recenser de manière aussi exhaustive que possible. Il a par exemple fait un repérage de tous ces élevages sur le territoire national (carte ci-contre) et il est en train de terminer leur repérage géographique précis par GPS à l'occasion des visites d'élevage.

 

   

Une enquête réalisée en 2006-2007 par le GIPAC auprès de 97 élevages industriels (140 reproductrices par élevage en moyenne) a permis d'avoir une idée des types génétiques utilisés, des conditions de production et de la productivité des élevages. Par ailleurs une étude est en cours pour mieux identifier les potentialités des lapins de population locale. Comme l'illustrent les photos ci-dessous, les couleurs de robe sont identiques pour les deux populations, mais la différence essentielle de phénotype est le format qui est nettement plus petit dans la population locale.
Il faut également signaler qu'un éleveur qui avait importé des lignées grand parentales dans les années 80 a depuis entretenu séparément ces lignées en sélection massale sans réintroduction depuis l'étranger. Toute importation de lapins vivants ou même de semence est d'ailleurs interdite depuis 1996. Si la prolificité a été réduite par rapport aux lignées importées, la taille des animaux (4 à 4,5 kg adulte) a été conservée chez cet éleveur sélectionneur. Les lignées sont souvent utilisées pour produire des lapereaux de croisement terminal par des éleveurs qui ont acheté des femelles de l'une des souches et la font inséminer par de la semence de l'autre souche; mais ces animaux sont parfois aussi utilisés en souche pure ou en mélange avec des animaux locaux.

   
Toute ressemblance entre les lapins des deux groupes n'est pas fortuite : ces deux catégories de lapins se mélangent au gré des achats des éleveurs, en l'absence de tout programme concerté d'amélioration génétique  
Quelques exemples de robes de lapins utilisés en élevage industriel
 
Quelques exemples de robes de lapins utilisés en élevage familial
    Une étude de la Direction Générale de la Production Agricole sur les types de lapins utilisés dans 17 grands élevages (90 à 800 femelles, 340 en moyenne) a montré (tableau 2) que 2/3 des femelles sont de type Néo-Zélandais Blanc ou plus exactement des albinos vrais, 1/4 de type Californien ou plus exactement albinos himalayan, et qu'environ 10% des lapines reproductrices ont un autre phénotype, en fait des animaux colorés. Pour les mâles utilisés dans 14 de ces 17 élevages (3 sont en insémination artificielle avec semence externe) la proportion de lapins blancs albinos ne représente qu'un peu moins de 50% des effectifs contre environ 1/4 pour les lapins colorés ou ceux aux oreilles noires (type Californien). Il faut aussi souligner que dans la grande majorité des élevages plusieurs phénotypes sont présents tant pour les mâles que pour les femelles.
   
Tableau 2 : Phénotype des reproducteurs dans 17 élevages industriels
(Source DGAP)
Reproducteurs
Effectif total
observé
Phénotype des animaux
Type Blanc
Type Californien
Autres (Colorés)
FEMELLES
5 777
64,6%
24,4%
10,9%
MÂLES
412
48,3%
26,0%
27,5%
   

        
Dans les élevages industriels, les lapines sont mises en reproduction aux environs de 4-5, voire 6 mois. Il nous semble important de souligner que 19% des 97 élevages enquêtés pratiquent l'insémination artificielle, soit 40 élevages dans le pays. Ils utilisent soit de la semence récoltée par l'éleveur lui-même, soit plus généralement fournie par un élevage externe qui fonctionne alors comme un centre d'insémination (fourniture de la semence et aide à la mise en place). Il semblerait n'y avoir qu'un éleveur privé et pour une petite part l'élevage de l'école vétérinaire de Sidi Thabet qui remplissent cette fonction de centre d'insémination dans le pays. (Les photos ci-dessous sont extraites de la présentation faite par le Pr Brahim Mtaallah, ENMV de Sidi Thabet). Il nous semble aussi important de signaler que l'éleveur qui assure la fonction de centre d'insémination pour beaucoup d'élevages de production, utilise les souches de lapins entretenues par l'éleveur sélectionneur mentionné plus haut.

   
Un vagin artificiel, démonté à gauche, complet à droite Prélèvement de la semence, ici avec une lapine boute-en-train Equipement pour le contrôle de la qualité de la semence Exemples de techniques de mise en place de la semence, avec un seul ou deux opérateurs
   


A. Bouslama (GIPAC) a effectué une synthèse des performances de production des élevages industriels à partir des informations recueillies par le Gipac, l'Oep et la Dgap. En général des lapines sont saillies (ou inséminée) 10 à 12 jours après la mise bas. Le taux de gestation varie, selon les sources (et les saisons), entre 60 et 80% avec des pointes à 90-92%. A la naissance, la taille de portée est en moyenne de 7,7 nés vivants. Au sevrage, à 30 jours en moyenne, la taille de portée est réduite à 6,2 lapereaux pesant chacun en moyenne 520 g. L'abattage se pratique aux environs de 76-77 jours pour des lapins pesant en moyenne 2,19 kg, après une perte déclarée en engraissement de 5,4%. A titre d'exemple dans un des élevages visités et de construction récente (1ères mises bas en juillet 2007) le poids moyen à la vente à 77 jours était de 2,37 kg sur 3 bandes consécutives. Compte tenu des différents chiffres annoncés, la productivité annuelle des élevages industriels correspond à 38-39 lapins vendus par lapine moyenne présente dans l'élevage.
La conduite en bande unique est pratiquée par quelques rares éleveurs, mais le système "tout plein-tout vide" n'est pas (encore) utilisé, mais certains devraient l'employer dès 2009.

 

Une partie de l'abattoir de El Jem avant sa mise en service
Carcasses de lapins sur la marché central de Tunis

Les structures d'abattage sont actuellement très "frustres" et relèvent généralement plus de la tuerie artisanale que l'abattoir agréé. Le GIPAC ne ménage pas ses efforts pour la mise en route d'abattoirs aux normes européenne, mais il y a encore du travail à faire. Il nous faut toutefois signaler un petit abattoir d'une capacité de 400 lapins/jour à Takelsa (Nord ouest du Cap Bon) et un autre ouvert très récemment à El Jem (à mi-chemin entre Sousse et Sfax), d'une capacité de 2400 lapins/jour. Un autre abattoir serait aussi en construction dans le nord du pays.
Enfin, la commercialisation n'est pour ainsi dire pas organisée. Ce sont généralement les éleveurs qui assurent la commercialisation de leurs animaux y compris l'acheminement jusqu'à l'abattoir. Les lapins sont vendus sur les marchés, aux hôtels et pour une part importante à l'armée tunisienne à la suite du contrat passé par le GIPAC avec les autorités militaires. A titre d'information, une carcasse de lapin valait en avril 2008 environ 7 Dinars le kg au détail soit environ 4,00 Euros (3 D /kg départ élevage soit 1,69 Euros), alors que le poulet PAC valait au même moment 4 Dinars / kg soit environ 2,25 Euros.

 

Les bâtiments des élevages industriels et leur équipement   Les bâtiments employés pour l'élevage des lapins sont souvent des bâtiments réutilisés avec plus ou moins d'aménagements : anciens poulaillers, granges, .... Pour les 97 élevages enquêtés, la surface moyenne est de 377 m², soit 2,7m² par lapine reproductrice avec sa suite. La couverture est soit en voûte (45%), soit en dalle-terrasse (37%), soit en toit à 1 ou 2 pentes généralement couvertes avec du fibrociment (18%). Il faut noter que les bâtiments avec une toiture en voûte donnent une bonne ambiance dans les cellules, mais obligent à placer des rangées de piliers dans les cellules.
Bâtiment avec toiture en voûte Bâtiment avec toiture en voûte Voûte vue de l'intérieur Bâtiment avec toiture en voûte Bâtiment avec toiture en voûte
La présence des voûtes oblige à avoir des piliers dans les cellules Bâtiment ancien réutilisé (datant de l'époque coloniale) Cellule de maternité dans un bâtiment ancien Une curiosité : un bâtiment des années 80 avec 2 étages d'élevage en fosses 1/2 profondes et l'habitation de l'éleveur au dessus
    Tous les élevages industriels utilisent des cages grillagées, mais les matériels sont assez variés, essentiellement en fonction de l'ancienneté de l'élevage. Globalement 89% des élevages utilisent des cages classique type maternité et type engraissement bien distinctes, tandis que 8% utilisent des cages polyvalentes maternité & engraissement. Ce sont les élevages les plus récents. Enfin 3% des élevages utilisent les deux types de cages. Les cages polyvalentes sont le plus souvent de type semi-californien avec les cages mixtes maternité & engraissement au niveau inférieur et des cages d'attente & engraissement au niveau supérieur. Dans les élevages plus anciens, la disposition la plus fréquente est le flat deck, avec parfois des engraissements sur deux niveaux en semi-californien.
Selon l'enquête conduite dans les 97 élevages, dans 58% des cas les cages de maternité sont équipées de boites à nid en bois (contreplaqué). Celles-ci ont le principal inconvénient d'être très difficilement désinfectables et parfois de pouvoir être dégradées par des lapines aimant bien ronger. Pour les autres élevages, 21% ont des boites à nid en métal, 17% ont en mélange des boites à nid métalliques (galvanisé) et en bois et 4% ont des boites à nid en plastique (celles des cages polyvalentes ?). Quelque soit le type des boites à nid, toutes sont garnies de copeaux pour permettre aux lapines d'y faire leur nid. Lors de nos visites nous avons constaté que leur hygiène est le reflet de l'hygiène général de l'élevage.
   
Les élevages industriels sont tous équipés de cages grillagées mais de modèles assez variés.  
Cages en disposition semi-californienne, maternite/engraissement au niveau inférieur et attente/engraissement au niveau supérieur Cages de maternité en flat deck avec boites à nid métalliques
Cages polyvalentes, cloison de "boite à nid" rétirée ou en place. Remarquer les mangeoires avec réhausseurs métallique Maternité en flat deck avec boites à nid en bois Maternité en flat deck dans le bâtiment à 2 étages
Dans cet élevage le nettoyage courant des boites à nid, comme celui des cages, laissait à désirer En bois, les boites à nid sont difficiles à désinfecter. L'entretien courant des nids doit alors être très rigoureux

En Tunisie, il convient d'utiliser des cooling systèmes fortement dimensionnés
  Dans les 6 élevages que nous pu visiter, les bâtiments étaient équipés de ventilations par extraction et de dispositifs de refroidissement de l'air pour la période estivale, de type cooling système en général. Par contre, nous n'avons vu aucune distribution automatique d'aliment. Dans les élevages les plus récents, les cages sont bien prévues pour recevoir une alimentation automatique, mais l'aliment est distribué à la main dans les mangeoires munies de réhausseurs.
  Pour la fourniture d'aliments il existe 5 usines principales pouvant fournir des aliments granulés en principe complets et équilibrés, prévus pour différentes catégories de lapins. Les matières premières utilisées pour fabriquer ces aliments sont pratiquement toutes importées, aussi lors de notre visite en avril 2008 l'un des plus gros problèmes de la cuniculture tunisienne était l'envolée des prix de ces matières premières sur le marché international. En outre le tonnage d'aliment pour lapins étant faible par rapport à celui destiné aux autres animaux de rente, les responsables des usines ne portent pas tous leurs effort pour assurer une qualité irréprochable des aliments pour lapins qu'ils commercialisent, en particulier au niveau des fibres (teneur et nature).
Dans ce contexte, 13% des éleveurs utilisent un seul type d'aliment, 43% utilisent deux types d'aliment (maternité et engraissement) et enfin 44% utilisent 3 types d'aliment (maternité, périsevrage et engraissement).
   
   
Mangeoire avec réhausseur placée entre deux cages Mangeoires à réserve placées en façade des cages L'aliment est systématiquement distribué à la main Les éleveurs ont les choix entre plusieurs fournisseurs d'aliment
L'absence de gestion technico-économique est l'un des points faibles de la cuniculture commerciale tunisienne   La gestion des élevages est assurée avec des fiches femelles et des cahiers d'élevage où sont enregistrés les événements quotidiens. Il n'existe aucun système de gestion technique centralisé, ce qui limite les possibilités d'analyse réelle des performances des différents élevages.
Il serait nécessaire que soit mis en place dans le pays un système de gestion technico-économique centralisé qui fait actuellement totalement défaut. Une analyse élevage par élevage puis globale des informations ainsi récoltées serait un vecteur puissant de progrès tant techniques qu'économiques pour les élevages industriels qui ont déjà acquis beaucoup des éléments nécessaires à une réelle progression des performances.
 
Exemple de fiche femelle, avec les inévitables "pollutions" par les mouches Fiche femelle placé hors d'atteinte d'une lapine particulièrement "rongeuse" Ancien planning casier utilisé comme étagère pour cahiers d'élevage Exemple de cahier d'élevage (ici sevrage d'une bande de 586 lapereaux)

 

Peu d'informations sur l'élevage familial  

Comme mentionné plus haut la production familiale de lapin est probablement sous-estimée, mais il est difficile de savoir dans quelle mesure. La productivité annoncée (tableau 1) de 12,8 kg de carcasse par femelle et par an (environ 10-12 lapins bons à abattre par lapine et par an) est cohérente avec les valeurs annoncées pour les élevages familiaux des autres pays du Maghreb.

Un certain nombre d'éleveurs entretiennent les lapins dans une cour fermée, souvent avec les autres animaux de la basse-cour. La reproduction y est peu ou pas contrôlée. Les lapins creusent des terriers ou au moins des abris sous les murs ou les constructions présentes dans la cour. Les mises bas se font dans ces cavités. L'alimentation fait appel à un peu de céréales, des issues de meunerie, les déchets de la cuisine et des fourrages distribués verts ou secs en fonction des disponibilités. De l'eau de boisson est en principe distribuée régulièrement. Pour limiter la consanguinité, ces éleveurs achètent ou échangent de temps en temps un mâle avec un voisin.

D'autres éleveurs, surtout dans le centre et le sud du pays (Bergaoui, 1992), entretiennent leurs lapins dans des puits similaires à ceux décrit pour la cuniculture familiale du Maroc (voir l'article). Comme l'ont signalé Finzi et collaborateurs en 1988, ces élevages en puits sont souvent "oubliés" lors des enquêtes officielles, les éleveurs n'étant pas enclins à montrer leur "réserve de lapins vivants". En effet dans ce système d'élevage, la production n'est pas du tout contrôlée et, de temps en temps, l'éleveur y puise, au sens propre du terme, quelques lapins pour la consommation familiale ou des échanges. Dans ces puits, l'alimentation est de même nature que celle mise en œuvre pour l'élevage "en surface" dans des cours.

   
Quelques exemples d'élevages familiaux visités lors de notre séjour en Tunisie  
Exemples d'élevage dans des cours Les lapins creusent des abris sous les murs en général Dans les cours, les lapins cohabitent avec les volailles
Exemple d'abri creusé par les lapins, sous un mur. Distribution de fourrages au sol (non recommandé) Les raquettes de cactus (Opuntia ficus var. inerme) sont utilisées aussi comme fourrage Eleveur présentant l'un de ses lapins
   

En conclusion de cette semaine cunicole en Tunisie, les auteurs considèrent que ce pays dispose de plus que de bonnes bases pour que sa cuniculture industrielle puisse prochainement prendre un développement important. Toutefois, cela nécessitera en particulier la mise en place d'une gestion technico-économique nationale des élevages cunicoles industriels et la conduite d'un réel programme de sélection organisé à partir des lignées existant déjà dans le pays.

 

   

Pour en savoir plus : La liste des références utilisées pour cet article est diponible d'un simple clic

 

 
 
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