partie 1- 2 - 3

 

2 - Origine du lapin et domestication (Suite)
 

2.1.3. Les débuts de l'élevage en clapier
On possède peu d'informations sur le mode de gestion des garennes et l'élevage des lapins au Moyen Âge. En effet, comme les textes religieux, tous les textes profanes étaient manuscrits et généralement limités aux textes juridiques et à quelques poèmes. L'invention de l'imprimerie par Gutenberg en 1453 et sa rapide généralisation entraîna cent ans plus tard une très large extension des sujets abordés. La période 1550 - 1630 vit ainsi la multiplication des traités d'agriculture dans les différents pays d'Europe. Dans ces traités, l'élevage des lapins (on les appelait encore connins en France) y est généralement abordé plus ou moins en détail.

Ainsi dans son "Théâtre d'Agriculture et Mesnage des Champs" publié en 1605 Olivier de Serres décrit avec force détails la construction et le mode de gestion des garennes qu'il est vivement conseillé de clore par un haut mur (2,5 à 3 m + une fondation de 1 m) ou un large fossé rempli d'eau (3 m de large). Il fait également mention des lapins de clapier, destinés dans son esprit à fournir les lapins de la garenne, mais donne moins de détails. Toutefois il précise que pour la reproduction en clapier il est conseillé de loger chaque femelle et chaque mâle dans des loges bien séparées (avec une petite cour extérieure pour l'exercice et une aire d'alimentation) et munies d'une bonne porte pour permettre à l'éleveur d'y accéder. Pour la reproduction elle-même, il conseille de porter la femelle dans la case du mâle, de pratiquer cet accouplement immédiatement après la mise bas, de le surveiller, puis de ramener immédiatement la lapine avec ses petits. Autrement dit, Olivier de Serres conseillait il y a 400 ans déjà de faire faire les saillies "post partum" et de conduire les lapins de clapier adultes en cages individuelles.

Le mode de gestion des lapins de clapier et leur relations avec les lapins des garennes est fourni avec un peu plus de précisions dans l'ouvrage de Charles Estienne écrit en latin en 1554 Praedium rusticum, traduit, complété puis publié par son gendre Jean Liébault en 1625 sous le titre "L'Agriculture, Maison rustique". Il y est aussi expliqué que l'élevage en clapier a pour objectif principal de compléter la gestion de la garenne. Effet, tout comme O. de Serre (1605), ces auteurs de la fin du 16ème - début du 17ème siècle expliquent qu'en clapier, une femelle peut réaliser une portée tous les mois, alors que dans une garenne on ne peut compter que sur 3 à 4 portées par an. Les mâles doivent être élevés dans des cases particulières (individuelles). Immédiatement après le constat de la mise bas, les femelles sont conduites pour accouplement dans la loge du mâle, puis rapidement doivent être ramenées avec leurs petits. Là aussi, la "saillie" post-partum est la méthode de reproduction conseillée pour les lapins de clapier. La proportion conseillée est de 1 mâle pour 8 ou 10 femelles, comme c'est toujours le cas de nos jours pour la saillie naturelle

 

Figure 20 : Début du chapitre consacré à la Garenne dans l'ouvrage d'Olivier de Serres (1605) intitulé "Le Théatre d'Agriculture et mesnage des champs" et sa transcription moderne.

Chapitre complet
retranscrit
au format *.pdf 1425 Ko

Figure 21: Début du chapitre consacré à la Garenne dans l'ouvrage de Charles Estienne et Jean Liébault (1625) intitulé "L'Agriculture et Maison rustique"

Chapitre complet
au format*. pdf  790 Ko

 

Dans l'esprit des auteurs, le clapier a pour fonction de fournir les jeunes qui grandiront dans la garenne et y deviendront "sauvages". Il est par exemple conseillé d'installer le clapier juste à côté de la garenne close (terrain de 5 ou 6 arpents [2-3 hectares] clos de murs) et de ménager quelques petits passages entre le clapier et la garenne pour que le lapereaux puissent librement aller et venir entre la garenne et le clapier, tandis que les femelles trop grosses pour ces petits orifices sont confinées au clapier. En outre, les auteurs déconseillent formellement de placer des lapins "de clapier" adultes dans la garenne elle-même, car ces animaux "endormis et pesants" et peu accoutumés à ce milieu relativement hostile seraient rapidement victimes des animaux de proie qui fréquentent les garennes [malgré la présence des murs].

Si à l'évidence les lapins de clapier doivent être nourris par l'homme, il est conseillé de veiller aussi à l'alimentation de ceux de la garenne. Si la nature du lieu choisi pour implanter la garenne ne fournit pas naturellement assez de fourrages, il est conseillé d'y implanter de nombreux arbustes, dont des genévriers et des ronces ainsi que force liserons, choux, laitues, chicorées, chardons, navets, pois chiche et autres plantes semblables. Si les lapins sont particulièrement nombreux dans la garenne, il est conseillé en outre de semer chaque année dans cette garenne 1 ou 2 arpents d'avoine ou d'orge [entre ½ et 1 ha] qui serviront à la pâture des animaux. Pour les lapins de clapier, l'alimentation apportée est constituée des mêmes plantes auxquelles on ajoute de l'orge, de l'avoine, du son [de blé] et en Angleterre du foin de bonne qualité. O. de Serres, précise aussi que des branches de saule ou des sarments de vigne peuvent aussi être donnés aux lapins en période hivernale. A la lumière des connaissances du 21ème siècle, on peut souligner que cela constitue une bonne source de fibres, de lignine en particulier, à une période de l'année où la plus forte proportion de céréales dans l'alimentation des lapins, consécutive à la raréfaction des fourrages frais, rendait la ration moyenne plus (trop) pauvre en fibres.

Selon ces différents auteurs, une garenne bien gérée, disposant d'un clapier pour en assurer un peuplement maximum, peut produire "de 80 à 100 douzaines de lapins par an". Comme ils conseillent par ailleurs de mettre 4 douzaines de femelles pour peupler une garenne, cela donne une production (très) approximative de 20 à 25 lapins produits par an et par la lapine introduite. On a certes fait des progrès depuis cette époque avec 50 lapins produits par lapine et par an, mais pas autant que dans d'autres domaines comme la production laitière des vaches ou la culture du blé dont la productivité a été multipliée par 10 alors que celles des lapins ne l'a été que par 2 à 3.

 

 

2.1.4. - Des couleurs de plus en plus diversifiée, fixées chez le lapin
Ainsi à la fin du 16ème siècle, le mode d'élevage des lapins en clapier est assez bien établi et subira peu de transformation jusqu'au milieu du 19ème siècle. Les ouvrages d'agriculture de l'époque sont d'ailleurs régulièrement réédités et traduits dans plusieurs langues. Les lapins de clapier sont déjà différents des lapins de garenne, même si ces deux populations étaient en mélange partiel. Les lapins de clapier sont devenus rapidement plus gros que les lapins de garenne, leur alimentation étant mieux assurée au clapier que dans la nature et les éleveurs retenant les lapins les plus développés pour la reproduction.
Il faut aussi signaler un autre usage du lapin : avec la renaissance (15ème - 16ème siècle) des lapins sont aussi élevés comme animaux de compagnie compte tenu de la facilité avec laquelle ils s'apprivoisent. L'élevage en clapier est le moyen d'observer aisément l'apparition naturelle de variants de couleur, et il est alors facile de sélectionner des lapins ayant une couleur différente de celle des lapins sauvages (ayant eux un patron agouti à ventre blanc) et de les faire se reproduire entre eux pour "fixer" la couleur. Ces lapins "colorés" sont des curiosités et ce sont eux qui sont de préférence élevés dans les châteaux comme animaux de compagnie (ainsi la mode des "pet rabbit" ne date pas d'hier). Par exemple dans sa ballade 125, Charles d'Orléans (1394-1465) remercie au début du 15e siècle son cousin pour des lapins blancs qu'il a reçu :" Mon chier cousin, de bon coeur vous mercie des blancs connins que vous m'avez donnez "

Cette diversité de couleurs et de tailles est confirmée au 16ème siècle: ainsi Johan Agricola (1495-1555) mentionne l'existence en Allemagne de lapins blancs, noirs, pies (noir et blanc par grandes taches), et gris argenté (appelés "riches" en France). De son côté, Aldrovandi (1522-1605) s'émerveille de voir à Vérone en Italie des lapins domestiques quatre fois plus gros que les lapins sauvages. Cette diversité est aussi attestée dans de nombreux tableaux et dessins de l'époque (figures 22 à 29)

 
Figure 22 : Des lapins de plusieurs couleurs dans ce tableau de l'école Hedo (Japon) datant de la fin du 15e siècle Figure 23: Un lapin blanc et des lapins gris dans cette illustration des Heures de Sforza produites à Milan en 1590 Figure 24 : Un lapin agouti et 2 lapins blancs sur ce retable de l'église St Pierre de Hambourg peint par le Maitre Bertram en 1379-1383.(la création des animaux) . Figure 25 : Un lapin noir et blanc dans ce tableau de Vittore Carpaccio peint en 1505-1508 et représentant la présentation de Marie au Temple
Figure 26 Deux lapins dans l'intérieur d'une maison, dans ce tableau de Vittore Carpaccio peint en 1505-1508 et représentant la naissance de la Vierge Marie Figure 27 Un lapin noir et blanc (pie) dans cette illustration d'un manuscrit allemand du 15e siècle Figure 28 Un lapin blanc dans ce tableau de la Vierge au lapin, peint par Le Titien vers 1525-1530 Figure 29 Des lapins gris, beige, noir dans ce tableau de Jan Griffier de 1700, décrivant des lapins dans la vallée de la Tamise

 

 

2.2. - Développement de la production du lapin aux 18e et 19e siècles

2.2.1. Approfondissement des connaissances biologiques

Au cours du 18e siècle et de toute la première partie du 19e siècles les méthodes d'élevage pratiquées étaient celles décrites à la fin du 16e et au début du 17e siècle, pratiquement sans modification. Les ouvrages d'agriculture des auteurs de la renaissance étaient d'ailleurs régulièrement réédités. En plus, les auteurs anglais précisent dans l'intérêt économique de la production cunicole, les bénéfices complémentaires provenant de la vente des peaux de lapins et surtout de celle de leurs fumiers fort appréciés par exemple par les maraîchers et horticulteurs des environs de Londres. Au début du 18e siècle, selon les livres de compte de la maison du Roi, un lapin se vendait au détail à Paris environ 2 livres-tournois et 10 sols pièce (2,5 livres), voire 3 livres, alors qu'au même moment une livre de lard (490g à Paris) valait environ 1 livre-tournois et que pour cette somme on pouvait acheter environ 6 kg de pain blanc ou 10 à 12 kg de pain bis (consommation de 1 à 1,2 kg de pain par homme et par jour à l'époque). A cette même époque, un ouvrier qualifié touchait 20 à 30 sols par jour (1 à 1,5 livres tournois par jour) et un musicien de la chambre du Roi touchait de 2 à 5 livres-tournois par jour selon sa qualification. Autrement dit, seuls les gens riches pouvaient manger du lapin acheté sur le marché.

Marché aux volailles Estampe de F.Quéverdo

Au cours de cette période de nombreuses personnes, des "savants", ont cherché à décrire la biologie des animaux et celle du Lapin en particulier avec l'espoir fondé que ces meilleures connaissances permettraient une meilleure valorisation de l'animal. En effet, des auteurs comme Mortimer en Angleterre (The Whole art of Husbandry, 1707) soulignent l'intérêt économique qu'il y a à élever des lapins en claustration à proximité des grandes villes. Ces animaux doivent être logés confortablement bien au sec et au chaud si l'on veut éviter un arrêt de la reproduction en hiver, qui est la meilleure période pour les profits.
Parmi des auteurs ayant étudié la biologie, on peut citer par exemple Buffon en France qui décrit celle du lapin et du lièvre dans son Histoire Naturelle (1754). Une synthèse des connaissances de l'époque figure dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1765) ou dans le Dictionnaire Raisonné, Universel d'Histoire Naturelle de Valmont-Bomare (1800) pour ne citer que ceux-là. Il n'y est toujours décrits que 5 couleurs principales chez le lapin (gris sauvage avec des nuances plus ou moins foncées, blanc, noir, tacheté noir et blanc et riche). Vient par contre s'ajouter le lapin Angora qui existe dans les 5 couleurs précitées. Il est par ailleurs précisé que le lapin domestique est sensiblement plus grand que le lapin sauvage.

 
Figure 30 : Lapin sauvage, planche coloriée de Buffon (1754)
Figure 31 : Lapin domestique, planche coloriée de Buffon (1754). Il est représenté tacheté noir et blanc
Figure 32 : Lapin riche, planche coloriée de Buffon (1754). Ce lapin est à l'origine des tous les lapins argentés
Figure 33 : Lapin Angora, planche coloriée de Buffon (1754), dans sa variété blanche
 

Selon les constats de l'époque, les jeunes lapins domestiques peuvent commencer à se reproduire dès l'âge de 5 à 6 mois. La femelle, après une gestation de 30-31 jours, donne naissance à des portées comptant 5 à 6 lapereaux mais pouvant aller souvent jusqu'à 7 ou 8, voire 10. Elle est presque toujours en chaleur, ou du moins en état d'accepter le mâle, même si elle est déjà gestante; elle peut ainsi donner des petits tous les mois qu'elle allaite 21 jours. Les lapereaux commencent à sortir du nid à l'âge de 3 semaines et sont définitivement sevrés au plus tard à l'âge de 2 mois. La durée de vie des lapins domestiques est de l'ordre de 8 ou 9 ans, mais il est conseillé de ne pas conserver les lapines au-delà de 5-6 ans et les mâles un peu moins.

Autrement dit les connaissances de bases de la reproduction des lapins étaient bien établies dès le 18ème siècle. Il faut cependant apporter quelques nuances quant à la qualité des observations de l'époque. Par exemple le comportement des mâles est décrit comme agressif vis-à-vis des lapereaux au nid, alors que l'on a clairement démontré à la fin du 20e siècle que ce sont les femelles qui sont agressives vis-à-vis des lapereaux des autres femelles et non les mâles.
Les possibilités de croisement entre lièvres et lapins étaient encore discutées au début de 18e siècle, mais les travaux de Buffon ont clairement montré que si des lièvres et des lapins élevés ensemble pouvaient à l'occasion s'accoupler, il n'en résultait jamais rien. Les croyances de l'époque sur les possibilités de croisements interspécifiques n'étaient pas rares et Valmont-Bomare a cru utile de préciser que Mr De Haller a bien vérifié que les amours d'une poule et d'un lapin ne sont que les badinages d'un animal particulièrement sémillant. Le doute avait effet été semé par R.A. Ferchault de Réaumur (membre de l'Académie des Sciences) qui, au début du 18e siècle, avait observé ce qu'il a considéré comme des accouplements, entre un lapin et une poule. Cette observation a d'ailleurs été reprise et déformée dans le titre d'une ouvrage récent de G. Bresson (2001) malencontreusement intitulé Réaumur : le savant qui osa croiser une poule avec un lapin. (croiser veut dire qu'il y a eu des descendants, alors que seul des "accouplements" ont été observés sans aucun descendant, ce qui n'est pas du tout la même chose).

 
Figure 34 : Un lapin particulièrement sémillant peut poursuivre une poule de ses assiduités Figure 35: Il peut même tenter de s'accoupler, comme l'a vu Mr de Réaumur, mais cela ne donne pas de descendants ! ... Figure 36 : … pas plus que si un lapin s'accouplait avec une chatte. Figure 37 : Relation plus classique entre une chatte et un lapin
  Au début du 18e siècle certains auteurs écrivent que la lapine serait capable de superfoetation comme la hase (conduite de 2 gestations à des stades différents), mais moins souvent que cette dernière. On sait maintenant avec certitude qu'il n'en est rien et que sur ce point la reproduction de la lapine diffère fondamentalement de celle de la hase (femelle du lièvre).

Les gourmets de l'époque font peu de cas du lapin domestique et lui préfèrent très nettement le lapin sauvage généralement élevé dans les garennes. En effet, les lapins mangent différentes herbes et leur odeur éventuelle peut se communiquer à la viande. Ainsi selon ce qu'ils ont mangé les lapins ont une viande qui peut sentir le chou ou le thym et comme le lapin domestique mangeait beaucoup plus souvent du chou que du thym sa viande était considérée comme moins intéressante que celles des lapins élevés dans les garennes. Pour ces derniers les recettes sont nombreuses. Par exemple en 1777 dans son Histoire générale et économique des trois règnes de la nature, Pierre Joseph Boc'hoz mentionne 33 recettes pour accommoder le lapin contre seulement une quinzaine pour le lièvre (une ou deux seulement étant communes). Pour améliorer la qualité gustative de la viande des lapins il est conseillé de castrer les mâles pour obtenir une viande plus moelleuse. Cette technique se justifiait à cette époque, les lapins étant sacrifiés vers 5 mois, c'est-à-dire alors que la maturité sexuelle est atteinte depuis au moins 2 mois. Les travaux conduits en France dans les années 1990 ont montré qu'avec les techniques d'élevage et les souches actuelles, la castration ne présente plus aucun avantage.

  2.2.2. Nouvelles méthodes d'élevage et stabilisation des premières races pures au cours du 19e siècle.

Le 19e siècle a vu une modification profonde de la société, en Europe en particulier. Les populations rurales ont commencé à fortement migrer pour aller travailler dans les nouvelles industries urbaines. Dans le petit jardin souvent annexé à leur logement, les nouveaux ouvriers ont alors implanté des petits élevages de volailles et surtout de lapins. En effet ces animaux permettaient de valoriser les sous-produits de la cuisine et une partie de la production végétale des jardinets. Il n'était plus question de garennes, ni même d'élevage en grands enclos, la place manquait. Les lapins ont alors été élevés dans de petites cages dans un local annexe de la maison, voire dans le logement lui-même, comme l'attestent de nombreuses peintures de l'époque (figures 38 à 42)

 
Figure 38 : Enfants nourrissant les lapins devant leur cage - Tableau de J. F. Herring, milieu 19e siècle Figure 39 : Clapier en milieu rural. La fillette tient un lapin - Détail d'un tableau de J. L. Krimmel peint en 1812 Figure 40 : Enfants nourrissant les lapins devant leur cage - Tableau de Felix Schlesinger, fin 19e siècle Figure 41 : Enfant sortant un lapin blanc de sa cage - Tableau de R. Dadd peint en 1861
Figure 42 . Lapins élevés dans l'intérieur d'un fabricant de lacets d'Asnières sur Oise - Tableau de P. Soyer, fin 19e siècle Figure 43 : Scène de marché, légumes, volailles et lapins - Tableau de H. C. Bryant peint vers 1880 Figure 44 : La vendeuse de lapins (une mère et ses petits) - Gravure de H. Wolf, fin 19e siècle, réalisée aux USA Figure 45 : En Angleterre, vendeur ambulant de lapins déjà abattus - Dessin humoristique de T. Rowlandson daté de 1810
  En Angleterre, Dickson a publié dès 1824 dans son traité général d'élevage, toute une partie consacrée à la gestion des lapins et à la description des cages. Il fit à cette occasion ce qui est probablement la première description des cages en flat deck. Pour lui l'intérêt de ce type de cage était surtout de pouvoir facilement ramasser les crottes des lapins quasi "pures", ces dernières ayant à l'époque une bonne valeur marchande. A la fin du siècle, toujours en Angleterre, Morant (1883) formalisa la description de la cage qui depuis porte son nom. Il s'agit d'une cage à fond grillagé que l'éleveur met sur une prairie et qu'il déplace 2 fois par jour afin que les lapins qui y sont logés broutent l'herbe directement. Ce type de cage a été repris et amélioré à la fin du 20e siècle dans le cadre de la production de lapins biologiques ou élevés sur prairie.
 
Figure 46 : Schéma de cage Morant classique Figure 47 : Schéma de cage Morant parallélépipédique Figure 48 : Vue intérieure d'une cage Morant montrant le fond grillagé et l'herbe Figure 49 : En 1999 Cage Morant moderne utilisée dans un élevage "Bio" en France
 


Dans les ouvrages de l'époque comme celui de Max Desaive publié à Liège (Belgique) en 1842, il n'est plus recommandé de laisser aux lapines le loisir de faire une portée tous les mois. Les conseils concernant la gestion de la reproduction sont plus pondérés : saillie entre 3 à 5 semaines après la mise bas, sevrage entre 6 et 8 semaines, réduction de la taille de portée à 6 lapereaux dès la naissance par retrait des mâles (ce qui implique que les éleveurs savaient sexer à la naissance). On est en droit de penser que ces recommandations, qui d'ailleurs seront suivies pendant plus d'un siècle jusqu'à la fin des années 1950, correspondent à des lapins un peu moins bien nourris qu'avant. En effet une lapine gestante et allaitante avorte rapidement si elle allaite une portée nombreuse et n'est pas simultanément bien nourrie (Adams 1967). Parallèlement, l'âge de mise en reproduction est reculé de 5-6 mois à 8 mois. Ces limitations au rythme de reproduction et à la taille des portées conduisent à des productivités estimées à 25 lapins produits par lapins et par an (Desaive 1842), soit à peu près ce qui était annoncés 3 siècles plus tôt par O. de Serre (1606) ou Estienne et Liébault (1625) pour un élevage en garenne.

Les peaux produites par tous ces lapins sont généralement récupérées par les chiffonniers et "marchands de peaux de lapins " qui passent régulièrement collecter les peaux issues des élevages des particuliers. Ainsi Desaive (1842) mentionne que la chapellerie française consommait à l'époque 15 millions de peaux par an (le poil étant utilisé pour fabriquer le feutre), sans compter les peaux utilisées en tant que fourrure. Il mentionne aussi que les peaux des lapins Angora, à la fourrure aux poils longs et soyeux avec des nuances de gris argenté et d'ardoise précise-t-il, se vendaient deux fois plus cher que les peaux de lapins ordinaires. On doit remarquer que cette pratique la production de fourrure de lapin à poils longs fournie par des Angoras a aujourd'hui totalement disparu. Les lapins Angoras ne sont plus exploités que pour la production de poils, aujourd'hui beaucoup plus importante par animal et par an (1 à 1,5 kg) qu'elle ne l'était au 18e et au 19e siècle (250-300 g/an). Il est plausible que la disparition de la production de fourrure d'Angora soit associée d'une part à un prix du poil Angora relativement plus rémunérateur que celui de la fourrure et d'autre part à la difficulté technique qu'il y a à tanner les peaux d'Angora sans feutrage du poil.

 

 

2.2.3. Les créations de races de lapins
La deuxième moitié du 19e siècle a été celle des premières créations de races de lapins au sens où on l'entend aujourd'hui (stabilité du format, de la conformation et du patron de coloration). En 1842 Desaive mentionne l'existence dans la région de Gand (Flandres belges) de "lapins d'un volume extraordinaire obtenus par des croisements habiles et une nourriture abondante". Il conseille d'ailleurs la diffusion de ces lapins dans toute la Belgique où, dit-il, ils devraient réussir parfaitement.

En fait, il fait une première mention de ce qui sera rapidement connu à travers le monde comme le lapin Géant des Flandres. A la fin du siècle plusieurs dizaines de races sont déjà stabilisées tant pour a production de viande (Géant des Flandres, Bélier Français, …) que pour le plaisir de sélectionner (comme le Bélier Anglais avec ses oreilles démesurées ou même le Noir et Feu). Quelques unes de ces races, présentes par exemple en Italie au tout début du 20e siècle, sont représentées sur les figures 50 à 57.

 
Figure 50 : Géant des Flandres - dessin de Faelli publié à Milan en 1905 Figure 51 : Bélier Français - - dessin de Faelli publié à Milan en 1905 Figure 52 : Lapin Gris Argenté - dessin de Faelli publié à Milan en 1905 Figure 53 : Lapin Himalaya (en français Russe) - dessin de Faelli publié à Milan en 1905
Figure 54 : lapin Angora - dessin de Faelli publié à Milan en 1905 Figure 55 : Bélier Anglais
- dessin de Faelli publié à Milan en 1905
Figure 56 : Lapin Noir et Feu
- dessin de Faelli publié à Milan en 1905
Figure 57 : lapin Brun Argenté
 
Suite de l'Historique de la Domestication et de l'Elevage  
  retour au plan
 
retour haut de page