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3. - Au 20e siècle : passage de l'élevage de tradition à l'élevage rationnel

 

  3.1. Au début du siècle un gros effort de création et de stabilisation des races pures
Les deux guerres mondiales qui se sont déroulées au cours de la première moitié du 20e siècle ont été l'occasion de re-développer en Europe l'élevage de type familial de type autarcique en se basant sur les traditions bien établies. Pendant la guerre de 1914-1918, pour stimuler l'élevage des lapins, en Angleterre fut institué par exemple une dotation en son de blé pour toutes les personnes déclarant élever des lapins. Entre les 2 guerres certains éleveurs ont formalisé et structuré les méthodes d'élevage. On a ainsi vu se monter quelques grandes unités de production bien organisées (quelques centaines de mères). Les écoles de formation agricole se sont dotées d'un clapier modèle servant à apprendre aux jeunes, aux jeunes filles en particulier, comment bien élever les lapins. Par contre les méthodes d'élevage étaient globalement celles mises au point au cours du 19e siècle.
 
Figure 58 : cages placées dans bâtiment dans un élevage pilote en 1925 Figure 59 : clapier en bois avec porte grillagée encore employé au milieu du 20e siècle, en élevage familial Figure 60 : clapier en plaques de béton employé au milieu du 20e siècle, en élevage familial ou de production Figure 61 : clapier en plaques de béton employé au milieu du 20e siècle, en élevage familial ou de production
 

Si les méthodes d'élevage elles-mêmes ont peu évolué au cours de cette période, les éleveurs sélectionneurs "amateurs" ont créé à cette époque de nombreuses races par des croisements bien organisés. Par exemple le Géant Blanc du Bouscat est présenté pour la première fois en France en 1910, le Blanc de Vienne (yeux bleus) a été présenté la même année en Autriche après un travail de sélection à partir de lapins de type "Hollandais". Aux USA, les animaux à l'origine du Néo Zélandais Blanc sont présentés au tout début du 20e siècle, ils étaient alors colorés. Il a fallu attendre 1925 pour que le standard officiel américain soit adopté pour le "New Zealand White". Les premiers sujets de ce qui sera le Californien sont présentés en Californie (USA) en 1923 et le standard officiel ne sera établi qu'en 1939. Au milieu du 20e siècle les standards de race des différents pays européen ou des USA comptaient chacun 30 à 40 races pures, certaines ayant de nombreux variants colorés, ce qui représentait déjà 60 à 80 races fixées au total. Ce chiffre a depuis continué à s'accroître.

Pour les lapins les plus grands (5-7 kg) ou de taille moyenne (4-5 kg adulte), la sélection avait généralement la production de viande comme objectif principal, mais en privilégiant la masse et la conformation corporelle sans tenir grand compte des capacités productives (reproduction). Par contre pour les lapins de petit format et quelques unes des races moyennes, l'objectif de la sélection était surtout la création et la stabilisation de lapins de couleurs aussi variées que possible ou de conformation originale. Dans leur très grande majorité, les éleveurs intéressés surtout par la production de lapins destinés à l'abattage familial ou commercial, utilisaient des lapins dits "communs". Le phénotype de ces derniers variait d'une région à l'autre, d'un pays à l'autre, mais ils étaient plus ou moins régulièrement croisés avec des lapins de race pure pour "améliorer la souche".

 

  3.2. A partir des années 1950 -1960 : mise en place d'un élevage cunicole moderne basé sur l'exploitation des connaissances scientifiques

En mars 1928 les USA ont créé le premier (et unique) centre fédéral de recherche spécifique au lapin à Fontana (Californie) grâce au don du terrain et à l'attribution d'une somme de 30 000 $US par un généreux éleveur du comté. Il a fonctionné jusqu'en 1965 date à laquelle il fut fermé pour cause de restrictions budgétaires : les USA ne pouvaient assurer simultanément un effort de guerre au Vietnam et des recherches sur la lapin (!!). La station fut définitivement fermée et transformée en maison de retraite.
Les travaux qui y ont été conduit pendant presque 40 ans ont été publiés surtout dans les années 1950 et au début des années 1960. Ces travaux et ceux des éleveurs avec lesquels ils oeuvraient, ont fourni 3 éléments qui sont devenus les éléments initiaux de l'élevage moderne :

  1. l'élevage sur grillage qui limite fortement l'incidence de la coccidiose.
  2. l'alimentation granulée qui permet de fournir une ration complète dans laquelle les lapins ne peuvent trier
  3. les lapins de race Néo Zélandais Blanc et Californien sélectionnés pour leur productivité et pouvant être élevés sur grillage.
 
Figure 62 : Lapin Néo Zélandais Blanc, l'une des origines des lignées spécialisées actuelles Figure 63 : Lapin Californien, l'une des origines des lignées spécialisées actuelles
Figure 64 : lapereaux de boucherie issus du croisement entre lignées spécialisées Figure 65 : Intérieur d'un élevage moderne de lapins (2005)
Figure 66 : Tout ce qui reste en Californie de la Station de Fontana : une plaque commémorative !

 

 

L'élevage actuel du lapin s'est développé à partir de ces éléments valorisés en Europe à partir du tout début des années 1960. Des travaux de recherche spécifiques ont été conduits en France (à l'INRA) dès cette époque et également dans les Universités italiennes, puis rapidement en Belgique, en Espagne et enfin dans un grand nombre de pays de l'Europe de l'Ouest. Des travaux ont également été conduits dans l'Ex-URSS ainsi qu'en Hongrie et en Pologne. L'intérêt de la Chine pour la production du lapin et la création de centres de recherches spécialisées ne date que des années 1980.

 

Pour les étapes de cette deuxième moitié du 20e siècle, les principaux événements clé peuvent être présentés comme suit, de manière à peu près chronologique :

  • 1952 : introduction de la myxomatose en France et généralisation à toute l'Europe. La conséquence est une accélération de la disparition des élevages familiaux et des petits élevages qui n'utilisent pas le vaccin efficace rapidement mis au point. Depuis cette date la myxomatose est entretenue là où existent des lapins sauvages (transmission par les insectes piqueurs à partir des porteurs sains). Pour les éleveurs professionnels cet épisode n'est qu'une péripétie (vaccination efficace), mais pour les petits éleveurs et les chasseurs c'est une catastrophe. La disparition des élevages familiaux crée une demande plus forte pour des lapins produits dans des unités spécialisées.
  • au cours des années 1960 et début 1970 définition du type de grillage qui convient le mieux au sol des cages destinées aux lapins et adoption généralisée de l'élevage sur grillage. Les cages désormais entièrement grillagées sont placées dans des bâtiments qui doivent être correctement conditionnés, la cage elle-même et l'absence de litière ne fournissant plus de protection aux animaux.
  • fin des années 1960 : redécouverte des possibilités de fécondation post partum (immédiatement après la mise bas, comme dans la nature) et de la capacité des lapines à conduire simultanément une gestion et une lactation. Les éleveurs passent brutalement d'un sevrage à 6-8 semaines avec saillies après le sevrage, à des saillies post partum et un sevrage à 28 jours.
  • fin des années 1960 - début des années 1970 en France puis en Espagne : début de la sélection de lignées spécialisées destinées à la production de lapins de chair par croisement systématique et utilisation d'un schéma génétique pyramidal où la sélection ne se fait plus dans l'unité de production, mais dans des unités spécialisées.
  • Courant des années 1970 et début des années 1980 : développement des élevages en batteries superposées sur 2, 3 voire 4 niveaux et plus. La justification était de valoriser au mieux le volume intérieur des bâtiments. Ce type d'installation est rapidement abandonné l'élevage y étant trop mal maîtrisé (pénibilité du travail, surveillance difficile, ventilation, chauffage et éclairage corrects impossibles à assurer à tous les niveaux)
  • au milieu des années 1970 démonstration du besoins en acides aminés indispensables et de la régulation énergétique de l'ingestion. Début de la formulation d'aliments granulés particuliers en fonction du stade de production des lapins (aliments de reproduction, d'engraissement, …).
  • Au cours des années 1970, démonstration du mécanisme de formation des crottes dures et molles lors du fonctionnement de la caecotrophie (rôle du côlon, taille des particules, temps de séjour digestif, …), point des départ des travaux permettant d'analyser correctement le rôle des fibres dans la santé digestive des lapins et de proposer le concept actuel de besoins en fibres.
  • Synthèse par l'industrie pharmaceutique au début des années 1970 du premier analogue de Gn-RH permettant entre autres choses de faire ovuler les lapines lors de l'insémination artificielle sans provoquer d'accoutumance ni de phénomène immunitaire.
  • Courant des années 1980, abandon progressif des saillies post partum remplacée par la pratique des saillies 8 à 10 jours après la mise bas et début de la conduite des lapines en groupes de reproduction permettant des adoptions et des égalisations de portées.
  • Dans les années 1980 à la suite des premiers travaux allemands prouvant les possibilités d'utilisation des analogues de Gn-RH à long terme sans restriction, développement rapide de l'insémination artificielle dont la technique était connue depuis 20 ans, mais pour laquelle il n'avait pas été encore trouvé de moyen simple et fiable pour provoquer l'ovulation.
  • Au cours des années 1990 généralisation de l'usage de l'IA dans les élevages européens de production, création de centres d'insémination artificielle en particulier en France et en Espagne et utilisation de plus en plus fréquente de la reproduction en bande unique : toutes les lapines de l'élevage sont inséminées le même jour,
  • La conséquence de cette gestion de la reproduction en bande unique est que tous les lapins sont vendus à l'abattoir le même jour. Ceci a entraîné une modification des relations entres éleveurs et abattoirs puisqu'il doit y avoir une organisation permettent aux abattoirs de fonctionner en continu sur la semaine alors que chaque élevage ne fournit des lapins qu'une fois tous les 6 semaines en général.
  À partir de ce point il ne s'agit plus de décrire l'histoire de l'élevage du lapin mais de présenter son état actuel, et comme l'écrivait Kipling "Ceci est une autre histoire" . Cet état actuel fait l'objet des grands chapitres consacrés aux différents types d'élevage.
   
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