L'élevage professionnel des Lapins
Quelques bases scientifiques et techniques
par François Lebas

Quelques comportements du lapin
et leurs conséquences sur les méthodes d'élevage

mis en ligne le 5 septembre 2009

- Législation et comportement
      Vocabulaire
      Législation
 
- Lapin domestique et son ancêtre sauvage
     
Le lapin et l'homme
 
- Les organes des sens
      3.1 la vue
      3.2 l'ouïe
      3.3 l'odorat
      3.4 le toucher
      3.5 le goût
 

- Les comportements de l'individu
      4.1 alimentation et boisson
      4.2 la locomotion
      4.3 grattage et creusement

 
  

 

 

 

1- Législation et comportement

Un point de vocabulaire : Le « BIEN-ÊTRE » est un sentiment, une impression. Chez l’homme il correspond à une bonne adéquation entre un état, une situation et une attente de la part de l’homme vis-à-vis de cette situation. Ce qui engendre le bien-être n’est pas le même pour tous les hommes.
Or nous n’avons aucune moyen de connaître les sentiments des lapins s’ils existent, ni de savoir ce qu’ils considèrent comme bien, moins bien ou franchement détestable. Pour l’instant la notion de bien-être des animaux est une vision anthropomorphique. Il faut donc l’éviter.

Il semble nettement préférable de lui substituer le concept de BIEN TRAITANCE qui définit ce que l’homme doit faire pour respecter l’animal qu’il élève. La notion de Bien-Traitance s’oppose ainsi à la notion de Mal-Traitance. Cette dernière est d’ailleurs prévue par les textes réglementaires, contrairement au « mal-être ».

RÉGLEMENTATION
En premier lieu il convient de préciser qu’il n’existe en France aucune législation spécifique en matière de bien-être ou de bien-traitance du Lapin.
Des textes sont en discussion au niveau européen mais aucun texte officiel n’a encore été adopté, bien que le sujet soit traité depuis plusieurs années (NB sitôt les textes disponibles , ils seront repris ici). Par voie de conséquence, l’élevage et la détention de lapins de manière générale, sont simplement régis par les règles générale du code rural. En particulier son article L214
.

Cet article L214, relatif à la protection des animaux, précise les droits et les devoirs concernant les animaux, en particulier (voir encadré ci dessous)


Extrait du CODE RURAL français

Partie législative
Livre II : Santé publique vétérinaire et protection des végétaux
Titre Ier : La garde et la circulation des animaux et des produits animaux
Chapitre IV : La protection des animaux
Article L214 créé par Ordonnance 2000-914 2000-09-18 art. 11 I, II JORF 21 septembre 2000

Article L214-1 :Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce.

Article L214-2 : Tout homme a le droit de détenir des animaux dans les conditions définies à l'article L. 214-1 et de les utiliser dans les conditions prévues à l'article L. 214-3, sous réserve des droits des tiers et des exigences de la sécurité et de l'hygiène publique et des dispositions de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Les établissements ouverts au public pour l'utilisation d'animaux sont soumis au contrôle de l'autorité administrative qui peut prescrire des mesures pouvant aller jusqu'à la fermeture de l'établissement, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées au titre de la loi précitée. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article et de l'article L. 214-1.

Article L214-3 :Il est interdit d'exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques ainsi qu'envers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les mesures propres à assurer la protection de ces animaux contre les mauvais traitements ou les utilisations abusives et à leur éviter des souffrances lors des manipulations inhérentes aux diverses techniques d'élevage, de parcage, de transport et d'abattage des animaux. Il en est de même pour ce qui concerne les expériences biologiques médicales et scientifiques qui doivent être limitées aux cas de stricte nécessité.

L’article L214 du code rural contient au total 24 rubriques différentes (l'article L214-5 a été abrogé le 8 décembre 2006)- Pour ceux qui veulent connaître toute la loi et pas seulement quelques éléments, il est possible d'accéder à l'article L 214 en entier en cliquant sur le bouton ci-après (source : www.legifrance.gouv.fr)
rappel : nul n'est censé ignorer la loi, toute la loi, et chacun sait qu'une partie de la vérité n'est pas LA vérité


Compte tenu de ces dispositions légales il est nécessaire de connaître le mieux possible les impératifs biologiques du lapin domestique, en particulier ses différents comportements pour en tenir compte dans la manière de l'élever. C'est l'objet de ce chapitre. Même si parfois il y sera fait appel au comportement du lapin sauvage (= de garenne) car mieux étudié pour certains comportements, ce chapitre concerne d'abord et avant tout le lapin domestique.

 

2 - Lapin domestique et son ancêtre sauvage

Rappel : le lapin n’est domestiqué que depuis peu de temps : environ 400-500 ans (en gros 400 générations) alors que la majorité des autres animaux d’élevage sont domestiqués depuis 5 000 à 15 000 ans (soit 2500 à 6000 générations). - voir la partie historique de la domestication -

Plusieurs équipes de chercheurs se sont penchées sur l’éthogramme comparé du lapin de garenne et du lapin domestique(éthogramme = liste de comportements avec leur quantification). Elles ont toutes la même conclusion : les deux types de lapins ont le même répertoire comportemental.
La domestication s’est donc faite sans pertes, ni gains de types de comportements, mais la fréquence, l’intensité ou la durée de beaucoup de comportements ont été modulées et cela de manière éventuellement propre à chaque type génétique (race, souche,…). Ceci fait qu'au plan pratique un lapin domestique ne peut être considéré de la même manière qu'un lapin de garenne. Très globalement les comportements liés à la reproduction ont été exacerbés par la domestication (effet de la sélection par les éleveurs), tandis que la sensibilité aux modifications de l'environnement ont été atténuées : près de l'homme protecteur, il y a moins de raisons "d'avoir peur".

Le lapin et l’homme

Pour le lapin de garenne, l’homme est considéré comme un prédateur . Par voie de conséquence, si un homme est détecté dans l’environnement proche du lapin celui-ci fuit, si possible dans son terrier.

Chez le lapin domestique ce réflexe a été presque totalement aboli, mais le lapin reste quand même un être hypersensible à toute variation brutale de son environnement et donc à l'apparition brutale d'un homme. Ce qui peut le déranger c'est le "brutal", pas l'homme en lui même.
Le lapin domestique continue en effet à chercher à fuir si un homme apparaît brusquement dans son environnement . Il faut donc toujours prévenir les lapins de sa présence. Cela revient à dire qu'en entrant dans un élevage, il faut "dire bonjour" aux animaux à haute voix pour qu'ils sachent que quelqu'un arrive. Porter des vêtement toujours de la même couleur sera un petit plus, les lapins assimilant facilement la personne ainsi habillée à une situation normale non agressive.

De plus, plusieurs travaux de recherche ont clairement démontrée qu’un contact physique précoce des lapereaux avec l’homme (avant le sevrage), par exemple lors des manipulations nécessaires aux pesées, réduit l’hypersensibilité des animaux et améliore les performances ultérieures (en particulier meilleure croissance et réduction de la mortalité en engraissement). On peut penser que cela correspond à une moins grande fréquence de décharges d’adrénaline.
Ainsi, dans leur travail publié en 1996, Jiezierski et Konecka ont montré que des lapins manipulés tous les jours entre la naissance et 30 semaines
(pris à la main et caressés 1 à 2 minutes, puis reposés dans la cage) ont une meilleure croissance et sont moins malades pendant l'engraissement que les témoin non manipulés (tableau 1). Lors d'un test effectué en fin d'essai, les lapins qui avaient été manipulés se sont avérés plus actifs, plus hardis que ceux qui n'avaient pas été manipulés. En clair ils étaient habitués à la présence de l'homme.

Il n'est pas nécessaire que la manipulation soit effectuée tous les jours pour avoir un effet sur le comportement des lapins. En effet, Duperray et Adelis ont montré en 1992, que la simple manipulation au cours de leur 3ème semaine de vie nécessitée par l'identification et la pesée des lapereaux sous la mère, suffit à réduire la mortalité en engraissement, les animaux étant moins stressable après cette première manipulation précoce (figure 1)

Tableau 1 : Essai polonais de Jiezierski et Konecka (1996) sur 114 lapins manipulés ou non tous les jours de la naissance à 30 semaines
Figure 1 : Essai français de Duperray et Adelis (1992) sur 1256 lapins en engraissement classique. Effet d’une manipulation unique avant sevrage.

3 - Les organes des sens du lapin

Pour comprendre une grande partie des comportements il est nécessaire de connaître le fonctionnement des organes des sens des lapins. Tout comme l'homme, le lapin dispose de 5 sens :

Pour les relations avec l’environnement lointain :
la vue et l’ouïe
Pour les relations à courte et moyenne distance :
l’odorat et le toucher
Pour les relations de contact avec les aliments :
le goût

 

3.1 - La vue (pour en savoir un peu plus sur la vue chez le lapin, consulter le chapitre qui lui est consacré dans la partie biologie du lapin sur ce site)

Pour le lapin la vue est surtout un système d'alerte. Compte tenu de la position des yeux , un lapin a une vision à 360° . En outre en raison de cette position très externe des yeux, le lapin voit aussi au dessus de sa tête. En effet dans la nature le lapin a autant à craindre de ce qui peut courir sur le sol que de ce qui peut venir des airs

Quand le lapin est tranquille, chaque œil "travaille" indépendamment de l'autre et fournit donc au cerveau de l'animal deux images correspondant l'une à l'espace situé à droite et l'autre à celui situé à gauche de sa tête. En cas d'alerte seulement, il cherche à avoir une image binoculaire lui donnant la possibilité d'évaluer la profondeur de champ et la distance à laquelle se trouve l'image l'ayant inquiété, qu'elle soit initialement devant, derrière ou au-dessus de lui. Compte tenu d'une relativement faible densité des cellules sensibles à la lumière sur la rétine, l'image créé reste de toutes manières floue. En fait, le lapin est plus sensible au mouvement des choses qu'à leur forme : un objet parfaitement immobile n'est en principe pas dangereux, alors qu'un "objet" en mouvement est en principe inquiétant.

Il est donc plus important pour le lapin de savoir si "ça bouger" que de savoir avec précision ce que c'est. L'éleveur doit tenir compte de cette situation lorsqu'il souhaite saisir un lapin : il n'y a pas d'angle mort. Par conséquent il est préférable que le lapin sache ce qui va lui arriver, et si les manipulations précédentes ont été assez douces, il n'y aura pas de tentative de fuite. A retenir toutefois, le lapin n'ayant pas de vision biloculaire vers l'arrière ni au dessus de sa tête, il ne sait pas à quelle distance est située un main qui va le saisir par le dessus-arrière. A l'inverse, face à la tête du lapin la main de l'éleveur peut parfaitement faire l'objet d'une attaque bien ciblée puisque le lapin la situe avec précision grâce à sa vision binoculaire.


La pupille est plus ou moins dilatée en fonction de la luminosité ambiante : forte à gauche et faible à droite

Chez le lapin comme chez les autres espèces, la rétine est couverte de cellules sensibles à la lumière. Certaines cellules sont en forme de bâtonnet et d'autre en forme de cône . Ces différentes cellules sont interconnectées de manière complexe et c'est un influx nerveux déjà en partie "synthétisé" qui est envoyé au cerveau par le nerf optique pour "analyse" et prise de décision.

Les bâtonnets grâce la présence de rhodopsines, sont sensibles à une lumière de faible intensité mais leur courbe d'absorbance est maximale pour une seule longueur d'onde, en l'occurrence le vert. Les bâtonnets donnent donc une bonne vision dans le pénombre mais c'est une vision monochromatique en vert et noir. On estime que le lapin a besoin de 6 à 7 fois moins de lumière que l'homme pour "commencer à y voir quelque chose" dans la pénombre, en raison d'un beaucoup plus grand nombre de cellules en bâtonnet par mm² sur sa rétine. Mais comme tous les animaux, homme compris, il ne voit rien dans l'obscurité absolue, mais pour lui, le simple «voyant» d'un équipement électrique éclaire parfaitement une pièce

Lorsque l'intensité lumineuse augmente (lumière du plein jour), tous les bâtonnets sont saturés. Ils n'envoient plus de signal supplémentaire au cerveau et ce sont les cellules en cône qui prennent le relais de l'information lumineuse reçue par l'œil.
Dans ces cellules en cône, les molécules sensibles, les opsines, sont de différents types et réagissent en fonction de la longueur d'onde de la lumière reçue. Il y a plusieurs sensibilités en raison de la modification de quelques acides aminés sur la molécule d'opsine. Chez le lapin deux types de molécules d'opsine sont présents dans les cônes. Ces molécules ont une absorption maximale de la lumière pour 2 longueurs d'onde correspondant pour l'une au bleu (465 µm) et pour l'autre au vert clair (509 µm). La vision des couleurs est dont moins complète chez le lapin que chez l'homme.

Enfin, la vue est le sens qui permet au lapin via la sécrétion de mélatonine par l'épiphyse (appelée aussi glande pinéale) de détecter la durée d'éclairement et ainsi de régler son horloge biologique.

3.2 - L'ouïe

L’ouïe un autre système d’alarme souvent utilisé en combinaison avec la vue. Le lapin a une bonne sensibilité auditive. Il entend les sons entre 360 et 42 000 à 50 000 Hz, contre 64 à 23 000 Hz pour l’homme. Autrement dit l’environnement sonore des lapins n’est pas exactement celui que vous et moi entendons : les sons très graves sont ignorés, alors que toute une gamme d'ultra-sons est parfaitement bien entendue (voir le tableau 1.1 ci-dessous comparant la sensibilité auditive des différentes espèces.


Tableau 1.1 : Gammes de longueur d'onde entendues par différentes espèces animales.
Malgré ses grandes oreilles mobiles, le lapin n’est pas doué pour localiser l'origine des sons : il ne peut localiser la source d’un son qu’à 20-30° près, alors que l’homme le fait à 0,5 à1° près.


Suite à une alerte sonore et ou auditive le lapin se dresse pour mieux détecter la source en utilisant la vue et l’ouïe en combinaison. Cette position "debout" est toujours le signe que le lapin est en alerte. Si elle est observée à forte fréquence dans un élevage, c'est que l'environnement des lapins est "inquiétant". C'est à l'éleveur d'identifier ce qui inquiète ses lapins et si possible d'éliminer cette source de stress.

3.3 - L'odorat

L’odorat du lapin est beaucoup plus développé que celui de l’homme par exemple. Selon différents auteurs il possède de 50 à 100 millions de récepteurs (105 cellules par mm² de muqueuse olfactive), alors que l’homme n’en a que 10 millions, mais le chien en possède de 1 à 3 milliards, voire un peu plus chez les meilleurs chiens de chasse.

Ce grand nombre de cellules olfactives est lié à la grande surface de ses cornets nasaux. Autrement dit, un lapin atteint d’un simple coryza (rhinite) ne sent presque plus rien alors que l’odorat est le sens qui lui permet de reconnaître son environnement immédiat, ses congénères, ses petits. Il faut aussi savoir que les récepteurs sont normalement remplacés tous les 30 à 60 jours, ce qui veut dire qu'un lapin guéri d'une rhinite récupère en quelques semaines ses capacités à distinguer les odeurs. Enfin, l'odorat est un sens pleinement développé dès la naissance. C'est en effet l'odorat qui sert par exemple aux lapereaux à repérer les mamelles de leur mère grâce aux phéromones présentes sur ces dernières.

3.4 - Le toucher

Chez le lapin la fonction du toucher est exercée surtout à travers les vibrisses qu’il porte sur la tête : autour de la bouche mais aussi au dessus des yeux.

Le lapin «touche» peu avec ses pattes mais beaucoup avec sa tête.

Compte tenu de l'importance de ces poils pour la relation du lapin avec son environnement immédiat, il faut éviter de les brûler sur les lapins curieux, si en présence des animaux on passe les cages au chalumeau pour nettoyer les poils accrochés au grillage.

Les pattes avant en particulier ont cependant un rôle à jouer dans le "toucher" particulier lié au grattage nécessaire au creusement des terriers par exemple.

3.5 - Le goût

Le lapin possède environ 17 000 cellules gustatives sur la langue. Cela lui permet de parfaitement distinguer les 4 saveurs basiques : Salé - Sucré - Acide - Amer .
Il tend à préférer ce qui est un peu sucré et un peu amer. Comme chez l'homme, le goût combiné avec l'odorat permet de distinguer les types d'aliment disponibles pour le lapin.

L’analyse immédiate d’un aliment d’après ses composantes de goût et d’odeur conduisent le lapin à faire des choix affirmés quand il en a la possibilité. Mais en l'absence de libre choix, sauf dans les cas extrêmes, la consommation des aliments uniques est pratiquement indépendante de leur goût, que l'aliment ait été antérieurement considéré par les lapins comme appétant ou inappétant (tableau 2)
Autrement dit , chez le lapin, le goût peut être classé comme un sens de second plan.

Tests en libre choix sur 10 jours (trémies interverties chaque jour)
chez des lapins en croissance
Et consommation en aliment unique sur une durée normale d'engraissement, avec ou sans l'arôme étudié

% consommé
lors du test en libre choix
Consommation
en aliment unique
   Aliment témoin A
35 %
115 g/jour
   Aliment témoin A + arôme "plaisant"
65 %
114 g/jour
   Aliment témoin B
80 %
124 g/jour
   Aliment témoin B + arôme "déplaisant"
20 %
123 g/jour

Tableau 2 : Consommation de lapins en croissance lorsqu'ils ont le choix entre 2 aliments ou n'en ont qu'un seul à leur disposition
(d'après Lebas , 2006)

 

4- Les comportements de l'individu et leurs relation avec les méthodes d'élevage

4.1- Alimentation et boisson

Cet aspect des comportements du lapin est largement développé dans la partie comportement alimentaire de la section "Biologie du lapin" de ce site. On trouvera ci-dessous le plan détaillé de cette partie avec des renvois directs sur chacun des grands paragraphes.

1 - Rythme d'ingestion
            
1.1 Le lapereau sous la mère
            1.2 Le lapin sevré ou adulte
2 - Évolution des quantités ingérées en fonction de l'âge et du stade physiologique de l'animal
3 - Ingestion d'aliment et d'eau en fonction de l'environnement
           
 3.1 Effet de la température
            3.2 Relation eau - aliment
            3.3 Effet des autres facteurs d'environnement
4 - Rationnement, comportement alimentaire et développement digestif
           
4.1 Rationnement quantitatif
            4.2 Restriction du temps d'accès à la mangeoire
            4.3 Restriction du temps d'accès à l'abreuvoir
           
4.4 Restriction alimentaire et développement digestif
5 - Les préférences alimentaires du lapin
           
5.1 Comportement alimentaire du lapin sauvage non captif (lapin "brouteur")
            5.2 Comportement alimentaire du lapin domestique en situation de libre-choix (lapin en cage)

Outre ces différents points du comportement alimentaire du lapin quelques éléments méritent d'être ajoutés.

Moisissures et toxines

Lorsque l'alimentation des lapins contient des moisissures, ou un développement anormal de bactéries du type putréfiant, ils réduisent significativement leur consommation pour des concentrations nettement inférieures à celles entraînant un réduction de consommation chez le rat par exemple (tableau 3).
De manière similaire, les lapins qui reçoivent un aliment contenant des mycotoxines (aflatoxines en particulier) le refusent complètement ou en mangent très peu. La conséquence immédiate est aussi une très forte tendance au grattage, les lapins essayant de trouver un aliment qui serait sain "sous" l'aliment ± moisi, ou dont les matières premières auraient laissé pousser des moisissures génératrices de mycotoxines.
    Prétraitement du mais
Séchage immédiat
Séchage différé
 Moisissures (unités /mg)
0,1
7,2
9,2
1700
 Consommation lapins g/jour
108 a
100 bc
102 b
95 c
  Consommation rats g/jour
14,5
15,9
14,3
14,3
Tableau 3 :Ingestion moyenne de lapins en croissance recevant un aliment contenant 50% de maïs traité de différentes manières après la récolte et contenant des quantités variables de moisissures, comparée à celle de rats consommant les mêmes lots de maïs : effet négatif des moisissure sur les lapins mais pas sur les rats

Taille des granulés et des mangeoires

Lorsqu'ils consomment des aliments granulés, les lapins tendent à saisir un granulé au fond de la mangeoire puis à retirer leur tête pour le mastiquer. Si le granulé ne tient pas dans sa bouche, le lapin le casse et la partie "excédentaire" retombe, au mieux dans la mangeoire, mais elle peut aussi tomber hors de la mangeoire si l'animal a déjà retiré la tête quand ils trouve que, décidément, ce granulé est trop long. C'est pourquoi il est vivement conseillé d'utiliser pour les lapins des granulés dont la longueur ne dépasse pas 1 cm. Pour les mêmes raisons un granulé d'un trop grand diamètre est en partie gaspillé (tableaux 4 et 5). A l'inverse des granulés de très petit diamètre sont nécessairement plus durs que des granulés de grand diamètre (réaction physique lors de la granulation) et ils ne sont pas particulièrement appréciés. Compte tenu de ces éléments de comportement des lapins, il est conseillé de proposer aux lapins des aliments complets sous forme de granulés de 3,2 à 5,5 mm et d'une longueur ne dépassant pas 1 cm. L'expérience a montré que les granulés de ce type conviennent aussi bien aux lapins adultes qu'aux très jeunes lapereaux (tableaux 4 et 5). Il faut en outre rappeler que si les lapins peuvent être alimentés avec des aliments en farine, cela réduit leur consommation effective et diminue leur croissance d'environ 20% par rapport à la distribution du même aliment granulé (tableau 6).

Diamètre des granulés
2,5 mm
3,2 mm
4,8 mm
dureté du granulé
3,4
2,8
2,8
Taille portée 21j
8,2
8,2
8,2
Cons 21-28j g/cage
3807
3989
4191
Pds portée 21j kg
5,47
5,57
5,62
Conso./ gain portée
1,82
1,95
1,93
Tableau 4: Consommation et croissance des lapereaux sous la mère en fonction de la taille des granulés : les granulés de petit diamètre ne présentent aucun avantage (d'après Maertens et Vermeulen, 1995)
Diamètre des granulés
2,5 mm
5 mm
7 mm
Consommation g/jour
117
122
132
Vitesse croissance g/jour
32,5
33,7
32,0
Indice de Cons.
3,7
3,7
4,1
Tableau 5: Performances de lapins en engraissement recevant un même aliment granulés de 3 manières différentes. La surconsommation avec 7 mm n'est pas retrouvée pour la croissance : il s'agit de gaspillage (Lebas, 1975)
Présentation
N°essai - forme
Conso.
g/jour
GMQ
g/jour
IC
    1 - farine
82
29,7
2,78
    1 - granulé
94
36,0
2,62
    2 - farine
102
26,5
3,80
    2 - granulé
104
33,1
3,30
Tableau 6 : Incidence de la présentation de l'aliment dans deux essais d'engraissement. Essai 1 (Lebas, 1973) l'aliment en farine est sous-consommé sans gaspillage. Essai 2 (Machin et al., 1980) l'aliment en farine est gaspillé et donc sous-consommé. Dans les deux essais la croissance est meilleure avec l'aliment granulé (+ 21 à 25%)

Par ailleurs, le fait que chaque lapin retire la tête après avoir saisi un granulé laisse à deux ou trois lapins la possibilité de manger simultanément dans une mangeoire à un seul poste (figure 2). Comme par ailleurs le temps total passé à consommé des granulés ne dépasse jamais 3 heures par lapin par cycle de 24 heures, on comprend aisément que le nombre de poste de consommation dans une cage ne soit pas un facteur limitant la consommation de chaque lapin au sein d'un groupe de 6 à 10 sujets, comme cela a été démontré aussi bien pour des lapins alimentés à volonté (tableau 7) que pour des lapins rationnés (tableau 8). NB : Pour en savoir plus sur les modalités de rationnement des lapins en engraissement on pourra se reporter à l'article écrit par Tudela et Lebas en 2006 dans partie CunicultureMagazine de ce site.


Figure 2
Nb de postes de consommation
1
2
3
4
6
Consommat. g/j
124
129
127
129
129
GMQ g/j
32,0
32,9
33,2
33,5
33,2
Indice de Cons.
3,89
3,93
3,82
3,86
3,88
Tableau 7 : Performances moyennes de lapins Californien alimentés à volonté de 5 à 11 semaines dans des cages contenant 10 sujets, avec un nombre variable de poste de consommation. (Aucune des différences n'est significative - d'après Lebas, 1971)
Nb de poste de consom.
1
2
4
Poids final à 73 j   kg
2,315
2,340
2,318
Vitesse croissance g/j
37,7
38,3
37,7
Indice de Consommation
2,63
2,59
2,64
écart-type du poids vif final intra-cage (g)
142
133
136
Tableau 8 : Incidence du nombre de postes de consommation sur les performances de croissance des lapins rationnés en moyenne à 75% et logés à raison de 6 par cage (Aucune des différences n'est significative, d'après Tudela et Lebas, 2006)

Tri dans les mangeoires et présence de fines ou de poussières => dimension et équipement des mangeoires

Lorsqu'un lapin consomme des granulés dans une mangeoire, il prélève les granulés un par un. De ce fait, il délaisse les petits morceaux de granulés (fines) ainsi que la poussière d'aliment, qui tendent donc tous deux à s'accumuler au fond de la mangeoire. Après un certain temps qui dépend de la quantité de fines et de poussières initialement présent dans le lot de granulés, le lapin est gêné par des débris de granulés. La première réaction du lapin est de gratter dans la mangeoire pour rechercher les granulés. A cette occasion, il projette inévitablement de l'aliment hors de la mangeoire, qui est soit souillé, soit carrément perdu (passage à travers le grillage). Pour réduire l'incidence de ce comportement il est utile de prévoir des mangeoires limitant le grattage par le conformation du rebord d'une part (figure 3) et par la largeur dans laquelle les lapins peuvent manger d'autre part. Puisque pour gratter un lapin utilise toujours ses deux pattes avant en même temps (voir figure 4) il suffit de prévoir des mangeoires dans lesquelles un lapin peut passer sa tête, éventuellement une patte avant, mais pas les deux en même temps. Concrètement, cela donne des largeurs de 7-8 cm, 10 cm au grand maximum pour des mangeoires linéaires (figure 5), un peu plus pour des mangeoires à coupelles de forme circulaire, utilisées dans les alimentations automatiques (figure 6).


Figure 3 : Exemple de mangeoire linéaire à réserve avec rebord et cloisonnement.

 

Figure 4 : Comment les lapins utilisent leurs deux pattes pour gratter


Figure 5 : Exemples de mangeoires linaires avec cloisons


Figure 6: Exemples de mangeoires circulaire pour alimentation automatique.

Un lapin ça ronge

Il faut enfin rappeler à propos de comportement alimentaire des lapins que ce sont des animaux qui ont des dents conçues pour ronger. Elles ont toutes une croissance continue de 2 à 2,4 mm par mois. Le lapin use un tout petit peu ses dents en mangeant, mais très majoritairement il les use en frottant les dents du haut contre les dents du bas et réciproquement. Par contre le lapin aime bien ronger ce qui est à sa portée. Un morceau de bois placé dans la cage exerce un effet calmant (figure 7) mais il convient que celui-ci soit accroché à la paroi pour éviter qu'il ne soit souillé par les déjections des animaux et devienne source de problèmes pathologiques. Par contre, les autres éléments et équipements présents dans la cage doivent être résistants à la dent des lapins (figures 8 et 9). De fait, seul le métal (assez épais) peut résister à la dent des lapins (voir figure 6). Aucun bois, ni aucun plastique ne peuvent résister longtemps à un lapin qui cherche à les ronger dès lors que le lapin a un angle d'attaque, c'est à dire qu'il peut saisir une partie de l'objet entre ses incisives du haut et celles du bas. C'est ainsi qu'il faut protéger les bords des trémies ou des abreuvoirs en plastique, les bords des boites à nid en plastique ou en bois, etc. Par contre, si le lapin ne peut pas le "saisir" entre ses dents, le produit peut lui résister. A titre d'exemple un fond de cage construit avec des bambous refendus et bien orientés n'est pas attaqué (figure 10). A l'inverse, les tentatives ont été faites dans les années 1970-80 pour fabriquer des sols grillagés enrobés de plastique dans l'espoir de les rendre plus doux sous les pattes des lapins que le fer galvanisé. Elles se sont toutes soldées par des échecs cuisants. Suivant la résistance du revêtement plastique utilisé, l'enrobage était détruit en 1 à 15 journées au plus. Pire, les plastiques les plus résistants n'étaient que partiellement rongés et formaient des aspérités qui irritaient les pattes des lapins (source de mal aux pattes pire qu'une galvanisation mal faite).


Figure 7 : Les lapins apprécient d'avoir un morceau de bois à ronger. Mais il faudrait que ce dernier soit accroché à la paroi pour éviter les souillures

Figure 8 : Les lapins ne peuvent pas ronger des parois planes, ici les côtés de la boite à nid. Par contre son entrée doit être protégée, ou être en métal.

Figure 9 :: Le bois ou le plastique non protégés sont facilement rongés par les lapins.

Figure 10 : Exemple de sol de cage en bambou refendu qui n'est pas rongé par les lapins, dans un élevage indonésien.

4.2 La locomotion

Un lapin qui va d’un point à un autre se déplace par petits bonds (figure 11). Par contre, un lapin qui broute, par exemple, se déplace en marchant à petits pas d’environ 5 à 8 cm. En cas de jeu ou de fuite un lapin peut faire des grands bonds et peut sauter des obstacles de 1 m de hauteur surtout s'il a de l'élan. Lorsque certains éleveurs ont voulu faire de parc sans "plafond", il s'est avéré nécessaire d'entourer les parcs d'un grillage d'au moins 1 m de hauteur. Souvent il a même été nécessaire de placer en haut un rebord tourné vers l'intérieur pour arrêter les lapins qui peuvent parfois grimper après un grillage, principalement dans les angles.

Ces caractéristiques du déplacements des lapins sont prises en compte lors de l’élaboration actuelle des dimensions souhaitables pour le cages au plan européen.


Figure 11 : Décomposition des mouvement lors des déplacements rapides d'un lapin, par bonds ou course rapide

Figure 12 : Déplacements rapides et sauts
de lapins de garenne et de lapins domestiques

 

 4.3 Grattage et creusement

Il est bien connu que le lapin de garenne est un animal fouisseur qui creuse des terriers (figure 13) . Le lapin domestique laissé avec assez de temps libre pour creuser sur un sol adéquat creuse effectivement lui aussi. Si des lapins domestiques sont dans un enclos dont la clôture n'est pas enterrée, ils creusent immanquablement sous la clôture (figure 14) et s'échappent ainsi. Les conséquences de la technique de grattage des lapins (figure 4) ont été vues aussi plus haut à propos de la conception des mangeoires.


Figure 14: les lapins domestique creusent très bien s'ils en ont
l'occasion, en particulier sous les clôtures.


Figure 13 : Vue en coupe d'un terrier de lapins de garenne

Pour mettre bas, la lapine de garenne se creuse un terrier particulier, une rabouillère qu’elle garnit d’herbe, de feuilles mortes et du poil qu’elle se prélève sur l’abdomen (ce qui en outre améliore l’accessibilité aux tétines). Chez la lapine domestique, cette fonction est remplacée par la mise à disposition d’une boite à nid munie d’un litière que la lapine aménage à sa guise dans les jours précédents la mise bas. L'expérience montre que les copeaux de bois dépoussiérés permettent aux lapines de faire des nids d'une qualité meilleure que qu'avec de la paille.


Figure 15: La lapine de garenne creuse, une rabouillère pour mettre bas et élever sa portée


Figure 16: Dans un élevage au sol, une lapine creuse aussi un trou ± profond pour mettre bas


Figure 17 : En élevage rationnel, l'éleveur fournit à chaque lapine une boîte à nid garnie de litière, si possible de copeaux

 

à suivre ...