CUNICULTURE
Magazine Volume 30 (année 2003), pages 20 à 29

La production française de lapin en 2002
et tendances pour 2003

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  Cet article a été réalisé essentiellement à partir du texte préparé par Agnès BRAINE de l'ITAVI, et présenté lors de l'assemblée générale de l'interprofession cunicole française - le CLIPP - en septembre 2003. Il est divisé en 4 grands chapitres auxquels vous pouvez accéder directement:
 1 - La production cunicole globale
 2 - Les maillons de la production
 3 - Les échanges de lapins : Import - Export
 4 - La consommation de viande de lapin
 

 

1 - LA PRODUCTION CUNICOLE EN 2002

La production cunicole française montre une tendance structurelle à la baisse sur le long terme. En effet après le développement de la production rationnelle de lapin, qui s'était progressivement substituée à une production traditionnelle en déclin, l'épizootie de l'entérocolite a stoppé cette croissance à partir de 1997. Après un sursaut en 1999, la production avait à nouveau marqué le pas en 2000 et a été estimée entre 82 000 et 84 000 tonnes (équivalent carcasse). En 2001, avec un repli de 0,8% des fabrications d'aliment et une baisse de 0,7% des abattages contrôlés la production rationnelle semble s'être stabilisée.

Les résultats de l'année 2002, indiquent une nouvelle baisse de la production. En effet, les fabrications d'aliments sont en repli de 2% et les abattages contrôlés reculent de 1,2 % en atteignant 56 240 tonnes.

La production traditionnelle, issue de petits élevages familiaux demeure difficile à estimer car elle échappe aux enquêtes et recensements, mais on peut penser qu'elle ne cesse aussi de reculer. Selon les résultats du Recensement Général de l'Agriculture (RGA) réalisé en 2000 (tableau 1), 116 000 exploitations agricoles détenant des lapines le jour du passage de l'enquêteur, ont été recensées avec un total de 1,3 million de lapines. Entre 1988 et 2000, cela représente une division par 3 du nombre d'exploitations détenant des lapines (116 000 contre 364 500) et une réduction de 37% du cheptel reproducteur.

Tableau 1: Nombre d'exploitations agricoles possédant des lapines reproductrices et nombre de lapines détenues au total par ces exploitations lors des recensements de 1979 - 1988 et 2000 (Source SCEES)
 RGA 1979RGA 1988 RGA 2000
Nombre d'Exploitationsmilliers
de Mères
Exploitationsmilliers
de Mères
Exploitationsmilliers
de Mères
TOTAL
650 024 
3 217 
364 355 
2 084 
116 000 
1 311 
ayant 20 mères et +
15 324 
697 
9 055 
862 
3 980 
941 
ayant 200 mères et +
424 
142 
1 355 
422 
1850 
809 

Figure 1 :
Evolution entre 1990 et 2003 de 3 indicateurs de la production cunicoles française, exprimés en milliers de tonnes par an

Dans le même temps, la taille moyenne des exploitations de production s'accroît régulièrement. Ainsi la taille moyenne des élevages détenant plus de 20 mères est passée de 95 à 237 lapines par atelier entre les RGA de 1988 et de 2000. Au cours de la même période, les exploitations détenant plus de 200 mères ont une taille moyenne qui est passée de 311 à 378 lapines. On assiste donc a une spécialisation des élevages de lapins puisque, par exemple, un élevage de 237 lapines correspond approximativement à un emploi à mi-temps.

La production française estimée par les Services Statistiques du Ministère de l'Agriculture s'établissait à 85 463 tonnes de carcasses en 1999 (+1,2% /1998). Ces statistiques sous-estiment probablement les volumes destinés à l'autoconsommation, ce qui nous conduit à proposer une estimation globale de 90 000 tonnes d'équivalent carcasse, produites en France en 1999. Compte tenu de la baisse des fabrications d'aliment de près de 7% depuis 1999, la production 2002 devrait se situer autour de 83 000 tonnes. Cette évolution s'inscrit dans la tendance de diminution de la production de viande en général et de celle du lapin en particulier.

 

2 - LES MAILLONS DE LA PRODUCTION EN 2002

Ralentissement des fabrications d'aliments lapins

 

Après la montée en puissance des fabrications d'aliment lapin pendant les années 70, accompagnant la rationalisation de la production, un plateau a été atteint vers la fin des années 1980. Ainsi au début des années 1990, entre 700 et 750 000 tonnes étaient fabriquées annuellement. Depuis 1993, on observe un déclin de la production d'aliments composés destinés aux lapins (figure 1). Cette diminution des fabrications d'aliment est liée à la stagnation de la production rationnelle et à la poursuite des cessations d'activité des petits élevages familiaux.

En 2002, les fabrications d'aliment pour lapins enregistrent un repli de 1,9% par rapport à 2001 dans un contexte de baisse généralisée des fabrications d'aliments composés (- 2,7%). Depuis 1995, on observe un déclin de la production d'aliments pour lapins de 2% par année en moyenne, alors qu'à l'inverse les fabrications totales d'aliments progressent de 0,9%.

 Trois régions assurent 64% de la production d'aliment (tableau 2). Le recul du poids des Pays de la Loire au profit des autres régions du Grand Ouest observé après 1995 marque le pas en 2002. En effet la production de cette région enregistre une hausse de 11% en 2002/2001 alors que celles de la Bretagne et de Poitou-Charentes sont en baisse respectivement de 4 et 16%. Des transferts de production ont effectivement été constatés depuis la région Poitou-Charentes ainsi qu'une augmentation de la production dans certaines unités des Pays-de-la-Loire.
Tableau 2 : Evolution de la production d'aliments pour lapins en France et dans 5 régions, au cours des années passées
(source : SYNCOPAC et SNIA)
Années 
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2001
2002
 Tous aliments
11 108 
14 580 
14 721 
18 213
21 277
23 157 
23 327 
22 784 
  Aliments LAPIN
528 
731 
711 
688 
676 
582 
577 
564 
dont en %
        
- Pays de la Loire
16,3 
16,2 
18,3 
21,4 
27,5 
23,8
22,4
26,2 
- Bretagne
7,8
11,8 
13,0 
16,4
17,4
18,9
19,5 
19,8
- Poitou-Charentes
10,6 
10,5
9,7 
7,7
11,4 
18,3
20,6
18,3 
- Nord-Pas-de-Calais
8,3 
8,5 
8,1 
7,4
7,6
7,9
7,3
7,2 
- Rhône-Alpes
6,4 
8,4 
8,1 
6,1
5,7
5,8
5,9
5,4 
 Total 5 Régions
49,4 
55,4 
57,2 
59,0 
69,6 
74,6 
75,8
76,8 
 

Sur les cinq premiers mois de 2003, la tendance à la baisse des fabrications d'aliment se confirme avec un repli de 7,2% pour les entreprises fabricant plus de 30 000 tonnes par an. Les Pays de la Loire continuent de gagner des parts de marché puisqu'ils représentent maintenant près de 28 % du tonnage fabriqué, sans doute aux dépens de la région Poitou-Charentes qui ne représente plus que 16,3 % alors que la Bretagne reste stable autour de 20 %

 

Repli des abattages contrôlés
Depuis 1975, le SCEES réalise deux enquêtes auprès des abattoirs de lapins : une enquête mensuelle auprès d'un échantillon d'établissements permettant de suivre mois par mois l'évolution des volumes traités et une enquête exhaustive annuelle permettant de caractériser la structure du secteur.

Figure 2 : Evolution des abattages contrôlés au cours des années 2002 et 2003 exprimés en milliers de tonnes par mois (Source SCEES)

Après une stagnation autour de 60 000 tonnes par an (courbe bleue sur la figure 1 et figure 3) les années 1997 et 1998 ont vu un repli des abattages contrôlés en liaison avec la diminution de production liée aux problèmes sanitaires de la filière. En 1999, les abattages contrôlés ont repris et ont progressé de 2,8 % / 98, mais dès 2000, la tendance se renverse à nouveau et les abattages contrôlés retrouvent le niveau de l'année 1998 marquée par le développement de l'entérocolite épizootique.

En 2002, en atteignant 56 242 tonnes les abattages contrôlés se sont de nouveau inscrits en baisse (- 1,2% en tonnage et - 1,9% en nombre de têtes par rapport à 2001). En 10 ans, la baisse des abattages contrôlés représente 5%, soit un peu plus de 3 000 tonnes.

De janvier à mai 2003, la baisse s'accentue (figure 2), avec un repli de 4,7% du tonnage abattu ce qui représente environ 600 000 lapins abattus en moins par rapport à 2002. Les effets néfastes de la canicule de l'été 2003 devraient amplifier le phénomène pour la fin 2003.

 


Figure 3 : Evolution du nombre d'abattoirs contrôlés et du tonnage annuel passant par ces abattoirs (Source SCEES)
Le secteur de l'abattage poursuit sa concentration, puisque le nombre total d'abattoirs continue de diminuer. En 2002 il y en approximativement 10 fois moins d'abattoirs qu'en 1975 pour un tonnage accru de 46% (figure 3). Depuis 1985 le nombre de gros abattoirs (ceux traitant plus de 250 000 lapins par an) décroît aussi, mais la part des abattages contrôlés passant par ces abattoirs continue de s'accroître (figure 4). Après trois années de stabilisation autour de 25 abattoirs traitant plus de 250 000 animaux par an, on note une reprise de la concentration depuis 1999. En 2002, ils n'étaient plus que 17 assurant 92% de la production.

Figure 4 : Evolution du nombre de gros abattoirs et du pourcentage des abattages contrôlés qu'ils traitent (source SCEES)
En France, dix abattoirs ont une production de plus d'un million de lapins par an et réalisent 82% des abattages totaux. Parmi ces établissements, 5 abattoirs abattent plus de 2,5 millions de sujets par an soit 59% du total des volumes abattus. La prédominance de quelques gros abattoirs s'est accentuée depuis 2000, avec la liquidation judiciaire de deux d'entre eux : la majorité de leur approvisionnement en lapins est désormais reprise par les 4-5 plus gros abattoirs qui voient ainsi augmenter leurs volumes de lapins abattus et corrélativement leur part du marché.

Figure 5 : Evolution du poids moyen des carcasses abattues en France (Sources SCEES)
Depuis 1975 , le poids moyen des carcasses abattues est relativement stable, et situé entre 1,360 et 1,430 kg (figure 5). Si on analyse de près les chiffres, on constate qu'après une diminution des poids moyens des carcasses jusqu'au début des années 1990, la tendance est à un léger alourdissement des carcasses depuis quatre ans autour d'un poids moyen de 1,380 kg. Cette tendance s'accentue en 2002 avec un poids moyen de 1,392 kg.
 Les trois premières régions du Grand Ouest réalisent en 2002 près des deux tiers des abattages contrôlés, Poitou-Charentes et Pays de Loire assurant respectivement 29% et 25% des abattages nationaux. La région Poitou-Charentes arrive en première place avec près du tiers des abattages nationaux mais seulement 10% de la production nationale estimée. Cela provient de la localisation des abattoirs les plus importants en "bordure" de région.
Tableau 3 : Evolution des abattages contrôlés dans 5 régions françaises
(source SCEES)
Abattages annuels
1990
2001
2002
 tonnes%tonnes%tonnes%
FRANCE
53 959 
100    
56 900 
100     
56 242 
100     
dont
 - Poitou-Charentes
15 281 
28,3    

16 835 

29,6    
16 468 
29,3    
 - Pays de la Loire
10 395 
19,3    
14 312 
25,2    
14 141 
25,1   
 - Bretagne
6 458 
12,0    
5 934 
10,4    
6 009 
10,7   
 - Basse-Normandie
2 839 
5,3    
3 682 
6,5    
3 793 
6,7   
 - Nord-Pas-de-Calais
1 709 
3,8    
2 621 
4,6    
2 740 
4,9   
Total 5 régions
36 682 
57,5    
43 384 
76,2    
43 151 
76,7   
 
En 2002, 14 798 tonnes de découpes de lapin ont été produites, en hausse de 3,3% par rapport à 2001. Depuis 1990, l'activité de découpe a progressé de 38%. Quatre régions assurent 62% de l'activité nationale de découpe : les Pays de la Loire avec plus de 4 300 tonnes soit 30% du total découpé de lapin, suivis par la Bourgogne, la Bretagne et Rhône Alpes.

Depuis 2001, le SCEES réalise aussi une enquête annuelle " qualité " auprès des abattoirs afin de mieux cerner les tonnages abattus en production certifiée et label. Ainsi en 2002, 14% des abattages contrôlés concernaient des lapins certifiés contre 12% en 2001. La région Poitou-Charentes abat à elle seule 35% des lapins certifiés, suivie par les Pays-de-la-Loire avec 22,5%.

 

Reprise des arrivages sur le MIN de Rungis en 2002
Le MIN (Marché d'Intérêt National) de Rungis continue de représenter une part significative de l'approvisionnement de l'agglomération parisienne, même si celle-ci tend à diminuer au profit de l'approvisionnement direct des grandes surfaces auprès des abattoirs. Depuis 1996, on observe un déclin des arrivages sur Rungis de 4% par an en moyenne.

Cependant en 2002, 4 330 tonnes, soit un peu plus de 5% de la production nationale, ont transité sur ce marché qui a ainsi progressé de 12% par rapport à 2001. En effet depuis la fin de l'année 2001 et en raison des difficultés d'écoulement des produits par les abattoirs, l'offre nationale excédentaire s'est retrouvée sur ce marché de façon conjoncturelle. Les arrivages étrangers sont en chute libre (- 81% ) en liaison avec la baisse des importations constatée au début 2002. Ces arrivages ne représentent plus que 1% du total contre plus de 3% en 2001 soit le niveau des années 1997-1998.

A Rungis, au premier semestre 2003, la tendance s'inverse et les arrivages s'inscrivent en repli de 21% par rapport au premier semestre 2002, en dépit d'un retour des arrivages étrangers (6 000 tonnes contre 1 400 tonnes en 2002).

Repli de la cotation du lapin vif en 2002
Depuis 10 ans, une cotation hebdomadaire des prix du lapin à la production a été mise en place conjointement, la FIA (Fédération des industries avicoles), la FENALAP (Fédération Nationale des Groupements de Producteurs de Lapins) et le SNM (Service des Nouvelles du Marché du Ministère de l'Agriculture). Chaque semaine, des prix mini, moyens et maxi du kg de lapin vif sont publiés. Cependant, la représentativité de cette cotation n'est pas parfaite et a tendance à se dégrader, mais elle a le mérite d'exister. Concernant l'établissement des prix à la production, il existe également des accords régionaux entre certaines organisations de production et des abattoirs.

Après les hausses constatées en 2000 et 2001 soit respectivement + 7,1% /1999 et +8,1% /2000, la cotation nationale du lapin vif enregistre une forte baisse en 2002 en s'établissant à 1,57 €/kg vif contre 1,77 € en 2001 soit un repli de 11% dans un contexte de baisse des achats des ménages constatée au second semestre 2001 et de difficultés rencontrées par les abattoirs pour écouler leurs produits. En 2002, comme au cours des années précédentes, le cours du lapin subit de fortes variations d'un mois sur l'autre, l'amplitude maximale (0,48 €/kg) représentant 30% de la valeur moyenne de l'année (figure 6).

Au cours des 8 premiers mois de 2003, la cotation nationale se redresse et est en moyenne supérieure de 5,3% à celle de l'année 2002 pour la même période. Cependant, elle reste de 11% environ en dessous de la cotation de 2001, et approximativement au niveau de la cotation de l'année 2000.


Figure 6 : Evolution mensuelle du prix moyen du lapin en vif, au cours des années 2000 à 2003 (Source ITAVI)
 

Sur le marché de Rungis, les prix des carcasses sont en forte baisse en 2002 en s'établissant pour la qualité "trié" à 3,89 €/kg contre 4,31 € en 2001 et pour la qualité "standard" à 2,76 €/kg contre 3,75 € en 2001. Au premier semestre 2003, on assiste à un renversement de tendance ; ainsi les prix des carcasses sont en forte hausse, en s'établissant pour la qualité " triée " à 4,15 €/kg contre 3,71 € en 2002 et pour la qualité " standard " à 2,37 €/kg contre 2,42 € en 2002.

 

Baisse du coût des matières premières
L'ITAVI calcule tous les mois un indice "moindre coût" qui optimise le coût de la formule, en faisant varier les taux d'incorporation des différentes matières premières utilisées. Il reflète donc au mieux la réalité, même s'il n'inclut pas les coûts de fabrication et les coûts d'approche des matières premières, coûts plus stables dans le temps.

Figure 7 : Evolution mensuelle de l'indice coûts matières premières, calculé par l'Itavi.

En 2001, l'ITAVI a procédé à une réactualisation du modèle de calcul de l'indice coûts matières premières, en raison des évolutions techniques et réglementaires intervenues au cours des dix dernières années pour améliorer la cohérence des données économiques recueillies (changement d'origine des cotations de quelques matières premières).
Selon ce nouveau modèle en 2002, l'indice coûts matières premières de l'aliment a enregistré une baisse de 1,2% par rapport à 2001 (figure 7) en relation avec la baisse des cours des céréales (- 5% en moyenne), du soja (-11%), du son de blé (-14%), malgré une hausse de 12% du prix de la luzerne déshydratée..

Au cours des 8 premiers mois de 2003, la valeur moyenne de l'indice du coût des matières premières est inférieure de 11% à son niveau de l'année précédente, en relation avec la baisse des cours des matières premières constatée en 2003, soit par exemple : -1% à -2% en céréales, -17% en son fin, -6% en luzerne et -30% en pulpes de betterave.

  
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